CHANGER DE PARADIGME EN MATIÈRE DE POLITIQUE D’EMPLOIS
Pour un état providence stratège
Dans un contexte de forte turbulence mondiale, le dernier rapport de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) intitulé emploi et questions sociales dans le monde tendances 2022 anticipe un nombre de chômeurs pour 2022 estimé à 207 millions, contre 186 millions en 2019.
La situation devrait s’empirer notamment en Afrique dont la croissance projetée en 2022 a été réévaluée par le FMI de 4,5% à 3,8% avec une inflation à deux chiffres à 12,2 %.
L’ampleur du fléau devrait amener les gouvernants du monde entier à changer de paradigme afin de trouver de nouvelles pistes de solutions innovantes qui cadrent avec un contexte de faible croissance économique et de forte inflation.
Il est temps de revisiter et remettre en cause certaines idées reçues sur le chômage en Afrique
Contrairement aux idées reçues, la valeur travail est une déterminante importante dans le subconscient des africains. Ce constat est confirmé par l’expérience vécue quotidiennement dans les principaux lieux de travail informels. Il en résulte qu’une écrasante majorité de la population active, consciente de ses responsabilités sociales et familiales, s’adonne à des travaux parfois pénibles et peu rémunérateurs pour exister socialement. Les revenus tirés de ces activités sont globalement intéressants et peuvent quotidiennement osciller entre 3 000 FCFA (environ 4,6 euro) et 15 000 FCFA (environ 22,8 euro). Ces niveaux de rémunération, rapportés mensuellement, apparaissent plus consistants que le traitement perçu par certaines catégories de fonctionnaires. Je me souviens aussi d’un diplômé de l’enseignement supérieur reconverti en marchand ambulant qui déclarait dans un reportage de télévision avoir décliné un emploi formel privé qui lui proposait un salaire mensuel de 150 000 FCFA (environ 229 euro) parce que le secteur informel lui en procurait 3 fois plus.
Au regard de ces constats, attester, comme l’ont fait certaines organisations internationales comme la FAO que « jusqu’à 82% des travailleurs africains sont des travailleurs pauvres », ou que plus de 70 % des jeunes Africains en moyenne vivent avec moins de 2 dollars par jour (selon les perspectives économiques pour l’Afrique) semble relever de conclusions hâtives. Les emplois du secteur informel ne sont pas forcément de moindre qualité que les opportunités offertes par le secteur formel. Ce sont des occupations non contraignantes, peu stressantes, socialement bien acceptées par les africains, permettant d’allier plusieurs besognes à la fois. Il peut toutefois être admis que des efforts pourraient être faits dans le domaine de la couverture de risques comme les maladies, en organisant par exemple des systèmes d’assurance basés sur des cotisations interprofessionnelles.
Il est grand temps de revisiter certains postulats et certitudes infondés nourris par certains cercles de réflexion occidentaux dans le cadre du traitement de la problématique du chômage en Afrique. Le phénomène doit en effet être appréhendé à l’aune de critères propres à l’organisation sociétale de la société africaine : solidarité entre membres, absence de formalisme des structures organisationnelles, prépondérance de la tradition orale, importance du secteur informel, rôle significatif de la progéniture dans les problématiques d’assurance. En outre, contrairement aux méthodes retenues par certaines écoles qui estiment le taux de chômage en Afrique Subsaharienne à 35 voire 40%, la mesure du chômage doit absolument prendre en compte les activités économiques indépendantes et familiales destinées à l’autoconsommation mais aussi les travailleurs du secteur informel.
Il est grand temps de lever toutes les ambiguïtés qui entourent la problématique du chômage. Être sans travail ne signifie pas uniquement être sans travail salarié ni sans travail déclaré. Dès lors, toute activité licite, en mesure d’assurer la promotion de la condition humaine devrait être prise en compte dans les réflexions. Il est tout aussi important de ne pas appréhender la question du chômage en Afrique avec une grille de lecture occidentale qui met généralement en avant des considérations de formalisme. Nous proposons que le concept de « travail » soit de plus en plus usité en lieu et place de la notion d’emploi qui renvoie inconsciemment à l’emploi salarié. Dans un continent comme l’Afrique où tout reste à faire et où des secteurs entiers sont à valoriser, il est difficile d’admettre l’existence de chômeurs.
Les pays africains peuvent mieux faire en matière d’emploi
Un constat préalable : le secteur privé formel n’est certainement pas la solution à court terme
De plus en plus de réflexions économiques touchant le continent africain considèrent le secteur privé formel comme le moteur de la croissance économique et un gros vecteur de création d’emplois. S’il est vrai qu’en Europe, en Asie et en Amérique, des Petites et Moyennes Entreprises dynamiques et innovantes ont par le passé contribué activement à l’essor économique, le contexte semble tout à fait différent en Afrique. Comparaison n’est pas raison. En effet, l’environnement des affaires sur le Continent en général et sur la partie subsaharienne en particulier est loin d’être attractif ; le rapport « Doing Business » de la Banque mondiale l’avait toujours confirmé durant son existence. A cela s’ajoutent des contraintes structurelles : faibles capacités entrepreneuriales, insuffisance de l’offre de financement, coût des facteurs élevés, capacités managériales insuffisantes et forte concurrence du reste du monde, mondialisation oblige. Au regard de la durée de vie relativement courte des entreprises créées dans la sous-région et des nombreuses fermetures constatées, et en tenant compte de la profondeur des réformes à engager pour rendre l’entreprise africaine compétitive, il semble illusoire de laisser croire que le secteur privé formel constitue le principal moteur de création d’emplois dans un futur proche.
Renforcer les responsabilités de l’Etat en matière de création d’emplois : passer d’un État spectateur à un Etat acteur
L’Etat est aujourd’hui la structure la mieux organisée sur l’échiquier socio-économique de la plupart des Etats subsahariens. Il dispose notamment en effet, de moyens budgétaires relativement importants, de nombreux experts chevronnés, des pouvoirs législatifs et de contrainte (gendarmerie, armée, police etc..) et d’une organisation administrative plus ou moins décentralisée.
Les anciennes puissances occupantes en partant ont laissé en héritage un très mauvais modèle économique consistant à laisser entre les "mains" de l'État indépendant tous les leviers économiques, sécuritaires, budgétaires, d'aménagement du territoire et à lui demander paradoxalement de ne jamais s'immiscer dans la conduite des activités économiques. Cette hérésie n’a jamais été corrigée.
Dans un contexte de secteur privé formel faible exacerbé en ce qui concerne les pays de la zone franc par une monnaie forte arrimée à l’euro, ce facteur est l’un des principaux obstacles au développement de nombreux pays africains.
Paradoxalement, en Europe on note des participations publiques dans des banques, des compagnies d’assurance, des sociétés intervenant dans le logement, l’immobilier et la construction, et de nombreux secteurs industriels : automobile, défense et aéronautique, parapétrolier, technologies de pointe, santé, etc. Des exemples types sont la Ratp, la Sncf, Elf, Renault, Rhône poulenc aidés par le Gouvernement Français depuis des années.
Je sais par avance que des Cadres comme nous formés dans les universités occidentales et formatés à l'idée que "l'État doit rester uniquement dans son rôle d'organisateur global du système " vont être très surpris par mes positions. Mais je les ai toujours assumées.
Même s’il est unanimement reconnu de nos jours que l’Etat ne peut pas donner à tous de l’emploi, ce dernier devrait s’investir significativement dans le champ économique en contribuant activement à la création d’entreprises stratégiques et en valorisant les emplois d’utilité publique. Le temps est venu de passer d’un statut d’Etat entraîneur à celui d’Etat Capitaine ou encore d’un Etat spectateur à un Etat acteur. La crise sanitaire et celle russo-ukrainienne semblent renforcer cette tendance vers l’Etat providence stratège. La faiblesse structurelle du secteur privé notée ci-dessus et une analyse lucide du contexte économique international difficile commande un tel changement stratégique. En effet, le principal partenaire des pays de l’Afrique Subsaharienne, à savoir l’Europe, traverse actuellement une crise économique et financière dont l’ampleur impactera l’aide au développement et les flux de capitaux. La mondialisation de l’économie crée plus de distorsions en termes de compétitivité que d’opportunités à saisir. L’Etat doit, pour une fois, prendre ses responsabilités historiques en s’investissant plus et mieux dans la conduite des politiques économiques, s’il ambitionne de remplir correctement ses missions.
En revisitant l'histoire, on se rend compte que des nations pas des moindres (Etats Unis, Corée du Sud, Indonésie, Taiwan, Singapour, Hong Kong, Brésil, Danemark, France, Irlande) ont effectivement tenté une telle expérience. Rappelons que Roosevelt avec sa politique interventionniste du New Deal a beaucoup contribué à l’endiguement des effets néfastes de la grande dépression des années 29. De nombreux programmes visant à créer des emplois furent ainsi lancés dès 1933, comme celui des grands travaux, le Civilian Conservation Corps qui permit de recruter plus de 2 500 000 jeunes pour un salaire modique mensuel de 30 dollars dans des travaux de reboisement, de lutte contre l'érosion et les inondations. Ce programme, financé par des bons du Trésor, permit également de faire progresser l'instruction des jeunes grâce à des cours du soir. L'intérêt était double : éviter que ces derniers ne tombent dans la délinquance ou la pauvreté, et permettre de diminuer le chômage tout en offrant une source de revenus aux familles les plus directement exposées. L’administration Roosevelt entreprit également de protéger les agriculteurs contre les aléas du marché en distribuant des subventions fédérales et en contrôlant la production.
Dans des pays comme le Danemark ou la France, l’Etat dépense beaucoup au titre des indemnités de chômage jusqu'à 90% du dernier salaire dans le premier pays cité. Les dragons asiatiques (Corée du Sud, Taïwan, Singapour, Hong Kong) notamment, mais aussi l’Irlande, connaissent des taux de chômage faibles dus dans la plupart des cas, à la mise en œuvre de politiques de spécialisation dans des activités nécessitant beaucoup de main-d’œuvre. En Corée du Sud, par exemple, des firmes d'Etat se sont constituées dans tous les secteurs stratégiques : aciérie, électricité, télécommunications, réseaux ferrés et routiers, banque, eau et agriculture. Les Etats Subsahariens devraient désormais s’orienter vers de véritables politiques de traitement social du chômage au lieu de toujours attendre une croissance hypothétique qui de toute façon, absorbée par le taux de croissance démographique et mal répartie ne pourrait jamais permettre le décollage économique.
Passer d’une logique de gestion budgétaire à de véritables politiques économiques
Pour réussir une telle métamorphose, l‘Etat devrait avoir une vision et se comporter en véritable agent économique responsable, économe, soucieux de la bonne gouvernance et conscient des intérêts supérieurs de la Nation. Dans cette nouvelle stratégie, il est important de passer d’une gestion budgétaire constituée d’une simple compilation de projets à de véritables politiques économiques. Prenons le cas d’un pays comme le Sénégal où l’économie est complètement extravertie avec un modèle de consommation importée. Le pays produit très peu de ce qu’il consomme et transforme insuffisamment ses matières premières sur place. Cette structuration a été héritée de la colonisation ; la France, à l’époque, dans le cadre d’une véritable politique économique, ambitionnait en effet d’approvisionner ses industries oléagineuses, situées en Métropole, en arachides, culture de rente dont le Sénégal était le 3ème producteur mondial. Pour compléter cette dépendance, la principale denrée de consommation des Sénégalais, le riz était importé d’Asie. Comment un tel pays peut- il se développer dans un tel contexte ? Ce qui est vrai pour le Sénégal est valable, sous d’autres paradigmes, pour les autres pays sud sahariens également anciennes colonies. Une restructuration d’ensemble des politiques économiques est plus que jamais nécessaire afin d’enclencher de véritables dynamiques de croissance et de développement.
A défaut de pouvoir compétir de manière satisfaisante avec le reste du monde, une stratégie économique pourrait consister dans une première étape à privilégier l’organisation d’activités économiques de substitution aux importations avec l’Etat comme actionnaire de portage dans les sociétés à créer. Dans ce cas, l’Etat porterait momentanément ces actions en attendant d’identifier des investisseurs privés responsables qui pourraient se substituer à lui. Cette stratégie de la production locale des biens consommés qui présente l’avantage de pouvoir s’appuyer sur un marché CEDEAO de plus de 300 millions d'habitants, devrait s’accommoder d’une restriction progressive en matière de consommation importée et d’un minimum de politique de protection douanière.
Pour le premier axe, il s’agit pour l’Etat de fixer des limites d’importation afin de mieux soutenir les filières agricoles locales ; pourquoi dans les pays d’Afrique Subsaharienne, l’Etat ne limiterait pas par exemple, volontairement, les quantités de blé utilisées dans la fabrication de pain et les substituer par des céréales locales comme le maïs, le mil ou le niébé ? Cette nouvelle politique permettrait de limiter les subventions et de contribuer subséquemment à l’assainissement des finances publiques. En complément à cette politique de substitution aux importations, l’Etat devrait, autant que faire se peut, contrôler au mieux les entreprises évoluant dans les secteurs stratégiques comme l’eau, l’électricité et le téléphone. Il gagnerait aussi à contribuer à la création d’unités de transformation de matières premières locales en suscitant et en participant effectivement au capital des entreprises à créer. Sur un autre plan, la préférence nationale ou communautaire devrait être la règle dans les stratégies d’allocation des commandes publiques si l’on veut booster les industries locales.
Concernant le secteur particulier de l’agriculture, devenu, actuellement l’un des principaux domaines d’attraction des stratégies de création d'emplois, il doit être appréhendé avec prudence. L’agriculture est en effet un secteur difficile avec beaucoup de risques naturels et des problèmes de commercialisation. L’activité est pénible, peu rémunératrice sur de petites surfaces et intéresse très peu les institutions de financement. Dans ces conditions, nourrir l’ambition, en tant que Gouvernant, de drainer une bonne partie de la jeunesse vers ce secteur pourrait être assimilé à du rêve. C’est pourquoi il faut absolument dans un premier temps développer, à côté des stratégies de PPP, le salarié agricole avec l’Etat comme employeur. Les Etats devraient aussi mieux imposer fiscalement des entreprises fortement rentables évoluant notamment dans des secteurs comme les télécommunications, le tabac en vue de soutenir de manière plus conséquente l’emploi. La création d’instruments financiers de développement nationaux bien gérés comme les banques de développement, les fonds de prise de participation et les Fonds de garantie pourrait soutenir les politiques de création d’entreprises. Les Etats devraient aussi trouver de véritables moteurs de la croissance en diversifiant au mieux leur tissu économique.
Ils devraient aussi éviter de se suffire de ces solutions simplistes d'importation et de perception de droits de douanes. Sans effort réel sur la relance de la production locale, uniquement pour alimenter les budgets nationaux. Il est à noter que tant que les lobbies étrangers et leurs relais locaux, incrustés dans les sphères de décision et voraces de gains et de commissions, ne seront pas mis hors d'état de nuire, l'Afrique évidemment n'avancera pas. C'est ma ferme conviction !
Valoriser les « petits métiers » et forger la fibre de l'entrepreneuriat dès le bas âge
Nombreux sont les africains diplômés qui refusent de s’adonner localement à des métiers peu valorisés qu’ils arrivent pourtant à exercer ailleurs dans des pays d’émigration. Comment valoriser et rendre accessible les possibilités de travail ? L’exemple doit assurément venir d’en haut. Dans chaque Etat, devrait être organisée annuellement des journées de valorisation des petits métiers au cours desquelles, les principaux Responsables de l’Etat donneraient l’exemple. Aux Etats Unis, les emplois précaires sont plus facilement acceptés car la hiérarchie sociale et l’honorabilité sont moins problématiques ; ce qui n’est pas le cas dans beaucoup de pays d’Afrique subsaharienne. L’une des clefs de la réussite en matière d’emploi se trouve aussi dans la promotion de l'auto-emploi. De nombreux diplômés de l’enseignement supérieur préfèrent attendre un hypothétique emploi provenant de l’Etat, de surcroît faiblement rémunéré, plutôt que d’entreprendre.
L’exemple de jeunes diplômés sénégalais dans le secteur de la pêche qui m’a été raconté est éloquent et traduit réellement le peu de goût des jeunes diplômés africains pour la création d’entreprises. L’histoire concerne 240 diplômés supérieurs de la pêche au chômage depuis près d’une dizaine d’années, attendant de bénéficier d’opportunités d’emplois rémunérées dans l’Administration ou le secteur privé. Pourtant avec le potentiel halieutique du Sénégal (720 km de côtes et plusieurs variétés de poissons), il aurait fallu simplement que ces diplômés imaginassent des solutions simples comme le conditionnement d’algues sauvages à vendre comme aliments de bétail. Il conviendra de tout mettre en œuvre afin d’inculquer aux jeunes africains la fibre entrepreneuriale depuis le bas âge en intégrant des modules de création d’entreprises depuis les programmes préscolaires.
Vivement une gestion budgétaire tournée vers la création d’emplois
Les seules politiques économiques sont insuffisantes pour résoudre les problématiques du chômage. Il faut de nouvelles alternatives audacieuses. Au niveau de l’Administration proprement dite, l’Etat ne devrait en aucun cas lésiner sur les moyens pour maintenir un rythme annuel de recrutement dans la fonction publique et remplacer systématiquement les partants à la retraite quelle que soit l’opinion des Institutions de breton Wood. Cela bien évidemment suppose que l’Etat arrête le gaspillage de ressources publiques et choisit au mieux ses priorités.
Par ailleurs, dans un continent où tout reste à faire, il est important de dérouler des programmes générateurs d’emplois. L’Etat a pour mission de d’identifier les vrais besoins de la collectivité en termes de services publics et relancer les travaux d’intérêts collectifs. Que de choses à faire dans le reboisement, la lutte contre les feux de brousse, l’embellissement des villes par des espaces verts, l’assainissement, la prévention des maladies, la sécurité de proximité, le maraîchage, l’alphabétisation, la collecte des ordures, la sensibilisation en matière d’économie d’énergie. Les déguerpissements des marchands ambulants exacerbent le chômage dans nos villes. Les marchés en effet sont de véritables lieux de création d’emplois. Dans certains pays, le secteur informel pèse jusqu’à plus de 50% du PIB. Nous invitons les collectivités locales à engager une réflexion soutenue sur le type de ville dont elles ambitionnent l’avènement, sans forcément devoir copier le modèle occidental.
Les conditions de la réussite de l’Etat Acteur
Une bonne réussite de l’Etat acteur suppose quelques préalables : le premier consiste pour l’Etat à mener en interne des réformes en profondeur pour se doter de véritables capacités d’entrepreneur et de manager. Cela suppose bien entendu l’avènement d’un nouvel état d’esprit privilégiant la démarche stratégique dans la conduite des affaires publiques : décliner une vision, cerner sans cesse les menaces et opportunités de l’environnement, diagnostiquer les forces et faiblesses de du pays, se fixer des objectifs mesurables et renforcer les logiques de contrôle/sanction. L’Etat acteur doit être économe, soucieux de la bonne gouvernance et volontariste dans ses choix stratégiques.
Ces centaines de millions d’euro consacrés annuellement à la réalisation d’études et à l’organisation de séminaires de formation sur des thèmes dont les solutions ont déjà été trouvées depuis longtemps gagneraient à être utilisés utilement au profit de l’emploi ; la problématique n’est pas de former pour former mais de donner plus de valeur aux économies. Cette même remarque est valable pour les opérations de recensement de la population qui bien que décennales dans certains pays englobent des sommes faramineuses ; 21 milliards de FCFA (environ 32 millions d’euro) pour une opération de ce genre en cours dans un des Etats subsahariens. De manière plus large, ce sont les stratégies fiscales et douanières qui devraient être revisitées en profondeur afin de mieux optimiser les recettes de l’Etat : taxer les entreprises situées dans des secteurs de rentes, trouver un moyen souple et pédagogique d’élargir la base fiscale par l’intégration du secteur informel dans les circuits économiques officiels.
La deuxième condition pour réussir le pari d’un l’Etat acteur capable de mener à bien ses projets économiques créateur d’emplois consiste à rassembler le maximum de compétences dans la conduite et la gestion des projets. Pas forcément uniquement des fonctionnaires de l’Etat pour animer ces derniers. Il peut être sollicité les corps sociaux les mieux organisés. Certains pays africains renferment dans l’Armée un vivier important de talents disciplinés, et de compétences insoupçonnées. Sur un autre plan, pour que les projets soient efficaces, l’Etat acteur doit, pour des considérations de synergie, s’appuyer sur des associations naturellement constituées comme les différentes congrégations religieuses ainsi que les groupements d’intérêt économique existants et privilégier les partenariats public-privé dans le cadre d’une coopération gagnant-gagnant.
Renforcer les capacités financières de l’Etat revient aussi à trouver une solution à la problématique du gaspillage de ressources publiques en agissant notamment sur la taille de schémas institutionnels budgétivores et inefficaces et en contrôlant au mieux la qualité de la dépense publique. Les Etats devraient enfin opter pour un choix clair en faveur de la production et de l’emploi en lieu et place de la solution simpliste de collecte de recettes douanières.
Magaye GAYE
Economiste International
Professeur à l’Institut Supérieur de Gestion de Paris
Tél 00221 77 245 0758
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