Publié le 1 Dec 2023 - 18:56
BUDGET 2024 ESTIMÉ À PLUS DE 7 000 MILLIARDS F CFA

Débats enflammés à l’Assemblée !

 

À l'occasion du vote du projet de budget du ministère des Finances et du Budget, certains députés de l'opposition ont réaffirmé leurs doutes et désaccords pour le budget général de l'année 2024 de l'État, estimé à plus de 7 000 milliards F CFA. Le ministre Mamadou Moustapha Ba a répondu à toutes les interrogations.

 

Hier, les parlementaires ont voté le budget du ministère des Finances et du Budget. Au cours de la séance, les députés de l'opposition ont émis beaucoup de doutes et réitéré leurs désaccords sur le budget général du Sénégal de l'année 2024, projeté à plus de 7 000 milliards de francs CFA.

"Monsieur le Ministre, nous avons contesté votre budget de 7 000 milliards, en disant simplement que la loi organique de 2020 ne prend pas en compte l'amortissement dans les opérations budgétaires, mais aussi dans les opérations de trésorerie. Nous avons également dit que nous avons des doutes sur le taux de croissance qui est projeté. Nous avons des doutes sur la sincérité du budget. Nous avons des doutes sur le fait que les échéances électorales soient un risque budgétaire", a martelé le député Oumar Sy.

Embouchant la même trompette, Ibrahima Diop, un autre député de Wallu Sénégal a déclaré qu’ils ont l'obligation de rendre compte aux Sénégalais et de leur faire part de l’erreur qui existe dans le budget. "J’ai l’habitude de dire que c’est la maladie des chiffres qui traverse le régime de Macky Sall. À chaque fois, vous nous dites qu’on a injecté autant de milliards, mais on se rend à l’évidence. Je l’ai dit et je le répète, le budget ne fait pas 7 000 milliards de francs CFA. Nous ne pouvons pas considérer les ressources de trésorerie comme des ressources budgétaires. Et dans ce budget, vous avez considéré plus de 2 000 milliards de francs CFA de la trésorerie pour gonfler ce budget", a-t-il fustigé.

Le parlementaire de poursuivre : "La manière dont vous avez établi ce budget pose problème. Les prévisions de la croissance qui étaient de 10 % sont en chute. Vous avez conservé le PIB de 2003, qui s’élevait à 19 000 milliards de francs CFA, pour calculer le taux de croissance et cela pose problème. Je sais que vous êtes un homme compétent, qui maitrise les affaires du budget. Donc, vous ne devez pas accepter certaines pratiques politiques."

Répondant aux parlementaires, le ministre des Finances et du Budget a souligné que le caractère répétitif du budget, d'année en année, n'a jamais réussi à le transformer en routine. "C'est important, car nous ne devons jamais perdre de vue ce qui se trouve derrière les chiffres dont nous débattons. Derrière ces chiffres, il y d'abord le labeur des femmes et des hommes qui vivent au Sénégal. Parce que ce budget de l'État est avant tout le résultat de la croissance", a réagi Mamadou Moustapha Ba.

Le ministre d’ajouter : ‘’Or, qu’est-ce que la croissance que les économistes décrivent comme l’augmentation de la richesse produite pendant une période donnée (en général un an) ? Qu’est-ce que la croissance, sinon le fruit du labeur des habitants d’un pays ? À partir de cette croissance, nous projetons des niveaux de recettes fiscales. Autrement dit, l’État se nourrit de la croissance.’’

Ces précisions faites, il s’est montré pédagogue pour défaire certaines idées reçues sur le budget. Il a pris l’exemple de la masse salariale : ‘’Nous versons, renseigne-t-il, chaque mois 104,096 milliards F CFA à 177 727 agents. Mais au final, ce sont les 18 millions de Sénégalais qui en profitent.’’ Car, dit-il, ‘’les agents de l’État sont, dans la vie de tous les jours, à la fois des consommateurs, des épargnants et des investisseurs’’. Il explique le ‘’circuit économique’’. ‘’Lorsqu’il fonctionne correctement, dit-il, c’est un cercle vertueux dans lequel des fils invisibles s’entrecroisent pour stimuler la croissance, la production, la consommation, l’épargne, l’investissement, l’emploi, etc. Et au milieu de ce cercle, il y a l’État, garant du bon fonctionnement du système. L’État qui est aussi le premier employeur du pays, le premier acheteur, le premier emprunteur, le premier investisseur. Mais l’État qui ne pourrait assumer aucun de ces rôles sans une croissante forte et durable’’.

Mamadou Moustapha Ba d’ajouter : ‘’Et si je me suis permis ce petit rappel, c’est pour répondre à deux catégories de personnes : ceux qui disent que la croissance ‘ne sert à rien’, qu’elle ne remplit pas le panier de la ménagère ; ceux qui nous reprochent de trop mettre l’accent sur les chiffres.’’

Ensuite, le ministre est revenu sur le débat sur le budget qui est passé de 6 411,5 milliards F CFA en 2023 à 7 003,6 milliards F CFA en 2024, soit une augmentation de 592,1 milliards F CFA en valeur absolue et 9,2 % en valeur relative. ‘’Certains voudraient qu’on en retranche les 1 248,2 milliards F CFA correspondant à l’amortissement de la dette en 2024, pour afficher un budget de 5 755,4 milliards F CFA. D’abord, j’estime que ce serait tromper le Parlement que de mettre en avant un budget qui ne comprendrait pas le remboursement du capital de la dette. Même si, pour des raisons comptables qui n’intéressent que les experts, ce remboursement qui constituait une dépense budgétaire au sens de la loi n°2001-09 du 15 octobre 2001 et qui ne l’est plus du point de vue de la loi 2011-15 du 8 juillet 2011 abrogée par la loi 2020-07 du 26 février 2020, nous avons privilégié l’approche qui vous renseigne sur le fait que 1 248,2 milliards F CFA vont être consacrés en 2024 à l’amortissement de la dette publique’’.

"Il faut cesser les remises gracieuses..."

En effet, il a beaucoup été question de chiffres, lors de l’intervention des députés, et de mauvaise gestion des deniers publics. C’est le cas de Cheikh Alioune Bèye qui est revenu sur les douze ans de règne de l’actuel régime, pour dire tout le mal qu’il pense dans la gestion des affaires. "On aura tout vécu dans ce pays : des complots, des accusations et toutes sortes de mauvaises choses. Et les milliards dont vous faites référence n’intéressent pas le petit Sénégalais qui est en train de remuer ciel et terre pour avoir de quoi manger. Le modèle économique est un modèle de survie et c’est plus que malheureux, car tous ceux qui sont avec vous sont dans une bamboula qui ne dit pas son nom", a-t-il accusé. 

Même son de cloche chez le député Guy Marius Sagna qui a soutenu qu'en cette fin de marathon budgétaire, sur les douze ans du président Macky Sall à la tête du pays, seule la lettre D lui vient à l'esprit. "D comme détournement de deniers publics, D comme dilapidation des ressources sénégalaises, D comme dettes. Parce que vous nous avez endettés comme ce n'est pas possible. Mais également D comme détenus politiques, car tous ceux qui sont contre la politique de Macky Sall sont devenus des détenus politiques ou menacés de l'être, comme l'est aujourd'hui Ousmane Sonko. D comme déforestation, D comme destruction de l'environnement, D comme dictateur, comme l'est aujourd'hui le président Macky Sall.  D de l'espoir, parce que ce budget-ci est le dernier budget monocolonial, c'est le dernier budget parasitaire, parce qu'en 2024, nous allons tourner cette page, déraciner le système néocolonial. D comme démonstration et c'est ce que nous allons faire", a martelé Guy Marius Sagna.

Dans un autre registre, le député Samba Dang a déclaré qu'il faut cesser les remises gracieuses et exonérer les exonérations fiscales. En effet, explique-t-il, "on remet gracieusement des impôts à des entreprises fiscales coupables de fraudes fiscales. Et on renonce volontairement à percevoir des impôts votés par l’Assemblée nationale. On fait des décisions d’arbitrage pour négocier des montants d’impôts qui sont dus par des contribuables coupables de fraudes fiscales, en leur accordant une certaine amnistie sur des impôts collectés sur des populations pour des travailleurs qui ne font pas l’objet de remerciement".

Le parlementaire est ainsi d'avis qu'il faut aller vers des autorisations de recettes fiscales et non une perte de recettes fiscales. ‘’La fiscalité est du domaine exclusif de la loi’’, rappelle-t-il.

39 882,93 milliards F CFA de budget votés de 2012 à 2022

À ces accusations de gabegie et de mauvaise gestion, le ministre des Finances a répondu en donnant le montant cumulé des lois de finance (LFI et LFR) de 2012 à 2022, adoptées par l’Assemblée nationale du Sénégal. Il annonce le chiffre de 39 882,93 milliards F CFA. ‘’Vous êtes en droit de vous demander ce que le gouvernement a fait de cet argent ? La réponse est simple : en douze ans, cet argent a globalement servi à payer les salaires et les primes des agents de l’Administration (au sens large, y compris le secteur parapublic) : 7 387,51 milliards F CFA ; assurer le fonctionnement de l’Administration et de nos services publics, y compris les structures hospitalières, les universités et les collectivités territoriales : 10 582 milliards F CFA. Ce montant englobe le paiement des bourses des étudiants (579,56 milliards F CFA) ; la subvention du monde rural (567,75 milliards F CFA), le carburant et l’électricité (1 431,6 milliards F CFA) et les denrées alimentaires de première nécessité (164,5 milliards F CFA en termes de subvention et de renonciation de recettes) ; la distribution des bourses de sécurité familiale à 354 951 ménages vulnérables, pour un montant cumulé de 201,735 milliards F CFA ; investir pour doter le pays d’infrastructures et d’équipements dignes de ce nom : 12 679,39 milliards F CFA’’.

Mamadou Moustapha Ba d’ajouter : ‘’Si l’on examine le pendant physique de celui financier, on peut dire, honorables députés, que le peuple sénégalais en a eu pour son argent…’’

Budget du ministère des Finances et du Budget 

Lors de sa prise de parole, le ministre des Finances et du Budget, Mamadou Moustapha Ba, a souligné qu'il a pris note des plaidoyers des parlementaires. "Le débat parlementaire sur le budget de l’État n’est pas un débat stérile. Au cours des 32 jours qu’aura duré ce marathon budgétaire, nous vous avons soigneusement écoutés, Mesdames, Messieurs les Honorables Députés, et nous vous avons entendus. Vos plaidoyers nous ont touché ; vos contributions nous ont éclairé ; vos critiques nous ont alerté", a-t-il indiqué. Avant de souligner que les nombreuses préoccupations soulevées et qui n'étaient pas prévues dans le projet de budget seront prises en charge au cours de la gestion 2024.

Il a également déclaré avoir noté plusieurs plaidoyers et cris du cœur des parlementaires.

Pour l'année 2024, le budget du ministère des Finances et du Budget est arrêté à 453 107 255 439 F CFA en autorisations d'engagement (AE) et 422 432 401 099 F CFA en crédits de paiement (CP).

FATIMA ZAHRA DIALLO (STAGIAIRE)

 

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