Publié le 20 Nov 2015 - 22:38
CARNET DE ROUTE

Il était une fois le Nord-Est

 

Parcourir les localités de l’Est et du Nord du Sénégal est une entreprise exténuante mais excitante. Le plaisir d’avoir traversé le pays, de Bakel à Ndande en passant par près d’une dizaine d’agglomérations comme Diawara, Thialy, Ngano, Wendou Bosséabé, Sinthiou Bamambé,Golléré Gamadji Saré, Fanaye..., n’a été entaché que par l’annonce des attaques terroristes sur Paris qui a endeuillé la délégation française conduite par son ambassadeur. Cette partie du territoire à la densité faible, est une mine en dormance pour ceux qui rêvent de découvrir le Sénégal.  

 

La route était bonne par intermittence entre Kidira et Bakel. Moins éprouvant que le tronçon Fatick-Kaolack qui, en attendant la livraison d’une nouvelle bitume, est toujours un chemin de croix pour les voyageurs. Seul avantage avec ce ralenti, on peut admirer avec plaisir les marais salants. Plus on s’enfonçait en pleine soirée dans cette localité de l’Est, plus la densité se réduisait. Les négoces de tous types qui bordent la chaussée de part et d’autre de la Nationale 1, les camions de transport à destination ou en provenance du Mali, l’espacement et les lueurs faibles des poteaux électriques..., se raréfient au fur et à mesure que l’on s’engageait sur le bitume cahoteux. Après un arrêt à Tambacounda (Ndlr : mercredi 11 novembre 2015) à 17 heures passées, tous les néophytes qui faisaient le trajet pour Bakel croyaient avoir fait le plus dur. Seuls les points lumineux des lampes torches, fendant hasardeusement l’obscurité comme les signaux d’un code morse, indiquait une présence humaine faiblement répartie.

Dans ces vastes espaces de terres, la verdure de la saison des pluies bien arrosée cède déjà la place à un paysage jaunissant dû à l’assèchement. D’ailleurs, le parcours est ponctué de feux de brousse parfois embryonnaires, parfois d’une ampleur assez inquiétante. ‘‘En général, ce sont les villageois eux-mêmes qui allument ces feux pour débroussailler plus rapidement. Et des fois, ça leur échappe’’, nous expliquera plus tard à Matam Mamadou Dème, un enseignant venu assister à l’inauguration du centre d’état-civil. Le périple qui devait nous mener de Bakel à Saint-Louis en passant par près d’une dizaine de localités a offert une multitude de paysages.

 23 heures, l’heure d’arrivée dans un hôtel-dortoir à Bakel,  où les moins endurants se sont fait raconter le dîner le lendemain, avant de mettre le cap plus à l’intérieur du département.

 Chez les ‘Francenaabé’

Dans les ruelles poussiérieuses et dénivellées de Diawara, une apparition presque anachronique suscite l’intérêt. Une agence bancaire de la Cbao s’aligne dans un pâté de maisons en dur de cette commune, à 18 km au sud de Bakel. ‘’Les émigrés ont insisté pour avoir cette agence et faciliter leurs envois d’argent pour les parents du village. On en a disposé bien avant Bakel’’, explique Killé Sakho, jeune maire de la commune, venu présider l’inauguration de la station de potabilisation d’eau. Commune d’expatriés, la localité regorge de ceux qu’on appelle ‘Francenaabé’, les ressortissants du Nord, Nord-Est ou de l’Est qui ont acquis la nationalité française durant la vague de naturalisation avant la fin de la période dorée en Hexagone appelée les Trente Glorieuses, dans les années 70. A regarder un Mamdy Sakho grisonnant et entendre son français approximatif, impossible de lui prêter quatre décennies passées en France. Foulard keffieh noir blanc autour du cou, tenue traditonnelle mitée, et chaussures de cuir, on le croirait à s’y méprendre pour un paysan besogneux du centre du pays. ‘‘Diawara est notre fierté. Tout ce que nous avons et que nous rêvons d’avoir est pour notre terre. Je suis retraité mais je fais régulièrement la navette entre la France et ici’’, confie-t-il.

‘’Français d’origine sénégalaise’’

 La deuxième puis la troisième génération de ces pionniers continue de perfuser cette localité où les réalisations de l’Etat central se résument à des structures avec les différentes coopérations bilatérales. Ici, c’est très courant de rencontrer des binationaux. Les parents transmettent leur nationalité française à leurs enfants avant de les ramener ici pour leur éducation’’, confie-t-il. Une solidarité extra-territoriale qui leur permet de maintenir leur localité dans le giron du progrès. D’ailleurs, trois jours plus tard,  durant sa visite au lycée de Thilogne, l’ambassadeur français, Jean-Félix Paganon a magnifié l’engagement des migrants. ‘‘Rien n’aurait été possible sans cet engagement des Sénégalais de France ou des Français d’origine sénégalaise. C’est la même chose.’’ Une migration devenue toutefois difficile avec une entrée restreinte dans l’ancienne métropole. Le président des ressortissants de Bakel en France, Boubou Sakho, témoigne qu’à l’époque, en 1974, il est parti en France grâce à ses parents, mais que le contexte actuel est différent. ‘‘La capacité humaine à s’adapter est énorme, mais voyager est beaucoup plus compliqué aujourd’hui. Maintenant on ne risque plus d’arriver à destination. Est-ce que ça vaut le coup de perdre la vie pour n’aller nulle part ?’’ s’interroge-t-il sur l’énergie déployée par les ‘clandestins’ à rejoindre l’eldorado européen.

Matam, haut-sur-minarets

Dans la onzième région du Sénégal sortie des flancs de Saint-Louis en 2001, la grande disponibilté foncière contraste avec la faible densité de la population. 45 fois plus grand que Dakar, Matam, 25. 083 km2, offre des paysages plats et sahéliens qui s’étendent sur des kilomètres avant que les oasis urbaines que sont Semme, Orkadiéré, Sinthiou Bamambé, Ourossogui, Thilogne, Wendou Bosséabé ne viennent interrompre la vision de ce panorama désertique. Dans ce Matam où il fait chaud, seuls les pylônes électriques et les châteaux d’eau se dressent plus hauts que les minarets. Les lieux de culte musulman se situent à intervalle régulier, et des fois tiennent dans le même espace.

‘‘Elles font partie du décor. Un village ici, c’est un ensemble d’habitations, de cases autour d’une mosquée’’, plaisante un professeur du lycée de Ngano. Dans ces espaces clairsemés, l’irruption de troupeaux de bovins ralentit la procession des véhicules. Le temps de constater que les récoltes de céréales sont en cours. Les épis séchent sur les baraques en tôle ondulé de petites maisons en banco. Les pastèques sont mûres ; blettes même. Celles qui ne sont pas encore pourries sont sauvegardées sous des toiles pour les préserver de la chaleur étouffante. Quant aux épis qui restent à glaner, ils se dressent fermement au bout des longues tiges ; protégés d’une manière assez singulière. Des morceaux de tissus ou de sachets sont enveloppés pour les protéger contre les nuées destructrices de mange-mils et des bourrasques assez fréquentes dans cette zone. De loin, on croirait à des débris transportés par le vent, pris dans des petits champs sur lesquels veille une armée de petits enfants ou de cultivateurs.

Saint-Louis vintage

Le calvaire des pistes cahotiques qui a secoué l’intérieur du bus a pris fin à Ndioum. Ce ‘‘tarmac’’ de la RN2, 120 km, jusqu’à Richard-Toll, réalisé grace à la coopération américaine, est accueilli dans un soulagement par les passagers. Un parcours sans embûches grâce à la sécurité renforcée autour de l’ambassadeur de France au Sénégal, par deux pick-up de la gendarmerie, jusqu’à Richard-Toll où une procession pour le Magal de Touba ralentit la cadence sur laquelle s’était lancée la caravane. ‘‘Dieureudieufé Serigne Touba ! Dieureudieufé Serigne Touba !’’ s’écrie une foule qui brandissait des images, grandeur nature, du fondateur du mouridisme ; aidée en cela par une sonorisation assourdissante. Une des bonnes volontés qui se démenait de gauche à droite finit par introduire trois tasses chaudes de café ‘Touba’ sous la demande pressante des passagers.

Saint-Louis ! Elle garde toujours cette architecture coloniale vieillotte qui fait son charme. Des maisons aux balcons surchargés de linges font face à des hôtels qui ont fini de bourgeonner partout dans la ville. D’ailleurs, la vieille ville bruit aux rires et processions de touristes sur les calèches, dont les bras armés d’appareils photos débordent d’hippomobiles pour immortaliser quelques clichés.

Samedi soir (Ndrl 14 novembre 2015), le pont Faidherbe, luisant de mille lumières, reçoit une jeunesse dorée sur ses rebords métalliques où séances de photos et de selfies sont esquivées par quelques passants soucieux d’éviter le champ visuel. Dans cette atmosphère de flânerie romantique où le passé colonial français se mêle au présent moderne du Sénégal, résonne le souhait chagriné de Jean-Pierre, un Français naturalisé sénégalais, sur les évènements qui ont meurtri son pays d’origine la veille, vendredi 13 novembre. ‘‘Je me demande bien comment on peut en arriver à cette folie. J’adore mon pays la France, j’adore mon pays le Sénégal. J’espère que la stabilité qui règne ici ne sera jamais remise en cause et j’espère qu’entre humains, nous serons assez tolérants pour nous  supporter nous-mêmes’’, souhaite-t-il.

CURIOSITE

Le puits de Ndande et son serpent

‘‘Venir à Ndande sans voir son puits, c’est comme aller à Paris sans voir la Tour Eiffel.’’ Le professeur Lamane Mbaye n’a pas tari d’éloges sur la richesse culturelle de son terroir qui  concentre l’essentiel du substrat des royaumes du Ndiambour et du Cayor. Dernière étape d’une tournée éreintante mais excitante, le puits de Ndande a été l’attraction pour l’équipe de tournée et l’ambassadeur de France. Au centre du village, une margelle métallique protège un énorme cratère de 45 mètres de profondeur sur 11 mètres de diamètre.

‘‘On ne sait pas comment, ni quand, ni par qui il a été creusé. la tradition orale fait remonter son forage à Ndiadiane Ndiaye au 13ème siècle ou même à Kanka Moussa, roi de l’empire du Mali’’, informe le conservateur du site, Ibrahima Thiam dit Baye Niass. Le totem est un gros serpent qui aurait indiqué, en des temps immémoriaux, l’emplacement à Niock Fall, le lamane de Ndande. ‘‘Il arrive qu’un taureau noir soit sacrifié sur le bord. Quant à l’eau, la famille du lamane et les villageois ne sont pas les seuls à en boire. Des étrangers viennent en chercher’’, poursuit-il. Un autre guide explique que seule la sécheresse nécessite une cérémonie d’invocations où sont sacrifiés des animaux. Autrement, des manifestations s’y tiennent, mais à titre folklorique pour les touristes de passage.  

OUSMANE LAYE DIOP

 

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