Le jeu de cache-cache du président
À moins de sept mois de la Présidentielle, Macky Sall n’a toujours pas dévoilé le nom du candidat de Benno Bokk Yaakaar, alors qu’ils sont nombreux à penser qu’il a déjà choisi. Soit il peine à justifier son choix, soit il veut gagner du temps afin de mettre tous les autres devant le fait accompli.
L’accouchement est certes difficile. Mais ils sont nombreux les observateurs à être convaincus que le président de la République, Macky Sall, connait déjà celui qui va porter les couleurs de Benno Bokk Yaakaar à la prochaine présidentielle. Pourquoi, à moins de sept mois de ce scrutin crucial, il tarde alors à rendre public ce choix, en essayant même de faire croire qu’il n’a pas encore choisi ? C’est plutôt la question qui mérite d’être posée. Et la dernière sortie du journaliste très proche du président, Madiambal Diagne, tend à conforter cette thèse.
À la question de savoir s’il connait déjà le candidat choisi par Benno, il affirmait : ‘’J’ai une bonne idée de celui qui sera choisi, mais je ne le dirai pas…’’ Dans la même veine, le journaliste disait, à propos des relations entre les différents candidats et le chef de l’État. ‘’Les postures des uns et des autres, j’en sais un bon bout dans leurs relations avec le président et dans l’intention que le président a envers ces gens. Mais ce n’est pas à moi de le dire, à moins que le président m’autorise à le dire. J’en sais un bon bout. Je sais qui est sérieux aux yeux du président et qui l’est moins, qui est respectable et qui l’est moins. Mais cela ressort de mon rapport personnel avec le président de la République, que je ne suis pas appelé à dire en public’’.
En tout cas, si le président Macky Sall écoutait son ami, cela fait longtemps qu’il aurait dévoilé le nom du candidat de Benno pour la prochaine Présidentielle, d’autant plus qu’il a reçu carte blanche de le faire.
Selon le patron du journal ‘’Le Quotidien’’, ‘’l’inintelligence de la personne commence là où il ne sait pas ce qu’il représente’’. Aussi, dénonce-t-il les candidatures ‘’farfelues’’ et le sort que leur réserve son ami. ‘’Les gens n’ont pas la décence de s’interdire certaines choses. Si on vous parle de certaines candidatures, vous allez dire ’kii koumou yapp’ (de qui se moque-t-il ?). C’est là où je trouve que le jeu du président est dangereux, le fait de vouloir mettre tout le monde sur le même pied. Il y a des gens qui sont là pour se positionner ou bien pour négocier après leur impunité’’.
Mais est-ce que tout cela n’est pas fait à dessein pour mettre en minorité le profil que beaucoup d’observateurs voient se détacher ? Lors des dernières consultations, le président de la République avait envoyé les prétendants se concerter d’abord, avant de passer aux prochaines étapes. Ce qui est certain, c’est que si les ‘’primaires’’ doivent se jouer entre les candidats, le Premier ministre risque d’avoir très peu de chances.
Pour Madiambal Diagne, c’est au président de trancher. ‘’C’est au président Macky Sall qui a demandé carte blanche de trancher cette question, de savoir qu’il ne peut pas faire l’unanimité, qu’il va forcément faire des mécontents, qu’il va forcément faire des heureux. Mais c’est un choix. Maintenant, il cherche à rassembler, à unir. Moi, je ne me fais pas d’illusions’’.
Pour le journaliste comme pour beaucoup d’autres observateurs, il est presque utopique d’espérer trouver un candidat qui va faire l’unanimité dans la majorité. Et comme pour lier ceux qui seraient susceptibles de s’éloigner de la grande coalition présidentielle, l’Alliance pour la République a sorti récemment une charte, mais qui a été fortement remise en cause, y compris même chez les candidats à la candidature. Et le plus absurde dans cette charte, c’est qu’on y fait appel à Dieu pour tenter de lier les candidats. Quelques extraits : ‘’Les candidats non retenus s’engagent devant Dieu, devant les partis membres de BBY et sur l’honneur, à accepter le choix définitif… Les candidats non retenus doivent s’engager sur l’honneur à soutenir activement sur le terrain le candidat de BBY pour une victoire au 1er tour de l'élection présidentielle de 2024.’’
De telles dispositions ont été remises en cause au-delà même des candidats, notamment par le porte-parole du Parti socialiste Abdoulaye Wilane, qui disait récemment : ‘’Nous sommes dans une République laïque et démocratique. Donc, quand on veut mettre dans une charte pour Benno Bokk Yaakaar et qu’on y mette Dieu, c’est une insulte à BBY et une violation de la perspective républicaine qui nous régit. Enfin, nous trouvons anormal le fait de vouloir lier les gens par une charte. Quand on élit quelqu’un, il devient le président de tous les Sénégalais, pas seulement ceux de son parti. Le président Macky Sall a été élu en 2012 sur la base de Yoonu Yookute. Par la suite, il a mis en place son Plan Sénégal émergent.’’
Macky Sall peine-t-il à défendre son choix et essaie-t-il d’attendre le dernier moment pour mettre tout le monde devant le fait accompli ? Certains y croient de plus en plus et dans cette perspective, le retrait des formulaires pour le parrainage prévu au plus tard à la fin de ce mois constitue une sorte de deadline.
Dans tous les cas, chez les candidats, des visuels sont faits à leur effigie pour montrer qu’ils sont prêts à respecter le choix du président. ‘’Je réaffirme mon engagement indéfectible et ma totale loyauté au président Macky Sall. Je crois en sa vision pour l’émergence de notre cher Sénégal et je suis convaincu qu'il portera son choix sur le meilleur profil qui pourrait nous conduire vers la victoire. Je suis fier de l'avoir élu, réélu et je soutiendrai sans faille le candidat qu’il désignera pour la coalition BBY à l’élection présidentielle du 25 février 2024’’, lit-on dans le texte posté par plusieurs pages proches des milieux républicains, avec de belles affiches en marron beige et de belles photos des différents candidats.
MOR AMAR