Le secteur de la publicité doit être régulé au profit de la presse privée”
Âgé d'une soixantaine d'années, Alioune Dramé est à la tête de la Direction de la communication depuis sa nomination le 20 septembre 2012. Dans cet entretien avec EnQuête, l'ancien PDG de la SSPP éditrice du quotidien national Le Soleil, rappelle le rôle de la direction qu'il dirige. M. Dramé donne en outre son avis sur la problématique de la publicité, la distribution des subventions à la presse avec son lot de contestations, entre autres sujets.
M. Dramé, voudriez-vous rappelé le rôle de la Direction de la communication ?
La Direction de la Communication est un démembrement du ministère de la Communication, des Télécommunications et de l'Économie numérique. Elle conseille le ministre sur toutes les questions en rapport avec la presse. Nous sommes également sollicités par le gouvernement chaque fois qu'il a une action de communication transversale à mener, nous sommes représentés pour intervenir sur ce volet. En dehors de cela, la Direction de la communication a un rôle essentiellement institutionnel et administratif. Elle assure notamment le suivi des dossiers relatifs à l’information et à la presse, les questions liées aux demandes de fréquences, aux demandes d’autorisation de tournage des télévisions étrangères. Elle est aussi chargée de l’accréditation des correspondants permanents et représentants des médias étrangers et délivre la Carte nationale de presse.
En tant que tutelle des médias publics, comment expliquez-vous que ceux-ci, en plus de la subvention de l’État, s'accaparent de la plus grande part du marché publicitaire ?
Il est vrai que le secteur de la publicité doit être régulé. La question a été évoquée lors d’une rencontre récente avec le président de la République. C’est pour vous dire que la publicité est une préoccupation majeure à tous les niveaux et le ministère en est conscient. C’est pourquoi, cette question est au centre des projets prioritaires du département. Nous avions décidé de créer un comité scientifique impliquant tous les acteurs pour mener les réformes qui s’imposent. Cependant, on ne peut pas imposer des supports médiatiques aux annonceurs soucieux avant tout de rentabilité et d’efficacité. Il faut, dans ce domaine aussi, respecter les règles économiques. Nous avons tout de même décidé de réguler le secteur au profit de la presse privée. D'autres sources de financement seront trouvées pour les médias du service public. Par ailleurs, il faut préciser aussi que la loi régissant la publicité au Sénégal date de 1983. Cette loi est aujourd'hui de loin dépassée face à l'évolution fulgurante des technologies de l'information et de la communication et la multiplication des supports. Vous voyez combien il est urgent d’avoir une loi adaptée pour ce secteur sensible et vital pour la presse.
Est-ce que le projet de nouveau code de la presse prend en charge cette question ?
Évidemment, toute une section est réservée à cette question dans le nouveau code. Le texte propose des dispositions pertinentes allant du contenu des messages à la diffusion, en passant par la protection des consommateurs et des mineurs, mais aussi l’organisation du secteur.
Restons sur les médias publics pour évoquer le cas de l’Agence de presse sénégalaise (APS). Où en êtes-vous dans la résolution des difficultés que traverse cette structure ?
Le gouvernement a pris le problème de l’APS à bras le corps en l’appuyant sur le plan financier. D’autres mesures sont prévues pour la soutenir de manière structurelle. Parce que nous sommes conscients du rôle central que joue cette agence dans le paysage médiatique sénégalais et sous-régional. A ce propos, un comité de réflexion a été installé par le Premier ministre pour faire des propositions fortes sur le financement des médias du service public. Nous nous réunissons périodiquement au ministère de l’Économie et des Finances pour trouver des solutions structurelles et pérennes.
L'idée de reloger les services de l’APS dans les locaux de la Maison de la presse est agitée. Où en êtes-vous ?
Ce relogement à la Maison de la presse ne sera que provisoire en attendant qu'on trouve un siège. L’APS mérite bien cela car elle est une icône, un patrimoine national.
Mais l'immeuble n'a encore ni électricité ni eau...
C'est vrai. Il faut dire que l’immeuble n’est pas encore réceptionné. Or, c’est une exigence dans l’administration. C’est cette formalité administrative ajoutée aux conditions d’accueil encore embryonnaires qui motivent la position du ministre quand il a demandé au personnel de l’APS, qui a déjà commencé à déménager, de patienter ne serait-ce que le temps de sacrifier à cette tradition. Mais je puis vous assurer qu’il n’y a pas plus préoccupé que le ministre Cheikh Mamadou Abiboulaye Dièye quant au sort de cette agence.
La distribution de la subvention à la presse pose chaque année problème, des organes s'estimant lésés retournant leurs chèques. Comment l'appréciez-vous ?
Il n'y a que deux organes qui ont retourné leurs chèques (cette année): un site en ligne et le groupe Sanossy, c'est-à-dire Siweul. Pour ce groupe, il s'agit juste d'un malentendu, parce que dans notre répertoire, à la Direction de la communication, nous n'avions que la radio Siweul FM et le quotidien Siweul qui a cessé de paraître, et c’est sur cette base que la subvention a été octroyée. Or, le groupe s'est agrandi entre temps avec d'autres supports en ligne. Cette évolution n'était pas portée à notre connaissance. Et là, les responsabilités sont partagées. D’une part, la plupart des acteurs de la presse en ligne diffusent sans aucune notification au ministère. D’autre part, cette lacune est due aussi à un vide juridique congénital à la loi 96-04 relative aux organes de la communication sociale et aux professions de journaliste et technicien. Ce texte étant antérieur à l'avènement de la presse en ligne, il n’existe pas, à ce jour, de dispositions législatives organisant ce secteur. En conséquence, les sites d'information poussent comme des champignons. Le Sénégal étant un pays où la liberté de presse est consacrée, la situation est tolérée. Mais, en attendant le vote par l'Assemblée nationale du nouveau code de la presse qui mettra fin à cela, nous travaillons depuis quelque temps sur l'élaboration d'un répertoire des médias au Sénégal pour corriger ces insuffisances et disposer d’informations fiables et complètes sur le secteur. Pour revenir, à la subvention à la presse, je crois que, de mémoire de Sénégalais, c'est la première fois que la distribution s'est faite sans contestations majeures. Les années précédentes, ce n'était pas seulement un ou deux organes qui contestaient mais une multitude. Nous avons réussi à minimiser cela cette année, notamment en élargissant l'assiette des bénéficiaires et en veillant à ce que le montant alloué en 2013 soit, pour chaque organe, supérieur ou égal à celui reçu en 2012. C’est ce qui fait qu’un groupe comme D-Media est passé de 5 à 12 millions.
Pourtant, D-média dit aussi avoir retourné son chèque. Il estime le montant dérisoire par rapport à celui alloué à un autre groupe qui ne disposerait que d'une seule publication mais aurait reçu 16 millions. Qu'en est-il exactement ?
La subvention à la presse est une décision de l’Etat portée par la loi 96-04 qui définit les critères d’éligibilité. Mais, la presse sénégalaise - ce n’est plus un secret pour personne – baigne dans d’énormes difficultés, ce qui fait que la quasi-totalité peine à respecter ces dispositions. C’est pourquoi, pour éviter que tous ces organes, parfois de qualité, en soient privés, un consensus, qui met en avant d’autres critères aussi pertinents, s’est imposé depuis plusieurs années au sein du comité consultatif de la subvention à la presse. Il s’est agi, pour cette année, de l’ancienneté qui concerne des groupes parmi les pionniers du pluralisme médiatique que sont Sud Communication, Walfadjri ou Le Témoin, des groupe auxquels la démocratie sénégalaise doit une fière chandelle pour le combat qu’ils ont mené, au moment où c’était encore plus difficile pour les médias. A côté de ce critère majeur qu’est l’ancienneté, nous avons aussi mis en avant la régularité, le contenu, l’étendue de la zone de couverture et les charges. Pour ce qui est de D-Media, je ne comprends pas son attitude. Ce groupe s’est d’abord signalé au moment même de l’établissement de la liste des bénéficiaires en refusant de donner son numéro de compte bancaire comme tous les autres organes l’ont fait. Ensuite, quand il a été informé du montant qui lui a été alloué et qu’il a trouvé modeste, au lieu de faire un recours par voie administrative, il n’a trouvé mieux que d’utiliser ses supports médiatiques pour insulter et dénigrer les gens à longueur de journée. Je ne pense pas que ce soit une attitude responsable et une bonne pratique pour un groupe qui se dit professionnel.
Quelle sera la destination des montants que les deux groupes ont renvoyés ?
Là, il y a deux options possibles. Soit l’argent retourne au Trésor public ou il est réattribué à d'autres organes qui ont été omis et qui ont fait des recours. Nous attendons la fin du processus pour en décider.
Et c'est pour quand ?
C'est selon les procédures du trésor public
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