Le désarroi des producteurs

Une crise sans précédent secoue les producteurs d'oignons de la commune de Diender, notamment dans les localités de Keur Ndieuguène, Mbissao et Keur Matar où plus de 65 000 t d'oignons pourrissent actuellement dans les champs, faute de débouchés commerciaux. Ils ont fait face à la presse, ce mercredi, pour déplorer la situation, tirent la sonnette d’alarme et menacent de passer à des actions plus radicales, si rien n’est fait.
Réunis autour de la Coopérative des maraîchers de Diender présidée par Doudou Diop, les agriculteurs dénoncent l’absence de mesures concrètes de soutien de la part des autorités. ‘’Après de multiples appels à l'aide restés sans suite, nous sommes à bout. Nous avons des dettes à rembourser, des employés à payer et aujourd’hui, nous ne pouvons même pas vendre notre récolte’’, déplore M. Diop.
Parmi les difficultés pointées par les producteurs figurent le manque criant d’infrastructures de stockage (magasins et chambres froides), l’insuffisance d’accès à l’eau et à l’électricité ainsi que l’absence de fonds dédiés à la commercialisation. Cette situation affecte gravement leur capacité à conserver et à écouler leurs produits, notamment l’oignon blanc destiné à l’exportation vers l’Espagne, entre décembre et février. Cette année, faute de moyens logistiques, cette filière d’exportation est totalement paralysée.
‘’Nous vendons aujourd’hui le sac d’oignons à 2 500 F CFA, un prix dérisoire qui ne couvre même pas nos coûts de production’’, souligne Doudou Diop. Il appelle l’État à collaborer davantage avec les coopératives agricoles locales, qui connaissent bien les réalités du terrain.
Des conséquences sociales alarmantes
Au-delà des pertes économiques, les retombées sociales sont lourdes. Abdou Sow, un autre producteur, regrette amèrement la situation : ‘’Ce sont plus de 65 t d’oignons qui pourrissent à l’air libre. Nous avons tout donné pour assurer la souveraineté alimentaire du pays. L’État doit soutenir les véritables cultivateurs, sinon comment convaincre les jeunes de rester ici et ne pas risquer leur vie pour rejoindre l’Europe en pirogue ?’’
Trouvée dans les champs, Marième Cissé, habitante de Keur Ndieuguène, témoigne également de l’impact de cette crise sur les ouvriers agricoles : ‘’Je travaille dans les champs de 7 h à 17 h. Mais aujourd’hui, les producteurs n’ont plus les moyens de nous payer. Comment vais-je nourrir mes enfants et leur acheter des habits pour la Tabaski ?’’, se demande-t-elle.
Les producteurs interpellent directement les autorités, notamment le ministre du Commerce, qu’ils invitent à venir constater par lui-même la situation sur le terrain, comme l’a déjà fait son collègue de l’Agriculture. Ils réclament la régularisation du marché de l’oignon par l’Agence de régulation des marchés (ARM), un accompagnement financier pour soutenir les petits producteurs et la mise en place urgente d’un dispositif de conservation et de commercialisation structuré.
Sans réponse rapide, cette crise pourrait engendrer des répercussions à grande échelle, tant sur le plan économique que social, dans une région où l’agriculture constitue le principal moyen de subsistance.
NDEYE DIALLO (THIES)