Publié le 25 Jul 2025 - 09:10
JUGÉE POUR MAINTIEN FRAUDULEUX DANS UN SYSTÈME INFORMATIQUE

Awa Ba évoque un conflit conjugal avec son ex-mari employeur

 

Awa Ba, 39 ans, a comparu, hier, devant la barre du tribunal correctionnel de Dakar. Mariée et mère de trois enfants, cette ex-employée devenue prestataire pour la société Malakaye est poursuivie pour maintien frauduleux dans un système informatique. Elle est traduite en justice par son ancien employeur et ex-époux, Mansour Cissé, PDG de ladite entreprise spécialisée dans la location de villas. La  prévenue a tenté de convaincre le tribunal de la légitimité de ses accès aux outils numériques de la société.

 

L’affaire, qui mêle vie professionnelle et relations personnelles, s’inscrit dans un contexte tendu de séparation conjugale et de conflit autour de la garde d’un enfant. L’accusation, soutenue par la partie civile et le parquet, reproche à Awa Ba de s’être maintenue illégalement dans les systèmes informatiques de l’entreprise, y téléchargeant des documents sensibles, bien après la fin officielle de son contrat.

À l’origine de cette procédure, une plainte déposée en février 2025 par Mansour Cissé, PDG de la société Malakaye.

Selon lui, Awa Ba, malgré sa démission de l’entreprise en 2022, continuait à accéder de manière non autorisée aux fichiers internes de l’entreprise via un ancien compte professionnel. Il affirme que c’est à l’occasion d’une procédure de garde concernant leur fils qu’il a découvert l’existence d’un courriel suspect. Un mail adressé à lui-même par un expéditeur interne, lui demandant d’établir un extrait de naissance pour l’enfant.

Saisi par cette alerte, Mansour Cissé aurait alors sollicité l’intervention d’un informaticien pour procéder à des vérifications techniques. D’après son avocate, Maitre Ramatoulaye Ba, les réquisitions techniques ont montré que sept téléphones différents s’étaient connectés au système de messagerie professionnelle, dont celui d’Awa Ba. Mieux encore, le terminal a été localisé à Saly, lieu de résidence de la prévenue. ‘’Elle a été déconnectée manuellement par un adjudant devant elle à la police, mais a tenté à plusieurs reprises de se reconnecter, même après avoir été mise en garde’’, a déclaré Me Ba.

Selon la partie civile, 128 documents auraient été retrouvés dans le téléphone de la prévenue, dont 86 fichiers directement liés à l’entreprise, dont des organigrammes, des  assignations,  des relevés de compte, des demandes d’absence, des prévisionnels financiers. ‘’Ces documents, téléchargés sans autorisation, ont été transmis aux services fiscaux. C’est sur cette base que la société fait aujourd’hui l’objet d’un redressement fiscal’’, a martelé l’avocate.

La partie civile demande la condamnation de la prévenue et 10 millions de francs CFA à titre de dommages et intérêts, estimant que la confidentialité des documents a été compromise, avec des conséquences financières non négligeables.

À la barre, Awa Ba ne nie pas avoir eu accès à la messagerie de la société. Mais elle en conteste la qualification frauduleuse. ‘’Monsieur Cissé est toujours mon mari. J’ai travaillé avec lui comme directrice administrative et financière jusqu’en 2022, année où j’ai démissionné après des problèmes survenus après mon accouchement’’, a-t-elle expliqué. Elle précise que l’enfant pour lequel un extrait de naissance avait été demandé dans le fameux mail est son propre fils et non celui d’un tiers. Elle reconnaît avoir continué à utiliser un téléphone professionnel fourni par M. Cissé lui-même. ‘’En août 2024, il est revenu vers moi. On a recommencé à se voir avec notre fils. Il m’a même proposé de réintégrer la société. J’ai d’abord refusé, puis accepté de collaborer comme prestataire. C’est avec ce portable, toujours en ma possession, que j’avais accès à la boîte mail de la société. Il le savait parfaitement’’, a soutenu la prévenue.

Selon Awa Ba, les connexions ne relevaient d’aucun acte malveillant. Elle dit avoir tenté de se déconnecter, sans succès, et affirme que même la Division spéciale de cybersécurité n’a pas pu couper définitivement cet accès. ‘’J’avais l’adresse mail comme tous mes anciens collègues. Je recevais encore les messages par défaut. Je n’ai jamais téléchargé de documents financiers. Je ne saurais même pas vous répondre sur leur contenu’’, a soutenu Awa Ba. 

Elle ajoute enfin que le différend avec M. Cissé trouve son origine dans leur rupture personnelle : ‘’Il voulait faire de moi sa maitresse. J’ai refusé. Ensuite, j’ai appris qu’il était marié aux États-Unis. C’est moi qui ai demandé le divorce’’, renseigne-t-elle.

Le parquet requiert l’application de la loi

Le ministère public, pour sa part, s’est contenté de demander l’application de la loi, sans préciser de quantum de peine. Le procureur a néanmoins rappelé que le maintien dans un système informatique sans droit ni autorisation constituait bien une infraction et que les éléments du dossier semblaient suffisants pour caractériser celle-ci.

Pour Maitre Bassirou Sakho, avocat de la prévenue, il s’agit avant tout d’un conflit privé transposé dans le champ pénal. L’avocat est revenu longuement sur l’historique de la relation entre son client et la partie civile. ‘’Ils se sont connus dans le cadre du travail. Ils ont eu une relation amoureuse, un mariage, un enfant. Ce n’est pas un délit’’, révèle l’avocat.

Selon lui, c’est au moment où Awa Ba a demandé à être reconnue comme épouse et mère que Mansour Cissé aurait enclenché une procédure pour la discréditer. ‘’Ce n’est pas élégant. Ce n’est pas une affaire de gentlemen. C’est lâche’’, s’offusque l’avocat. Il souligne que les connexions reprochées étaient en réalité tolérées, voire facilitées par la partie civile. ‘’Il lui a donné le téléphone. Il ne l’a jamais coupée de la messagerie. Elle travaillait pour lui. Ce n’est pas un piratage’’, poursuit la robe noire.

Enfin, Me Sakho alerte sur les conséquences d’une éventuelle condamnation : ‘’Si elle est reconnue coupable, cela servira à l’écarter dans la procédure de garde d’enfant, en la faisant passer pour une mauvaise mère’’, souligne Me Sakho. Il demande le renvoi des fins de la poursuite sans peine ni dépens.

Le tribunal a mis l’affaire en délibéré au 22 octobre 2025. D’ici là, Awa Ba reste libre.

MAGUETTE NDAO

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