Le Sénégal peut-il y parvenir à travers la production locale ?
A cette question Le Docteur Babacar Fall, président de l’Association des riziers du Nord, avait répondu par l’affirmative dans une interview qu’il avait accordée, au quotidien le Matin (voir n° du vendredi 5 mai 2000, fichier rattachée). Mais, il a vite fait de préciser, ‘’ à condition que la surtaxe pour soutenir la production locale de riz, ne soit pas supprimée’. Dans sa foulée, le Dr. avait donné d’autres indications, très intéressantes les unes les autres : (…) ‘’ Le jour où on aura 200 000 hectares aménagés sur 240 000, on vendra même du riz à l’extérieur. On deviendra le grenier de la sous région’’. Une autre affirmation : (…) ‘’Affectons cet argent de la surtaxe, pour aménager. Si on fait un rythme d’aménagement de 20 000 hectares par année, je suis sûr qu’en quatre années on atteint l’autosuffisance alimentaire’’. Voila qui est dit.
Ces propos viennent contredire ceux des ‘’experts’’ du gouvernement et de l’Assemblée qui nous ont servi les thèses fumeuses sur l’impossibilité de relever le défi de la tyrannie du riz. Tous les autres discours aux allures de dumping, n’ont que pour objectif déstructurer ou freiner le développement de la culture du riz, dans l’intérêt des importateurs spéculateurs. Il faut dire que tous les gouvernements qui se sont succédés, de l’indépendance à nos jours, n’ont jamais eu la volonté de solutionner les gros dossiers qui plombent l’agriculture et qui sont au centre des préoccupations des Sénégalais. Dossiers que sont : Le riz, l’arachide, le mil, l’oignon, la tomate, etc. Du reste, il en de même pour ce qui des autres.
«Régulateurs de notre pauvreté»
Mais quelles sont les raisons qui sont à la base de cette supposée incapacité qui cache mal un diktat ? Simplement parce que notre souveraineté, notre indépendance sont factices. Autrement dit, nous ne sommes pas libres de décider de nos choix et priorités. Ceux-ci sont dictés par l’ex puissance colonisatrice qui a entre ses mains tous les leviers économiques qui régulent notre pauvreté : Les banques qui financent la spéculation ou les spéculateurs du riz et non sa production, ses grandes sociétés de télécom, de commerce, etc. Quelle est la Banque nationale de développement, digne de ce nom, dont dispose notre pays ? Notre pays est dans le carcan (de ce qui est communément appelé le ‘’Pacte colonial’’, codifié à travers les ‘’Accords dits de coopération technique et militaire’’).
C’est pourquoi dans ce panorama désastreux de mauvaise gouvernance économique cinquantenaire découlant de ce phénomène, la situation de la compagnie sucrière est une parfaite illustration. Tout le monde se souvient des conditions dans lesquelles cette société, chassée de Madagascar, s’est installée au Sénégal après avoir bénéficié d’un prêt qu’il lui a été rétrocédé par le gouvernement de Senghor. Si on y ajoute que la terre, l’eau, la main d’œuvre ‘’à bon marché’’ qu’elle a obtenu presque pour une bouchée de pain, on se rend compte que cette société n’a rien à dire. Elle devrait même être auditée. Un opérateur économique très courageux, est allé dans le même sens, lundi 20 mai courant, sur les antennes d’une radio de la place.
Pour clore sur ce chapitre du sucre, on se rappelle de la bataille que Sud Quotidien avait engagé contre le monopole, les magouilles sur ce produit, en 1995. Mais aussi de ‘’l’estocade porté par l’ex-ministre des Finances, Mamoudou Touré, devant l’Assemblée Nationale. ‘’La Css fermée, les employés payés à ne rien faire, l’Etat y gagnerait davantage’’. (1) Il semble qu’à la suite de cette sortie le dossier lui a été retiré, aussitôt. En tout cas, tout ce que l’on peut dire, c’est que cette société a ‘’sucré’’ tant de monde. Et certainement plusieurs gouvernements ? Les journalistes qui veulent en savoir plus peuvent aller recueillir le témoignage de l’ex-ministre qui vit toujours parmi-nous.
Pour en revenir au riz, il parait que les Asiatiques tombent des nues lorsqu’on leur dit que le Sénégal, arrosé par de kilomètres de fleuves, disposant d'hectares de terres fertiles, d’hommes expérimentés, importe environ, chaque année, 700 000 tonnes de riz pour l’alimentation de sa population.
«Pour un débat national sur la question»
Sans doute, l’Ougandaise, Rhoda Peace Tumusiime qui coordonne, à l’Union Africaine, le thème : ‘’Construire l’autosuffisance alimentaire en vue de la réalisation du calendrier 2063 de sécurité alimentaire et nutrition’’, serait intéressée par ce ‘’cas d’école’’. Voila les questions centrales de fond qui devraient préoccuper tous les hommes politiques sérieux, tous les syndicalistes sérieux, toutes les organisations démocratiques sérieuses et tous les citoyens sénégalais sérieux. C'est-à-dire tous les Sénégalaises et les Sénégalais qui ne vivent pas de mensonges. Nous nous étonnons du silence assourdissant de certaines organisations politiques dites de gauche, d’ONG qui pensent que le droit n’est que politique, civil, etc. Quand est-ce qu’elles voudront bien s’occuper du droit alimentaire, du droit à la santé des populations, etc.? Mais où est ‘’l’Ecole de Dakar’’ dans tout cela ?
En tout cas, les consommateurs que nous sommes, en avons marre de ce ‘’monologue parallèle’’, comme disait un ex-ministre. De ces communicateurs qui ‘’communiquent mal’’, parce qu’ils ne communiquent pas vrai et juste. En ce sens qu’ils veulent faire croire aux Sénégalais qu’il fait jour, au moment où tous constatent qu’ils sont dans une nuit noire. Si le gouvernement est un gouvernement qui veut faire dans la transparence et être crédible, qu’il invite, devant les journalistes de la presse en ligne, des radios, des télés synchronisées, et en direct (une sorte d’adresse à la nation), le Dr Fall avec deux membres de son staff, (un nombre qui n’est qu’indicatif), les organisations paysannes les plus représentatives de la vallée, de la région de Kolda, du Fleuve et leurs collaborateurs, le Président de l’Unacois et deux de ses conseillers, le président du «vrai M23» et ses conseillers, le président de l’Association des ingénieurs agronomes du Sénégal et deux de son staff, le ministre de l’Agriculture et ses directeurs, pour qu'un débat puisse être organisé autour de ce dossier stratégique éminemment politique parce qu’intéressant 12 millions de Sénégalais environ. Nous pensons que nos compatriotes, au sortir de ce ‘’mini-Etats généraux’’, seront un peu plus édifiés sur la question du riz. Sans quoi, tout le reste ne sera que du ‘’prêchi-prêcha de Goana’’.
Dakar le 22 mai 2013
Ababacar Fall-Barros
Ancien contrôleur de gestion au Ministère des Finances
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Cf , Sénégal la vitrine craquelée de A A Wane