Publié le 26 Jun 2024 - 21:32
CASAMANCE

Le temps de la reconstruction !

 

L’USAID avait organisé, à Ziguinchor, une table ronde, le 7 juin  2024, pour faire le point sur la réalisation des projets et programmes financés par le gouvernement américain. Ce qui a permis de tâter du doigt les nombreux efforts consentis sur le terrain par les acteurs, mais surtout de  l’ampleur des défis à relever pour que les  communautés impactées par le conflit armé en Casamance puissent retrouver toute leur "sénégalité" et se tourner, résolument, vers la voie de la cohésion sociale et  du bien-être.

 

Ils sont fanés, les temps des bruits de bottes, des braquages, des déguerpissements forcés de populations, des accrochages fratricides, des embuscades meurtrières, des bombardements et les ratissages tous azimuts dans la partie sud du pays. Cette période sombre du conflit armé en Casamance a charrié son lot de morts, de déchirements au sein des communautés, de douleurs et de désolations insondables.  Les dégâts matériels et immatériels sont vastes comme 45 ans de conflit. Rendue possible grâce à cette longue accalmie qui y prévaut et qui est en train de fermer une page plus que sombre de l’histoire contemporaine du pays, la Casamance retrouve peu à peu la voie de la paix.

Le temps de la reconstruction. Mais chaque pas franchi dans le cadre de la consolidation de cette paix engendre de nouvelles urgences, et pas des moindres, parfois. L’accord ‘’inédit’’ conclu entre l’État du Sénégal, à travers son comité ad hoc, et la faction de Diakaye du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) signé le 13 mai 2023 à Mongone (département de Bignona), à partir duquel a eu lieu le premier dépôt d’armes en Casamance, en est la parfaite illustration. 

Parmi les points d’accord, figurent la réalisation d’infrastructures routières, sanitaires et scolaires dans une bonne partie du département de Bignona longtemps transformée en no ’mans land. L’accès à l’eau potable, à l’électricité, la création d’activités génératrices de revenus et la problématique de l’accès à l’état civil des anciens combattants et de leurs familles ainsi que des populations impactées par la crise occupent une place de choix dans cet accord qualifié d’historique.

Sur ce dernier point, il faut souligner que l’USAID s’est engagé à accompagner l’état du Sénégal et la faction de Diakaye, à travers la concrétisation des engagements contenus dans l’accord, par le biais du projet Aliwili 2 porté par le Catholic Relief Service (CRS).

La Dynamique de paix en Casamance a été choisie comme partenaire de mise en œuvre de la composante ‘’cohésion sociale’’ de ce projet qui s’articule autour des parrainages des activités socioculturelles sur le pardon, la paix et la réconciliation à travers des foras et des rencontres communautaires ainsi que la guérison des traumatismes. L’autre composante traite des questions de l’accès à l’état civil. Vu l’ampleur de la problématique, cette question a été intégrée dans les discussions lors des négociations avec l’État du Sénégal par la faction de Diakaye. Le gouvernement a accepté de diligenter les procédures de résolution de cette question.

C’est un peu plus de 55 000 dossiers de demandeurs d’état civil qui ont été collectés dans 30 communes concernées.

Selon Henri Ndecky, le coordonnateur de la Dynamique de paix en Casamance, 13 000 actes de naissance ont été délivrés par les tribunaux à des victimes du conflit et 2 000 au niveau des mairies. La reconstruction concerne par ailleurs la réinstallation d’anciens combattants en les aidant à rebâtir leurs foyers, mais également les populations de retour comme celles des départements de Goudomp et de Ziguinchor.

Le retour timide des populations dans cette partie du front Sud-Est du MFDC fondé par feu Ousmane Gniantang Diatta a été enclenché après le ratissage de grande envergure mené par l’armée en 2021 sous les ordres du colonel Souleymane Kandé, à l’époque commandant la zone militaire n°5. Cette opération a permis de déloger les combattants du MFDC favorables à Ibrahima Compasse Diatta et Adama Sané de leurs bases de Sikoune et de Bilass, respectivement surnommées la ‘’2’’ et la ‘’9’’ situées à la lisière de la frontière avec la Guinée-Bissau.

Les ratissages sont se poursuivis, au mois de mai de la même année, dans la zone de Nyassia pour le contrôle des bases d’Ahinga, de Badem, de Bagam et de Bouniack frontalières à la Guinée-Bissau.

Dans cette zone fortement impactée par le conflit, d’autres organisations comme le Centre pour le dialogue humanitaire (HD) œuvrent à la prévention et à la résolution des conflits par la voie de la médiation et de la diplomatie discrète pour accompagner le processus de retour des populations.

L’USAID a dégagé 15 milliards de francs CFA pour 18 projets et programmes

Pour appuyer cette dynamique de reconstruction, l’USAID, selon Moussa Sow, son représentant à Ziguinchor, a dégagé une enveloppe de 15 milliards de francs CFA pour la mise en œuvre de 18 projets et programmes qui sont en cours d’exécution en Casamance, par le biais d’ONG. Ce qui fait du gouvernement américain l’un des plus grands bailleurs en Casamance.

‘’Je magnifie l’approche de localisation de l’USAID qui vise à accompagner les organisations locales à pouvoir apporter les changements au niveau de leurs communautés. Déclic en a bénéficier dans le cadre de la mise en œuvre de son projet Feed The future Sénégal /Yiriwaa (2023-2027) qui vise à accroitre l’engagement communautaire  des jeunes en Casamance à travers le renforcement de leur leadership  dont l’objectif, à terme, est de créer au moins 255 emplois verts, mobiliser plus de 100 000 personnes au niveau des communautés pour  la création d’un écosystème favorable au développement positif des jeunes’’, se réjouit  Salif Kanouté le président de l’association Déclic.

Selon le journaliste Ibrahima Gassama, pour une région qui a connu plus de quarante ans de crise marquée par des conséquences fortes sur les communautés en termes de pertes, la phase de reconstruction et d’appui peut se faire sans tir à l’œil nu. ‘’C’est comme un panier sans fond. Plus vous mettez moins, il se remplit. C’est   cette image que présente la Casamance. Elle est due à la dimension des conséquences que le conflit a eues sur les communautés’’, a-t-il expliqué en marge de la table ronde évoquée plus haut.

Ces efforts, qui se traduisent sur le terrain en matière d’interventions d’urgences, sont pourtant une réponse aux nombreuses préoccupations qui surgissent chez les populations de retour ou qui ralentissent le processus de retour.  L’insécurité fait aussi que dans certaines zones, il est quasiment impossible d’intervenir. C’est pourquoi la poursuite du déminage humanitaire s’impose, car les ‘’mines ne connaissent pas les accords de paix’’.

La crise a été un désastre pour les communautés qui ont tout perdu. Cette phase de reconstruction demande beaucoup de moyens. Or, les partenaires ne se bousculent pas pour la prise en charge de ‘’ce malade sur son lit d’hôpital qui a besoin d’une perfusion pour rester en vie, le temps de se relancer dans la vie active’’. 

HUBERT SAGNA (ZIGUINCHOR)

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