Neuf morts, plus de quinze disparus et cinq rescapés
Quelques jours après avoir enterré un jeune pêcheur repêché aux larges de la mer de Saint-Louis, Guet Ndar vient de perdre neuf de ses fils dans un accident intervenu samedi matin à hauteur de la brèche creusée par le régime libéral , en 2003, pour lutter contre les inondations. Plus d’une quinzaine de pêcheurs ont disparu dans les eaux froides de la mer. Le drame est intervenu, suite à une collision entre trois pirogues.
Samedi 23 mars, 8h du matin. Des pêcheurs, à bord de trois pirogues différentes, veulent franchir la brèche, après des nuits de pêche en haute mer. Un brouillard épais entoure les lieux, alors que souffle un vent très fort. Dans cette atmosphère apocalyptique, chaque équipage se précipite pour se mettre à l'abri, sur la terre ferme. Alors l'irréparable se produit. Deux «pirogues de marée», l’une appartenant à Aymérou, l’autre à Idrissa Seck, mort sur le coup, entrent en collision. Les moteurs des pirogues se brisent et s’accrochent aux mailles des filets de pêche, tandis que les embarcations vacillent. La houle est très haute. Avec cette visibilité nulle, arrive une troisième pirogue qui heurte les deux. Les équipages basculent dans les eaux. La basse température, à ce niveau de la brèche, empêche les pêcheurs de nager. Ils sont victimes de crampe. Cinq pêcheurs échappent à la furie de la mer. L’alerte est donnée, quelques minutes après, par les survivants.
9h à Guet Ndar. Des cris stridents déchirent le calme du village traditionnel des pêcheurs. Nous sommes à Guet Ndar Lodo, à l’avenue Lamotte à la rue Bacr Waly Guèye. Ici habite Idrissa Seck, propriétaire des deux pirogues et capitaine de l’embarcation. Sa mort est annoncée. Ses femmes, ses enfants ont dû mal à accepter la triste nouvelle. ''Ce n’est pas possible, il est le meilleur capitaine de Guet Ndar», lance un sexagénaire. En cette matinée brumeuse, les sirènes des ambulances des sapeurs-pompiers, du SAMU et de la mairie de Saint-Louis déchirent l'air et réveillent tout le voisinage. Deux corps sont repêchés. Ils sont âgés entre 17 ans et 20 ans.
«En un an, près de trente personnes sont mortes, en voulant traverser cette brèche»
10h à la brèche. Les sapeurs-pompiers commencent les opérations de sauvetage, des corps sans vie sont récupérés. Les curieux se massent sur la plage. Les 5 survivants sont assaillis par les parents et les journalistes. Les témoignages sont poignants. Parents, amis et proches des victimes versent des larmes. Les ambulances commencent à acheminer les corps vers l’hôpital.
12h à la morgue de l’hôpital de Saint Louis. Les deux premiers corps sans vie sont descendus de l’ambulance des sapeurs-pompiers. S’ensuivent sept autres. Les proches commencent à rallier la morgue de l’hôpital où sont déjà présentes les autorités administratives et politiques de la ville de Saint-Louis. La sécurité est renforcée. Infirmiers et médecins viennent en renfort. Les survivants sont entre les mains des hommes en blouse blanche. Mais on déplore le manque de couvertures pour ces pêcheurs qui grelottent, à cause du froid attrapé en mer. Ameth Fall Braya, candidat à la mairie, étreint par l'émotion, élève la voix pour demander à l’État de fixer la brèche avant qu’elle ne vide Saint-Louis de ses populations. «En un an, près de trente personnes sont mortes, en voulant traverser cette brèche», révèle-t-il.
14h. Guet Ndar se mobilise pour chercher les autres victimes. Les familles commencent à s'acquitter des formalités pour récupérer les corps sans vie des pêcheurs gardés à la morgue. Des cars se succèdent à la chambre mortuaire pour prendre leurs parents.
Dimanche 24 mars, 10h à la mosquée de Guet Ndar. Une foule immense se masse à la mosquée. Des cercueils sont allongés le long de la route pour y placer les corps. Les versets du Coran sortent des haut-parleurs de la mosquée. L’imam dirige la prière mortuaire pour les victimes habitant à Guet Ndar. Les autres corps sont acheminés vers leurs villages respectifs. Les gens s'en remettent à Dieu, en rendant grâce au Tout-Puissant. Le cimetière de Guet Ndar ouvre ses portes. Un à un, on commence à mettre sous terre les corps. Des cris fusent de partout. Les imams sermonnent les proches et familles des victimes. Ces derniers restent inconsolables.
Fara SYLLA
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