En Belgique, 18 étudiants condamnés à des travaux d’intérêt général après la mort de Sanda Dia, 20 ans, lors d’un bizutage
Cet élève ingénieur avait dû boire de l’alcool à outrance avant d’ingurgiter une mixture à base d’huile de poisson et d’endurer un bain d’eau glacée.
Le calvaire de Sanda Dia, mort en 2018 des suites de son bizutage, avait ému la Belgique. Dix-huit camarades de l’étudiant ont été condamnés vendredi 26 mai à des travaux d’intérêt général pour coups et blessures ayant involontairement entraîné la mort. Des peines de dix-huit à cinquante mois de prison avaient été réclamées en mars, lors du procès devant la cour d’appel d’Anvers (Nord). Mais la cour a été plus clémente, écartant le chef d’« administration de substance nocive ayant entraîné la mort », une référence à la mixture très salée à base d’huile de poisson qu’avait dû ingurgiter le bizut, et dont les médecins ont estimé qu’elle était la cause de l’œdème cérébral fatal.
Anversois né d’un père mauritanien, Sanda Dia, 20 ans, entamait ses études d’ingénieur à la prestigieuse université catholique de Louvain (KU Leuven) à l’automne 2018. Le 4 décembre, au lendemain d’une épreuve de vente de roses dans la rue, dont il était ressorti mal classé, il avait dû ingurgiter une quantité phénoménale d’alcool. L’enquête a montré qu’après plusieurs bières il avait bu à lui seul un litre de gin, et que l’objectif était de ne pas le laisser dessaouler. Le robinet du lavabo de son appartement de Louvain avait été scellé au ruban adhésif pour l’empêcher de s’hydrater.
Le lendemain, les épreuves s’étaient poursuivies autour d’un chalet isolé de la périphérie d’Anvers. Cette fois, le bizut devait séjourner dehors, dans le froid, dans un trou rempli d’eau glacée, après avoir avalé cette mixture à base d’huile de poisson. Quand Sanda Dia est admis le 5 décembre au soir aux urgences d’un hôpital proche, la température de son corps est tombée à 28,7 °C, une hypothermie rendant « toute prise de sang impossible », a raconté lors du premier procès, en 2021, un des médecins l’ayant examiné. Il est rapidement transféré en service de soins intensifs dans un autre hôpital, où son décès est constaté le 7 décembre. L’œdème cérébral fatal résulte de teneurs en sodium anormalement élevées dans son corps, dit le dossier médical.
« Vêtements secs »
En définitive, les dix-huit étudiants renvoyés en correctionnelle deux ans après les faits sont tous reconnus coupables de « coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Ils reçoivent selon les cas des peines de deux cents, deux cent cinquante ou trois cents heures de travaux d’intérêt général, ainsi que 400 euros d’amende, sans compter les milliers d’euros de dommages et intérêts dus aux parties civiles.
La cour a aussi écarté, outre l’administration de substance nocive, la « non-assistance à personne en danger ». Les membres de la fraternité Reuzegom, le cercle – aujourd’hui dissous – dans lequel le bizutage avait eu lieu, « ont fait le nécessaire dès qu’ils ont vu qu’il [Sanda Dia] était en danger », a commenté une porte-parole de la cour d’appel, citant les motivations de l’arrêt. Après l’épisode du puits d’eau glacée, « ils lui ont donné des vêtements secs, ont essayé de le réchauffer », a affirmé cette porte-parole.
La décision du tribunal a été accueillie par la famille Dia avec « soulagement » et « frustration », selon Me Sven Mary, avocat du père. Cependant, « il reste un grand vide et des questions auxquelles la famille n’aura jamais de réponse », a-t-il déploré, fustigeant l’« omerta » qui a régné durant toute la procédure au sein du cercle Reuzegom.
Le Monde avec AFP