Les correspondantes de “Le Monde” et “Libération” expulsées
Les deux journalistes ont quitté Ouagadougou, ce samedi 1er avril au soir, après avoir reçu une notification des services de la Sûreté nationale. Les raisons de l’expulsion n’ont pas été révélées, mais elles avaient été entendues la veille vendredi par les services de sécurité.
Vendredi, Agnès Faivre, correspondante du quotidien Libération et Sophie Douce, du journal Le Monde, sont convoquées à la Sûreté nationale. Elles s’y rendent dans l’après-midi. Après plusieurs heures d’interrogatoire, chacune rejoint son lieu de résidence.
« Les agents nous ont posé des questions sur notre travail, nos sources, nos contacts burkinabè et sur l’article concernant l'analyse d’une vidéo publiée dans le journal Libération », explique Agnès Faivre. Dans la soirée, cette dernière reçoit un appel d’un officier de police. Celui-ci vient à son domicile et l’informe qu’elle a désormais 24 heures pour quitter le territoire burkinabè, sans donner de raison pour justifier cette expulsion.
Un choc
Quant à Sophie Douce du journal Le Monde, c'est samedi matin qu'elle a été informée qu'elle devait elle aussi quitter le Burkina Faso. Toujours sous le choc, la journaliste confie qu'un officier est venu chez elle lui notifier verbalement qu'elle avait elle aussi 24 heures pour partir, sans lui donner ni notification écrite, ni motif. Les deux correspondantes ont quitté Ouagadougou dans la soirée d'hier pour prendre un avion vers la France.
Les deux journalistes sont arrivées « dimanche matin à Paris », a précisé Libération. Le quotidien Le Monde « condamne avec la plus grande fermeté cette décision arbitraire qui a obligé les deux journalistes à quitter Ouagadougou en moins de vingt-quatre heures. Sophie Douce, comme sa consoeur, exerce pour Le Monde Afrique un journalisme indépendant, à l'écart de toute pression ». Le directeur du journal, Jérôme Fenoglio, « demande aux autorités locales de revenir au plus vite sur ces décisions et de rétablir sans délai les conditions d'une information indépendante dans le pays ».
« Parfaite intégrité »
Selon Libération, « Agnès Faivre et Sophie Douce sont des journalistes d'une parfaite intégrité, qui travaillaient au Burkina Faso en toute légalité, avec des visas et des accréditations valables délivrées par le gouvernement burkinabè ». « Nous protestons vigoureusement contre ces expulsions absolument injustifiées et l'interdiction faite à nos journalistes de travailler en toute indépendance », ajoute ce journal.
Début décembre 2022, la junte au pouvoir avait déjà suspendu la diffusion FM de Radio France Internationale (RFI). Et, ce lundi 27 mars, le Burkina Faso, dirigé par des autorités issues de deux coups d'État en 2022 et confronté à une multiplication d'attaques jihadistes meurtrières, a coupé la retransmission de la télévision d'information française France 24 sur son territoire.
« Incompréhensible »
Au Burkina Faso, les réactions se multiplient après l'expulsion des deux journalistes françaises. Les journalistes burkinabè craignent pour leur liberté d'informer. Dans le contexte actuel de transition et de lutte contre les groupes armés, la presse nationale se sent de plus en plus menacée, selon Boureima Ouedraogo, directeur de publication du journal Le Reporter et secrétaire général de la Cellule Norbert-Zongo pour le journalisme d'investigation : « Ce sont des menaces, ce sont des accusations, ce sont des intimidations, ce sont des appels à la violence jusqu’à des appels au meurtre contre des journalistes et des comités d’entreprise de presse.
C’est extrêmement grave en matière en termes d’appels à la liberté de presse, à la liberté d’expression que nous vivons en ce moment. (...) Depuis hier, il y a encore des mensonges grossiers qui sont montés à travers les vidéos incriminant injustement certains confrères et les accusant d’être de mèche avec les confrères français qui ont été expulsés. Ce qui à notre sens est totalement insensé, c’est incompréhensible ».