Publié le 27 Mar 2014 - 12:04
AVORTEMENT CLANDESTIN ET INFANTICIDE

Des chiffres alarmants

 

Défini, au plan médical, comme l’interruption spontanée ou provoquée de la grossesse, avec expulsion complète ou partielle du produit de conception avant que le fœtus soit viable (c’est-à-dire avant  la fin du 6e mois de grossesse, soit moins de 22 semaines d’aménorrhée), l’Ivg est en train de tuer un nombre impressionnant de femmes au moment où d’autres vivent une angoisse carcérale en cas de grossesse dite ‘’scandaleuse’’.
 
Au moment où celles qui sont aisées financièrement s’arrogent le droit de disposer de leur maternité, en procédant à des ivg dans les cliniques et autres établissements de santé, d’autres finissent leur aventure en prison. Dans ce lot, il en est qui perdent la vie alors que d’autres traînent des séquelles à vie. 
 
Selon des statistiques d’un rapport semestriel 2013, disponible au niveau du réseau siggil jigéén,  la prison des femmes de Liberté 6 avait enregistré, au cours de cette courte période, 9 cas d’infanticide et 7 cas d’avortement. Au moment où la prison des femmes de Saint-Louis accueillait 6 cas d’infanticide contre 2 cas pour la prison des femmes de Thiès, 3 cas d’infanticide et un cas d’avortement pour la prison des femmes de Ziguinchor et 3 cas d’infanticide pour la prison de Matam.
 
Par ailleurs, selon d’autres chiffres, 32 corps de bébé ont été retrouvés en 5 mois dans les ordures de Mbeubeuss. Une situation effarante qui révèle le désastre causé par une grossesse non désirée.
 
Les statistiques de la direction de l’administration pénitentiaire sont aussi parlantes. Elles indiquent que l’avortement est responsable de 38% des emprisonnements des femmes. Pire encore, l’infanticide représente 25% (le quart) des affaires jugées aux Assises, selon l’Agence Nationale de la Démographie et des Statistiques (ANDS).
 
Dans une étude intitulée ‘’Femmes en prison au Sénégal : Du statut de victime au statut de bourreau’’, Katy Sène Mbaye, praticien hospitalier, alertait sur un véritable fléau social. 
L’étude a porté sur ‘’50 femmes détenues, 41 à la prison de Rufisque pour femmes et 9 à la maison centrale d'arrêt et de correction de Dakar où elles sont isolées dans un quartier qui leur est propre’’. 
 
Et selon Katy Sène Mbaye, 30% des femmes ont été incarcérées pour infanticide contre 18% pour vol et 20% pour défaut de carnet sanitaire. Dans un mémoire de maîtrise en date de 2009-2010, portant sur ‘’l’avortement au Sénégal, analyse des textes et de la jurisprudence'', Mamadou Saidou Mballo indique que ‘’la cause fondamentale de l’infanticide est la mise au monde d’un enfant non désiré.
 
Les femmes qui commettent cet acte ignoble auraient préféré expulser le fœtus au lieu de le porter pendant neuf mois dans leur ventre pour le jeter dans une fosse’’.
L’avortement clandestin, une hécatombe Faut-il laisser les jeunes filles à leur propre sort ou leur permettre d’avorter dans des conditions optimales ?  Une question difficile à trancher. Mais pour Daouda Diop, spécialiste en Genre, vu que l’avortement clandestin constitue une véritable hécatombe, les autorités n’ont plus le droit de fermer les yeux.
 
Il tient à préciser que le bilan macabre est devenu des plus hideux au fil des ans. Le pays a enregistré en 2010, 68 cas d’avortement et d’infanticide, 86 cas en 2011, 39 cas en 2012 et rien que pour le premier semestre de 2013, 40 cas ont été recensés. Des chiffres qui ne sont pas exhaustifs.
 
Mais la remarque de Daouda Diop semble percutante aux yeux de certains. ‘’Ce qui est le plus alarmant, le plus préoccupant et le plus choquant au Sénégal, c’est que les moins de 35 ans font plus de 65% de la population totale du pays avec une majorité constituée de filles qui, avec les garçons de la même génération, voire avec des hommes adultes confirmés et des ‘’sages’’ attitrés comme tels, s’adonneront aux relations sexuelles, qu’on le dise ou non, malgré les ‘’xutba’’ auxquels il est loin d’être avéré que la majorité des ‘’xutbakat’’ adhère en pratique.
 
Aussi les grossesses continueront de se produire et de provoquer des avortements mortels et/ou à séquelles incurables à nos filles et à nos sœurs ; nous les hommes qui n’en mourront jamais et n’en subiront jamais une condamnation, la société retient toujours que ‘’l’homme, le garçon est un guerrier, la fille, la femme, une garce’’. 
 
Pour Daouda Diop, se réfugier derrière des textes religieux pour condamner les féministes n’honore pas leurs auteurs. Et pour cause, ‘’il est facile pour nous les hommes d’être toujours totalement contre l’avortement brandissant nos bouts de Coran, sans l’actualiser avec le fait que le Saint Coran est foncièrement juste pour une religion de justice sociale où chaque fautive et fautif est condamné(e) à son juste mérite’’.
 
Fatou Kiné Camara 
Que les hommes laissent les filles en paix !
La juriste Fatou Kiné Camara est d’avis qu’il faut dans les mosquées apprendre aux hommes à se tenir tranquilles ; ‘’qu’ils cessent de violer nos filles. Ils doivent laisser les mineures en paix. S’ils veulent que les mœurs changent, les hommes doivent cesser d’abuser sexuellement des jeunes filles .
 
On a enregistré dans notre boutique de droit de la Médina, 64 cas de viols en un laps de temps. ’’Au lieu de les accuser de baliser la voie au libertinage sexuel'', Fatou Kiné Camara estime plutôt que ‘’c’est en éduquant les hommes et les femmes qu’on peut redresser les mœurs. Ce n’est pas en mettant les victimes en prison que la société va changer, on ne fait que les enfoncer dans l’injustice’’.
 

 

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