Quand la foi tisse les liens entre peuples

Chaque année, le Daaka de Médina Gounass attire des dizaines de milliers de fidèles venus du Sénégal et de l’ensemble de la sous-région ouest-africaine. Longtemps perçu comme un moment exclusivement dédié au recueillement et à la retraite spirituelle, ce rassemblement mérite d’être redécouvert à travers ses autres dimensions, moins visibles mais profondément transformatrices.
Au-delà du spirituel, le Daaka est un puissant moteur de cohésion sociale, un espace d’entraide et de solidarité, et un modèle vivant d’intégration africaine.
En effet, au cœur de cet événement religieux se tissent des liens humains forts et durables. Des pèlerins venus de différents horizons – Sénégal, Mauritanie, Gambie, Guinée, Mali – partagent durant deux semaines un espace commun dans un esprit de fraternité, sans considération d’ethnie, de classe sociale ou de nationalité. L’égalité se manifeste dans les actes : les travaux champêtres entrepris pour le compte du Khalife sont exécutés collectivement, dans une ambiance de coopération et d’humilité, où chaque participant donne selon ses capacités.
Parmi les moments forts du Daaka figurent également des gestes concrets de solidarité. La distribution de vêtements et de vivres aux populations vulnérables, organisée discrètement mais efficacement par des fidèles et des associations, témoigne de la dimension sociale profonde de ce rassemblement. On y célèbre aussi des mariages, souvent transfrontaliers, symboles d’unité entre peuples et d’ouverture interculturelle au sein de la communauté musulmane.
Ces unions renforcent les liens entre communautés dispersées dans plusieurs pays, contribuant à apaiser les tensions interethniques que connaît la région.
Ce climat de fraternité est d’autant plus remarquable dans un contexte sous-régional marqué par des conflits identitaires et des divisions communautaires. À Médina Gounass, le Daaka se présente comme un contre-modèle : ici, le seul trait d’union est la foi en l’islam et l’attachement à la voie tidiane. Cette unité spirituelle transcende les clivages.
La présence respectueuse des autres confréries religieuses du Sénégal – mourides, layènes, niassènes – illustre davantage encore cette volonté d’inclusion, de dialogue et de paix.
Ce message d’unité et de cohésion sociale puise ses racines dans l’héritage de Thierno Mamadou Siradji Ba, fondateur de Médina Gounass. En érigeant 55 villages entre le Sénégal, la Mauritanie, la Gambie et la Guinée, il a très tôt posé les bases d’un projet de société africain fondé sur l’intégration, la solidarité islamique et le rejet des divisions sources de conflits. Son œuvre continue de porter ses fruits à travers le Daaka, devenu un carrefour de paix, un creuset de valeurs et un vecteur d’espérance pour une sous-région en quête de stabilité.
Il est donc temps que les autorités sénégalaises et ouest-africaines saisissent cette opportunité pour promouvoir un modèle de société inspiré des enseignements du Dental : solidarité, tolérance, paix.
En valorisant davantage les dimensions sociales du Daaka, en soutenant les initiatives communautaires qui en émanent, et en renforçant son rôle dans la diplomatie culturelle et religieuse régionale, le Sénégal pourrait offrir au monde un exemple vivant de cohésion durable, enracinée dans la foi et la fraternité africaine.
Mouhamadou Sow, Pèlerin au Daaka de 2025.