Macky Sall plaide pour la création d’un mécanisme de financement
L’accès au crédit, afin d’investir plus dans l’agriculture, l’agrobusiness et la transformation des produits agricoles africains, reste primordial, pour le chef de l’Etat sénégalais, pour une autosuffisance alimentaire. Macky Sall, qui prenait part, hier, au dialogue de haut niveau sur comment ‘’nourrir l'Afrique’’, a ainsi plaidé pour la création d’un mécanisme de facilité de financement pour la sécurité alimentaire du continent.
Pour que l’Afrique puisse nourrir l’Afrique, et même contribuer à nourrir le monde, le président de la République pense qu’il convient de prendre en charge deux questions majeures. ‘’D’abord, l’accès au crédit afin d’investir plus dans l’agriculture, l’agrobusiness et la transformation des produits agricoles. Je pense à la création d’une facilité de financement pour la sécurité alimentaire. Il s’agira d’un mécanisme qui pourrait être logé au niveau de la Banque africaine de développement (Bad) et qu’elle va gérer pour soutenir les pays africains pour l’accès aux technologies agricoles, le développement des chaines de valeur agricoles, l’appui aux jeunes et aux femmes, l’accès au foncier, qui est une question extrêmement importante’’, préconise Macky Sall.
Le chef de l’Etat sénégalais, qui prenait part au dialogue de haut niveau sur comment ‘’Nourrir l'Afrique : leadership pour intensifier les innovations réussies’’ hier, a rappelé que les perturbations économiques causées par la pandémie de Covid-19 et l’impact négatif de celle-ci sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle, ont révélé des faiblesses dans les chaines d’approvisionnement alimentaire. Et elles ont montré aux pays en développement, en particulier ceux africains, la nécessité de l’établissement de systèmes de production et de transformation des aliments ‘’plus robustes et plus résilients’’. ‘’Et cela n’est pas une option, mais un impératif. En effet, avec ses 30 millions de km², le continent a des atouts considérables pour développer une agriculture prospère, capable de nourrir ses populations et contribuer à nourrir le monde. Si la tendance actuelle se maintient, l’objectif d’éliminer la fin et la malnutrition sur le continent à l’horizon 2030, risque d’être raté. D’autant plus que toutes les prévisions montrent que la population africaine augmentera de moitié, d’ici 2050’’, alerte le président Sall.
Pour vaincre le spectre de la faim et nourrir ‘’convenablement l’Afrique’’, il y a donc, selon Macky Sall, ‘’urgence à investir massivement’’ dans l’agriculture, mais également dans l’élevage. Un secteur qui est l’autre mamelle nourricière des peuples. ‘’Il faut moderniser les outils et les méthodes de production par une mécanisation adaptée à la technologie. L’utilisation appropriée de l’engrais, les équipements post-récolte aussi, y compris la chaine de froid et des magasins de stockage pour la conservation des produits. Mais, je n’oublie pas les chaines de valeur, la transformation de nos produits pour plus de valeur ajoutée et plus d’emplois’’, dit-il.
Pour le chef de l’Etat, ce combat nécessite de développer des semences et des spéculations ‘’mieux adaptées’’ aux changements climatiques, maitriser l’eau, qui est l’un des principaux intrants de l’agriculture, en recourant aux technologies permettant l’utilisation optimale de cette ressource. Mais également développer davantage les chaines de valeur par la transformation locale des produits, faciliter l’accès aux marchés par des infrastructures de désenclavement. ‘’Nous devrons, sans tarder, passer d’une agriculture traditionnelle, vivrière avec des outils rudimentaires, à un système de production moderne, soutenu par la recherche, la productivité, la durabilité, la diversification et la transformation locale. Au Sénégal, nous travaillons avec notre ami Tony Blair, dans le cadre de son institut à la recherche d’un partenaire stratégique pour l’agropole sud’’, indique le président Macky Sall.
Définir des approches claires
De son côté, le président de la Banque africaine de développement (Bad) estime que les technologies pour alimenter l’Afrique existent. Mais, ce qui manque, ce sont des approches claires. ‘’Les technologies pour aider les agriculteurs sont une nécessité, mais aussi, pour développer les plateformes et améliorer les services. Nous avons besoin du leadership des chefs d’Etat pour rendre l’Afrique beaucoup plus agricole. Nous avons les technologies, les plateformes de livraison de ces technologies. Donc, nous avons besoin de meilleures politiques, de meilleurs instruments, d’accès aux financements pour soutenir les agro-industries, la création de valeur ajoutée. Il faut qu’on ait cette alliance qui travaillera pour la facilitation de l’accès au financement d’une sécurité alimentaire et nutritive en Afrique. Ceci, afin d’améliorer ce que nous avons, ne pas importer des choses de l’extérieur. Nous devons nous appuyer sur des agriculteurs africains pour produire quelque chose. Et cela, nous devons le faire dès maintenant’’, soutient Akinwumi A. Adesina.
D’après le patron de la Bad, son institution va débloquer 10,4 millions de dollars dans les années à venir, pour booster le développement de la chaine de valeur agricole et de l’alimentation en Afrique. Elle va aussi investir 1,6 milliard de dollars dans les cinq années à venir, pour soutenir cinq variétés de culture pour assurer la sécurité alimentaire. ‘’En matière de mobilisation de ressources, il y a des efforts qui ont été faits en matière de financements domestiques. Mais quelques pays africains sont capables d’y participer. Si nous voulons atteindre les Objectifs de développement durable en 2030, il faut plus de financements, il faut au moins 85 millions de dollars par an’’, renchérit le président du Fonds international de développement agricole (Fida).
Gilbert F. Houngbo a aussi souligné qu’il faut rendre la technologie ‘’disponible et abordable’’. Et là, il trouve que le problème du financement joue un rôle important, à cet égard. ‘’Pas seulement au niveau de la production ; on doit même commencer à la base, en aidant les agricultures à lever les difficultés auxquelles ils font face dans la pratique de l’agriculture, afin de la rendre plus amusante pour les jeunes. L’un des défis auquel nous faisons face en Afrique, c’est celui de la productivité qui est très basse. Elle est d’environ 10 %. Nos centres de recherche sont totalement galvanisés. Or, il y a énormément de travail qui se fait encore dans la recherche et celle-ci sera au centre de toutes les solutions. En plus de cela, il y aura l’innovation et la technologie’’, ajoute-t-il.
Faire appel aux entreprises qui peuvent investir en Afrique
Etant un secteur très important pour le continent, l’ex-Premier ministre du Royaume-Uni, Tony Blair, a donc suggéré, pour financement de l’agriculture africaine, la mobilisation non seulement des plus gros investissements des institutions financières privées ou autres, mais aussi du secteur privé, à travers des fonds de partage. ‘’Il faut faire appel à ces entreprises qui peuvent investir en Afrique, y amener leurs technologies. Le secteur des technologies en Afrique est en développement. Mais il est sous-estimé, sous-apprécié. Il urge de s’assurer que les meilleures circonstances pour le développement des entreprises qui ont la technologie sont créées. Ceci, que ce soit avec les drones, les satellites, les fertilisants, l’eau, l’irrigation. Mais aussi développer les centres de recherches agricoles. Il est nécessaire d’avoir une réglementation du secteur, une combinaison entre les investissements locaux et extérieurs et l’attribution des terres, afin que le travail soit plus efficace’’, souligne M. Blair qui est par ailleurs le directeur exécutif de l'Institut pour le changement global.
MARIAMA DIEME