Le parquet requiert six mois de prison, dont trois ferme

Moustapha Diakhaté, ancien député et figure bien connue du landerneau politique sénégalais, a comparu, hier, devant le juge des flagrants délits. Il est poursuivi pour offense au chef de l’État et atteinte à l’honneur d’une institution. Des propos tenus lors d’une émission télévisée lui ont valu sa comparution.
‘’Gougnafier’’ ! C’est le mot qui est à l’origine de l’incarcération de Moustapha Diakhaté. Dans une émission, il avait dénoncé avec virulence le comportement de certaines personnes présentes autour du président de la République, lors de la prise d’une photo officielle, allant jusqu’à dire que ‘’toutes ces personnes sont des gougnafiers’’. Pour la partie civile, ce mot n’est pas anodin. Il atteint l’image même de la présidence, du suffrage et de la souveraineté nationale. Le procureur n’a pas mâché ses mots : ‘’Respecter le président de la République, c’est respecter le choix du peuple sénégalais. Si on n’ose pas traiter son propre père de gougnafier, pourquoi le faire avec le père de la Nation ?’’
Le prévenu, lui, assume ses propos. À aucun moment, il ne cherche à les nier. ’’Gougnafier’’, affirme-t-il, n’est pas une insulte. ‘’C’est quelqu’un qui ne sait rien faire, qui ne connaît pas les bonnes manières. Même ceux qui pêchent ou cultivent le riz sont parfois appelés ainsi. Ce n’est pas une injure’’, a-t-il expliqué au juge.
Et s’il a entonné l’hymne national lors de la cérémonie, ce n’était, dit-il, que pour rappeler la solennité du moment : ‘’Je n’ai fait que chanter l’hymne de la République pour ne pas qu’on la clochardise.’’
Le ton monte lorsqu’il s’adresse au procureur : ‘’Je ne répondrai à aucune de vos questions. C’est à Ousmane Sonko qu’il fallait s’attaquer, pas à moi. C’est lui qui a traité le président de ‘Serigne Ngoundou’ et tout le monde sait ce que cela signifie.’. Le mot est lâché, plus virulent encore : ‘’Serigne Ngoundou’’, est un surnom perçu comme profondément offensant dans le contexte politique sénégalais.
Pour Diakhaté, il y a deux poids, deux mesures. ‘’Le procureur n’a pas poursuivi Sonko. Pourquoi moi ?’’, lance-t-il.
Au terme des débats, le procureur a requis six mois de prison, dont trois ferme et une amende de 200 000 F CFA. Il a cependant demandé, en cas de mise en délibéré, que Moustapha Diakhaté bénéficie de la liberté provisoire. Le juge a accédé à cette requête.
La défense, composée notamment de Maitres El Hadj Diouf, Antoine Mbengue, Oumar Youm et Amadou Sall, s’est attachée à démonter la procédure, la qualifiant d’illégale, d’arbitraire et de politique. Maitre Mbengue s’est interrogé : ’’Jusqu’à maintenant, on ne sait pas s’il est poursuivi comme auteur principal ou coauteur. On juge sur la base d’une transcription, pas sur l’enregistrement intégral.’’
Pour Me Youm, le problème est ailleurs : ‘’Le procès de la politesse n’a rien à voir avec celui de la liberté. Nous vivons dans une République. Diriger, c’est accepter la critique. Nous, on accepte d’être traités de ‘kulunas’. Pourquoi eux ne pourraient-ils pas être des gougnafiers ?’’
Maitre Amadou Sall, lui, s’offusque : ’’Quand j’ai vu l’image, j’ai eu honte. Ils rigolaient comme en balade. C’était gênant. Et c’est ce comportement-là que Diakhaté a dénoncé. Moi aussi, je trouve que c’était un comportement de gougnafier.’’
Le verdict est attendu pour le 2 juillet.
MAGUETTE NDAO