Publié le 25 Jul 2025 - 19:17
Le Programme national de développement des Agropoles du Sénégal

Un levier stratégique pour transformer l’agriculture

 

Le Programme national de développement des Agropoles du Sénégal (PNDAS) est une initiative majeure lancée en 2024 dans le cadre de la vision stratégique « Sénégal 2050 ». Ce programme vise à transformer en profondeur l’économie agricole sénégalaise, en mettant l’accent sur la souveraineté alimentaire, la création d’emplois ruraux, et le développement industriel équitable. Il part d’un constat simple : malgré le potentiel agricole du pays, la production reste peu valorisée, les pertes post-récolte sont importantes, et la transformation locale des produits reste très faible. Face à ces défis, le gouvernement sénégalais a choisi de miser sur des agropoles, c’est-à-dire des pôles agro-industriels organisés autour de filières agricoles spécifiques.

Les agropoles ont pour ambition de regrouper dans des zones bien définies des infrastructures de transformation, des services d’appui, des formations techniques, et un accompagnement financier, afin de faire travailler ensemble producteurs, transformateurs, commerçants et logisticiens. L’objectif est de renforcer les chaînes de valeur, de réduire les pertes et de créer de la valeur ajoutée localement. Ce programme repose sur trois grands piliers : améliorer la productivité agricole, attirer les investissements privés dans le secteur agroalimentaire, et assurer une coordination rigoureuse entre les différents acteurs du territoire.

Le territoire national est actuellement structuré autour de cinq grandes agropoles : Agropole Sud, Centre, Nord, Ouest et Est. Chacun est spécialisé dans des filières agricoles spécifiques. Ainsi, la Casamance (Agropole Sud) se concentre sur la mangue, l’anacarde et le maïs ; le centre du pays sur l’arachide et les céréales ; le nord sur le riz et l’oignon ; l’ouest sur les produits laitiers et l’aviculture ; et l’est sur le coton et le fonio. Chaque pôle est doté d’infrastructures modernes : entrepôts, unités de transformation, routes rurales, chambres froides, etc. L’État ambitionne à terme de couvrir l’ensemble des départements du pays, soit 45 agropoles réparties sur tout le territoire.

Les premières réalisations sont visibles, notamment dans la région sud du pays. En Casamance, par exemple, 840 tonnes d’engrais ont été distribuées à des coopératives de producteurs de maïs. Ces intrants, cofinancés par la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque islamique de développement (BID), ont été fournis avec des semences améliorées et des produits phytosanitaires à un prix fortement subventionné. Des entrepôts d’une capacité de 1 000 tonnes ont également été construits pour améliorer la conservation des récoltes. Ces mesures ont permis d’augmenter sensiblement les rendements, tout en impliquant activement les femmes et les jeunes dans la chaîne de production. Plus de la moitié des emplois créés dans la région l’ont été au bénéfice des femmes.

Dans le centre du pays, le PNDAS a mis en place un partenariat avec la Compagnie nationale d’assurance agricole du Sénégal (CNAAS) pour proposer une assurance contre la sécheresse aux producteurs. Ce mécanisme innovant vise à sécuriser les revenus agricoles et à renforcer la résilience des exploitants face aux aléas climatiques. Ce sont autant d’initiatives concrètes qui traduisent la volonté des autorités de construire une agriculture moderne, efficace et socialement équitable.

Cependant, malgré ces avancées, le programme connaît aussi des difficultés. Des retards dans l’exécution budgétaire, une lourdeur administrative, et parfois un manque de coordination entre les structures impliquées ont été soulignés par les autorités elles-mêmes. Pour corriger ces lacunes, le gouvernement prévoit un renforcement de la gouvernance du programme, à travers un suivi plus régulier, des comités régionaux d’évaluation, et une implication plus forte des collectivités locales.

Au-delà des aspects économiques, le programme des agropoles joue également un rôle important sur le plan social. Il place les femmes et les jeunes au cœur de la stratégie, en facilitant leur accès à la formation, aux emplois et aux outils de production. Par ailleurs, il intègre une dimension environnementale en favorisant des pratiques agricoles durables et une meilleure gestion des ressources naturelles. L’agriculture devient ainsi non seulement un secteur productif, mais aussi un vecteur de justice sociale et de résilience face au changement climatique.

En définitive, le Programme national des agropoles du Sénégal représente un tournant stratégique pour le développement agricole et industriel du pays. Il s’agit d’un projet structurant, porteur de grandes promesses pour la sécurité alimentaire, l’emploi et la modernisation de l’économie rurale. Si les efforts de pilotage et d’évaluation sont renforcés, et si les ambitions de couverture nationale sont tenues, ce programme pourrait faire du Sénégal un exemple de transformation agricole réussie en Afrique de l’Ouest.

Moussa Ba

Assistant de Recherche

ballaba12@yahoo.fr

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