Abdourahmane Diouf sans filtre

Lors de son face-à-face avec le monde de l'université privée, le moins que l'on puisse dire, c'est que le ministre de l'Enseignement supérieur, de l'Innovation et de la Recherche s'est montré aussi franc que possible.
Avec près de 300 établissements pour un peu moins de 100 000 étudiants, l'enseignement supérieur privé pèse de manière significative dans le système universitaire. Ce n'est pas le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation qui dira le contraire. Abdourahmane Diouf a consacré, hier, quatre heures à des discussions avec les acteurs du secteur.
Il a, d'emblée, voulu rassurer tout le monde : son département ne cherche pas à rendre la vie difficile au monde universitaire privé. ‘’Avec les statistiques que nous avons, faisant état de 298 universités pour plus de 88 000 étudiants, cette initiative était bien nécessaire pour arrondir les angles. Mais nous ne sommes que dans une logique de dialogue, pas dans celle de venir jouer aux gendarmes. Pour résorber le flux de plus en plus important d'étudiants chaque année, nous avons besoin à la fois du secteur public et du secteur privé. Ce sont comme deux ailes d'un oiseau ; nul ne peut aller sans l'autre’’, a dépeint le ministre Abdourahmane Diouf.
Dans ses propos, M. Diouf a répondu à certaines préoccupations de ses interlocuteurs, parmi lesquelles les orientations des nouveaux bacheliers dans le privé. ‘’Cette année, nous n’attendons pas moins de 80 000 nouveaux bacheliers et, comme l'année dernière, nous prévoyons d'orienter tout le monde dans les établissements publics. Si le besoin d'inscrire certains dans le privé devient une évidence, le ministère n'hésitera pas une seconde. Mais pour l'heure, cette option n'est pas envisagée, car il y a avant tout la question de la dette que nous voudrions régler définitivement’’.
Il a donné plus de détails concernant ce dernier point : ‘’La dette de départ s'élève à 28 milliards. Nous avons réussi à résorber 18 milliards. Pour les 10 restants, quatre sont prévus dans le budget de 2025’’, a-t-il annoncé.
Le chef de l'université sénégalaise s'est également penché sur le sujet de ce groupe d'établissements qui fait un peu figure de mauvais élève. Bien que globalement les 298 universités concernées remplissent les conditions pour dispenser des cours, il existe un groupe de près de 90 établissements assez défaillants. Mais, là encore, le ministre a voulu rassurer ses interlocuteurs : ‘’86 écoles privées ont des problèmes avérés. Toutefois, un travail minutieux sera fait avec ce groupe. L'objectif n'est pas de sanctionner. Nous allons faire notre maximum pour qu'elles reviennent dans le circuit, car des emplois en dépendent, sans oublier ces milliers d'étudiants également. En outre, nous devons renforcer ce hub universitaire qu'est devenu le Sénégal et non l'inverse.’’
La plaidoirie du privé
Lors de ce face-à-face, les acteurs du privé avaient quelques doléances. Celles-ci concernaient notamment ‘’la reprise des orientations dans le privé pour décongestionner le public, la signature des diplômes et la régularisation des écoles de santé’’.
Jean-Marie Sène, qui s'exprimait en leur nom, estime que, du point de vue fiscal, l'État devrait décréter une ‘’amnistie fiscale’’. Sans oublier que M. Sène a plaidé pour ‘’l'ouverture d'écoles doctorales dans les établissements privés’’.
MAMADOU DIOP