Publié le 22 Oct 2022 - 07:39
CAMPAGNE AGRICOLE 2022

Entre espoir et craintes

 

Garantir davantage la sécurité alimentaire, mais surtout l’assurer à tous et partout au Sénégal, c’est la mission que s’est fixée le nouveau ministre de l’Agriculture. Cette ambition passera par une bonne campagne agricole dont les auspices, pour bons qu’ils étaient, deviennent fâcheux, avec l’hivernage qui se prolonge, menaçant les récoltes.

 

Remporter la bataille contre la vie chère et la restauration du pouvoir d’achat des ménages n’est pas une gageure, mais, c’est loin d’être gagné. D’autant que, selon les termes du projet de loi de finances pour l’année 2023, ‘’l’économie nationale fait face à des défis majeurs liés à la conjoncture internationale défavorable et, au plan interne, à la flambée des prix des produits alimentaires’’. Ainsi, ‘’face aux tensions inflationnistes, le gouvernement a fait le choix d’agir, en même temps, sur des mesures permettant la maîtrise des prix, voire leur baisse et sur l’amélioration des revenus, afin de préserver au mieux le pouvoir d’achat des citoyens’’, souligne le document.

Et même si le pays va entrer, en 2023, dans une nouvelle ère de pays producteur de pétrole et de gaz, les décideurs continuent de compter sur les productions agricoles pour soulager les ménages et éloigner l’insécurité alimentaire qui pointe le bout du nez.

C’est pourquoi, dans le budget 2023, l’État entend renforcer les mesures de soutien à la filière rizicole par l’octroi d’une subvention de 32 F CFA par kilogramme dont 30 F CFA au profit des producteurs et 2 F CFA au profit des transformateurs. Il compte aussi parvenir à ‘’la consolidation des bases pour notre souveraineté alimentaire, en tirant le meilleur parti du potentiel de ressources du pays, pour rehausser significativement la production de céréales, par l’accompagnement de l’État, mais également par une plus forte implication du secteur privé pour soutenir le développement de toutes les filières de productions agropastorales, des cultures à haute valeur ajoutée, notamment les productions horticoles, ainsi que l’implantation d’unités de conservation et de transformation’’. La troisième option est une meilleure valorisation de nos produits et une promotion du ‘’consommer local’’.

D’ailleurs, à l’orée de cette présente campagne agricole, le président de la République avait pris la décision de consacrer une enveloppe de 70 milliards F CFA à son financement. Un montant en hausse de 10 milliards par rapport à la précédente campagne.

Réagissant à l’annonce de cette enveloppe de 70 milliards F CFA, le directeur de l’Agriculture, Oumar Sané, disait : ‘’Avec ce contexte actuel, nous devrons nous mobiliser pour assurer notre souveraineté agricole, car on ne peut pas toujours dépendre de l’extérieur. Le contexte actuel nous montre que nous devons prendre les devants pour sécuriser notre propre approvisionnement en denrées de première nécessité. Cette année, il y a un programme spécial pour accompagner la filière maïs qui entre dans le cadre de l’alimentation du bétail. Si ce dernier augmente, cela va avoir un impact sur le prix de la viande. Donc, on a décidé d’accompagner les producteurs de maïs pour leur permettre d’avoir une bonne production et de permettre à ceux qui sont dans ce secteur de bien approvisionner le pays et de maintenir leurs employés.’’ Il insistait aussi sur la nécessité de prendre des mesures exceptionnelles d’accompagnement, avec la motorisation de notre agriculture.

Engrais et semences, deux intrants insaisissables

Ainsi, dans le détail, ce sont 41 milliards F CFA qui ont été alloués à l’approvisionnement en engrais sur le marché international. Douze milliards ont été dégagés pour l’achat de semences d’arachides ; 5 milliards alloués au programme de compétitivité de l’agriculture et de l’élevage qui vise le renforcement de la productivité et l’accès au marché des produits de base prioritaires dans le bassin arachidier et les zones agropastorales ; et 12 milliards F CFA pour l’acquisition des semences des diverses espèces végétales cultivées.

Sauf qu’à l’arrivée, l’engrais a été presque introuvable sur le marché. Et lorsqu’il l’était, il était hors de portée de la majorité des cultivateurs. Le 17 août dernier, en tournée à Tambacounda, l’ex-ministre de l’Agriculture Moussa Baldé avait essuyé les complaintes des producteurs de coton de la zone, étranglés par les prix prohibitifs de l’engrais (29 000 F CFA le sac) et de l’urée (39 000 F CFA le sac). Les producteurs des autres spéculations, notamment d’arachide, soulignaient le ‘’manque criard de semences’’. Un problème commun à toutes les régions du pays.

Mais malgré ces difficultés, l’hivernage a été pluvieux et les agriculteurs espéraient, jusque dernièrement, des récoltes abondantes. Sauf que l’hivernage joue les prolongations et la peur commence à étreindre les cœurs. Car depuis quelques années, les agriculteurs sénégalais se sont habitués à utiliser des semences à cycle court pour pallier les déficits pluviométriques. Se faisant, la plupart des cultures sont arrivées à maturation et la pluie, qui continue de tomber, risque de tout gâter (voir ailleurs). 

Il s’y ajoute des attaques de pucerons et d’iules, qui ont été notées dans la région centre. A Vélingara, ce sont les mouches ravageuses qui se sont attaquées aux plantations de cotonniers ; obligeant le ministre de l’Agriculture à s’y rendre pour s’enquérir de la situation et apporter le soutien de l’Etat.

Bilan précédente campagne

En janvier dernier, lors de l’une des sessions du gouvernement face à la presse, le ministre de l’Agriculture, faisant le bilan de la précédente campagne, avait annoncé des chiffres fortement contestés par la suite. Ce qui fait que le doute subsiste sur les 3 535 753 t de céréales de la campagne 2021-2022. Moussa Baldé estimait la production de riz à 1 382 120 t ; le coton à 22 055 t ; la production d’arachide à 1 677 804 t...

Pour arriver à ces chiffres, détaillait-il, ‘’nous avons mis en place 76 500 t de semences d’arachide, 11 000 t pour le riz, 8 590 t pour le niébé, 3 179 t pour le maïs, 1 795 t pour le sorgho, 700 t pour le sésame, 53 t pour le fonio, 22 t pour la pastèque et 21 200 t pour le manioc’’.  

Dans la foulée, il révélait les moyens mécaniques mis à la disposition des producteurs par le gouvernement, à travers le Pracas, notamment la subvention d’au moins 2 000 tracteurs à hauteur de 60 %. ‘’Cela veut dire que l’État paie 12 millions sur 20 pour l’achat d’un tracteur. Seuls 8 millions sont supportés par le paysan qui souhaite l’acquérir. De plus, cet argent peut être payé en prenant un prêt à la Banque agricole remboursable sur cinq ans en zone irriguée et en sept ans en zone pluviale’’, déclarait le ministre.

Son successeur Aly Ngouille Ndiaye s’est lui engagé sur les chantiers du Programme de résilience économique et sociale (Pres) et du Plan d’actions prioritaires ajusté et accéléré (PAP2A) de la phase 2 du Plan Sénégal émergent (PSE), ‘’en mettant en priorité le défi de la souveraineté alimentaire’’. ‘’Il nous revient, dit-il, d’œuvrer à l’amélioration des systèmes de production, de stockage, de transformation, de commercialisation et de consommation des produits agricoles. À cela s’ajoutent également le renforcement de la résilience des systèmes alimentaires, l’amélioration du cadre législatif et réglementaire y afférent et la territorialisation des politiques agricoles pour promouvoir une souveraineté alimentaire durable et une agriculture porteuse de croissance économique, créatrice d’emplois et socle de cohésion sociale’’.

GASTON COLY

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