Un coup rude pour Pastef
Birame Soulèye Diop a été déféré au parquet, vendredi. La énième arrestation d'un leader de Pastef qui va porter un coup rude au parti d'Ousmane Sonko, selon certains analystes politiques.
Le président du groupe parlementaire Yewwi Askan Wi (YAW), Birame Soulèye Diop, a été déféré, vendredi dernier, au parquet, suite à ses propos selon lesquels Macky Sall serait capable d’''empoisonner ses potentiels dauphins à la Ouattara''. Il a été déféré sur la base des infractions d’offense commise envers un chef de l’État étranger, actes et manœuvres de nature à discréditer l’institution de la République, à inciter les citoyens à enfreindre les lois, à saper les relations diplomatiques du pays''.
Pastef souffrait déjà de la détention de plusieurs de ses cadres et partisans. Celle-ci vient complexifier une situation déjà délicate. Quelles sont les conséquences qui peuvent découler de l’arrestation de celui qui est jusque-là considéré comme le n°2 de la formation politique d'Ousmane Sonko ?
De l'avis de l'analyse politique Mamadou Sy Albert, cela peut fragiliser le groupe parlementaire YAW, mais aussi le parti politique du redoutable opposant. ''Birame Souleymane Diop jouait le rôle de coordinateur, d'animateur. Cela pourrait affaiblir le groupe parlementaire, mais surtout le Pastef qui est le grand perdant'', dit-il.
''En dehors de l'Assemblée nationale, il traverse une situation extrêmement difficile. S'il rejoint les militants en prison, ça crée des répercussions négatives dans l'organisation et le fonctionnement du Pastef'', fait-il remarquer.
Ainsi, l’analyste espère voir ce parti se réorganiser pour s'en sortir. ''Pastef est un parti qui est là, qui lutte. Il doit nécessairement se réorganiser pour voir comment combler l'absence du président du groupe parlementaire Yewwi Askan Wi dans l'organisation'', déclare Mamadou Sy Albert.
De l'avis du politologue Abdoulaye Cissé, cette arrestation de Birame Soulèye va porter un coup rude à la communication de Pastef. ''Ça peut avoir un impact réel par rapport à la communication du parti. Birame Soulèye, quoi qu'on puisse dire, est un grand leader qui incarne beaucoup d'espoir. Et ce n'est pas pour rien également qu'on en a fait, au niveau de l'Assemblée nationale, le président du groupe parlementaire. Ce qui veut dire qu'il représente quelque chose au niveau du parti et de la coalition Yewwi Askan Wi'', souligne M. Cissé.
Ainsi, pour lui également, cette arrestation va impacter négativement, dans un premier temps, Pastef qui voit ses leaders subir beaucoup de contraintes. D’ailleurs, El Malick Ndiaye, qui fait partie du pool de communication, est aussi sous contrôle judiciaire. ''Il y a une sorte de bâillonnement que l'État est en train de faire aux leaders les plus charismatiques de Pastef'', pense M. Cissé.
Au-delà de Birame Soulèye Diop, Ousmane Sonko a été condamné à deux ans de prison ferme et à 600 000 F CFA d’amende, dans le cadre de l’affaire Sweet Beauté. Ce qui le rend inéligible pour le moment, alors que l'élection présidentielle approche à grands pas. L'ancien secrétaire général Bassirou Diomaye Faye est actuellement en prison. Que va faire Pastef par rapport à l'élection présidentielle de 2024 ? Si on prend en compte l'intervention d'Ousmane Sonko sur France 24, rien ne s'oppose, pour le moment, à sa candidature. Ainsi, le leader de Pastef indique que le scrutin sera perturbé, s'il ne participe pas à l'élection de 2024.
À partir de cette posture, il s’avère que Pastef n’envisage pas une candidature autre que celle d’Ousmane Sonko, selon Mamadou Sy Albert. L’analyste est d’avis que Pastef luttera jusqu’au bout pour valider la candidature d'Ousmane Sonko.
Néanmoins, à ses yeux, ce serait mieux qu'il trouve une solution politique. À défaut, il pense que le Pastef (en difficulté avec son candidat) devrait envisager une consigne de vote. ''Khalifa l'a fait à un moment donné en faveur d'Idrissa Seck. Il ne faut pas l'exclure de manière absolue. S'ils n'ont pas de plan B, ils peuvent avoir une stratégie électorale pour soutenir quelqu'un qui porte leur projet, avec qui ils s'entendent au niveau du programme et de la gestion du pays. Ça, c'est possible'', analyse-t-il.
Communication de Pastef
Par ailleurs, à en croire Mamadou Sy Albert, les membres de Pastef doivent revoir la question de la communication des responsables sur les réseaux sociaux, dans les espaces publics. ''Il faut revoir comment les leaders doivent occuper les espaces. Parce que ce n'est pas la première ni la deuxième fois. À la limite, je me suis beaucoup demandé si le Pastef ne prête pas le flanc dans sa communication externe'', dit-il.
Poursuivant, il relativise, en indiquant que l'État doit aussi accepter le principe de la liberté des opinions. ''Tout le monde ne peut pas parler de la même manière. Il y a souvent de l'émotion. Je pense que le juge doit quand même veiller au respect des droits d'expression des leaders politiques'', soutient-il.
Abdoulaye Sy partage cet avis. Parce que, dit-il, dans l'espace politique, on ne peut pas se permettre de disserter comme on veut, surtout à l'encontre des institutions. ‘‘Pastef gagnerait à davantage revoir sa communication. On peut véritablement dire ce qu'on pense, en prenant une certaine hauteur et éviter certaines insanités qui peuvent porter préjudice au parti. Je pense que cette communication à la guerrière ne profitera pas au parti. Surtout par rapport au contexte dans lequel nous sommes. Ce ne sont pas des discours qui vont nous permettre de développer notre capitale sympathie'', invite Abdoulaye Cissé. Il note aussi que le discours de Birame Souleymane a été véritable condamné par les Sénégalais.
Dans le but d'aller dans le sens d'un discours apaisant, il note que le Pastef a d’autres potentiels débatteurs qui maîtrisent les sujets. ''Il y a beaucoup d'autres leaders, aujourd'hui, qui sont en train d'émerger. Ngagne Demba Touré est en train de gagner des galons. Il a une communication plus ou moins relative. Parce qu'il maîtrise également son sujet. Il ne s'aventure pas à parler de choses qu'il ne maîtrise pas. Ses sorties médiatiques sont souvent suivies et appréciées. Ce sont ces genres de jeunes qu'il faut identifier et promouvoir en termes de communication dans l'espace public'', estime Abdoulaye Cissé.
BABACAR SY SEYE