Publié le 15 May 2025 - 22:15
BIENS DE JAMMEH

La commission d’enquête parlementaire mise sur pied

 

Sous la pression de la rue et suite à une enquête journalistique, l’Assemblée nationale gambienne a institué hier une commission d’enquête sur la gestion controversée des biens saisis à l’ancien Président Yahya Jammeh. Enquête parlementaire, promesse d’apaisement de l’exécutif, montée en puissance de la société civile : la Gambie entre dans une séquence politique cruciale où l’exigence de transparence se heurte aux zones d’ombre de l’après-dictature.

 

En réponse à une vague de contestation populaire et à des révélations troublantes sur la gestion des biens saisis de l’ancien président Yahya A. J. J. Jammeh, l’Assemblée nationale gambienne a adopté, ce mercredi, une motion instituant un comité spécial de sélection chargé d’enquêter sur la vente et la cession de ces actifs. La décision marque un tournant majeur dans la quête de transparence et de justice autour de la gestion des biens supposés mal acquis de l’ex-dirigeant.

Le déclencheur de cette démarche institutionnelle fut une enquête fouillée publiée par le média en ligne ‘’The Republic’’, qui a mis en lumière des irrégularités notables dans la vente de ces biens, pointant du doigt de potentiels conflits d’intérêts impliquant des figures clés du gouvernement. Des organisations de la société civile, galvanisées par ces révélations, ont bravé les interdictions policières pour manifester dans plusieurs localités du pays, exigeant la publication exhaustive de la liste des biens saisis, des modalités de leur cession et des identités des bénéficiaires.

Face à la pression croissante, les autorités ont été contraintes de relâcher les 26 manifestants arrêtés et de publier partiellement des informations concernant certaines ventes et leurs acquéreurs.

Toutefois, ces mesures jugées insuffisantes par une partie de la population n'ont fait qu'amplifier les appels à une transparence totale.

C’est dans ce climat de défiance que l’Assemblée nationale a invoqué son mandat constitutionnel de contrôle de l’Exécutif pour initier la création de cette commission d’enquête parlementaire. À l’origine du texte, le chef de la majorité parlementaire, Billay Tounkara, a souligné lors des débats que “les questions sans réponses du public concernant le cadre juridique, le processus et la reddition de comptes dans la gestion des biens de Jammeh justifient pleinement cette initiative".

La mission de la commission est vaste et précise. Elle devra notamment identifier l’ensemble des biens vendus ou cédés, les méthodes utilisées pour ces opérations, les personnes et entités impliquées, vérifier la conformité juridique et procédurale des transactions, examiner les revenus générés et leur affectation, détecter d’éventuelles irrégularités ou actes de corruption, et proposer des mesures juridiques ou administratives adéquates.

Dotée de pouvoirs étendus, la commission pourra convoquer toute personne à comparaître et exiger la remise de tout document ou expertise nécessaire. Elle entamera ses travaux dans un délai de sept jours à compter de sa création officielle et devra remettre son rapport final dans les 120 jours, sauf prorogation approuvée par l’Assemblée.

Dans une allocution solennelle adressée à la nation mercredi soir, le président Adama Barrow a exprimé sa préoccupation et s’est voulu rassurant. “La question des biens vendus de Yahya Jammeh est une préoccupation nationale et à juste raison. Je suis venu vous parler avec sincérité et honnêteté pour apaiser les craintes", a-t-il déclaré.

Le président Barrow a rappelé avoir personnellement approuvé le livre blanc et autorisé, en mai 2019, une procédure de cession légale et transparente des actifs de l’ancien président. Toutefois, il a révélé n’avoir appris que récemment certaines ventes de biens, ce qui l’avait initialement poussé à envisager une enquête indépendante. Il a finalement renoncé à cette option, compte tenu des audits en cours menés par le Bureau national de vérification et désormais par le Parlement.

“Les biens récupérés de Yahya Jammeh appartiennent au peuple gambien et je ne tolérerai aucune négligence", a martelé le chef de l’État, promettant que son gouvernement agira dès réception des conclusions des enquêtes.

Une séquence politique souligne l’importance croissante de la société civile dans le renforcement de la gouvernance en Gambie, six ans après la chute de Yahya Jammeh. Elle pose également les jalons d’une nouvelle phase de redevabilité autour des questions de justice transitionnelle, dans un pays encore marqué par les séquelles d’un régime autoritaire. Les regards sont désormais tournés vers la future commission parlementaire, dont les conclusions pourraient avoir des répercussions politiques et judiciaires majeures.

 

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