CONFLIT DANS LE NORD-MALI, RETRAIT DE LA MINUSMA
Le front Nord au bord de l’embrasement
L’offensive de l’armée malienne dans le Nord-Mali a donné lieu à une escalade de la violence autour des bases de la Minusma qui a débuté son désengagement dans la région de Kidal. Un retrait définitif des troupes onusiennes pourrait être le prélude d’une explosion de violence dans cette partie du Mali qui doit aussi faire face à la présence de djihadistes : Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans au Sahel (GSIM) et l’État islamique au Sahel (EIS).
L'offensive militaire malienne dans le Nord-Mali risque d’accentuer la crise sécuritaire dans le pays. Le convoi malien est composé de près de 200 véhicules majoritairement blindés, d’avions et de drones armés et de surveillance. Le convoi est aussi composé de plusieurs centaines de militaires maliens et de mercenaires Wagner qui se sont emparées de la localité d’Anefis, ville stratégique sur la route vers Kidal et Aguelhok, le 9 octobre dernier. L’offensive vers Kidal a été lancée le 2 octobre dernier, après l'annonce du report sine die de l'élection présidentielle initialement prévue en février prochain. Elle entend rétablir l’autorité de l’État central malien dans la région de Kidal, bastion des rebelles touaregs.
Ainsi, après avoir quitté Gao, le 2 octobre, l’armée a évolué vers le nord en direction de Kidal dans le cadre d’une opération qualifiée de “processus d'occupation irréversible des terres maliennes” par le porte-parole de l'armée, le colonel Souleymane Dembélé. Cette progression a déclenché une démarche de riposte des rebelles réunis au sein du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD).
Dans la foulée, les rebelles touaregs ont annoncé la prise d’un nouveau camp de l’armée, à Taoussa, entre Bourem et Bamba, dans la région de Gao. Depuis le début des hostilités entre l’armée malienne et les ex-rebelles touaregs, le camp militaire de Taoussa est le cinquième attaqué par les membres du CSP-PSD après ceux de Bourem, Léré, Dioura et Bamba. Les rebelles, après avoir attaqué ces camps, prennent des matériels sur place tout en constituant des prisonniers, une manière de marquer leur passage. Les ex-rebelles du CSP accusent l’armée malienne de non-respect des clauses de l’accord de paix de 2015 qui avait poussé les Touaregs à déposer les armes dans le nord du Mali.
Cette poussée de l’armée malienne, soutenue par les supplétifs de Wagner, semble vouloir prendre de vitesse le désengagement de la Minusma des bases d’Aguelhoc et de Tessalit, dans la région de Kidal, qui a débuté le 16 courant. Ces deux bases, tout comme celle de Kidal que la Minusma doit quitter entièrement le mois prochain, sont convoitées par l’armée malienne et par les rebelles du Cadre stratégique permanent (CSP).
Déjà, le départ des forces de la Minusma des bases opérationnelles de Ber, Sévaré et Gao, en août dernier, avait conduit à des affrontements entre les soldats maliens et les rebelles touaregs qui revendiquent la possession de ces camps au nom des accords d’Alger. La Minusma, sous la pression des deux belligérants, a décidé d’accélérer son plan de retrait de ses bases du Nord-Mali initialement prévu en fin d’année 2023. De ce fait, le départ définitif des troupes onusiennes pourrait être le point de départ d’une nouvelle flambée de violence dans la région de Kidal considérée comme le fief de la CSP.
Une stratégie de ‘’reconquête’’ face au risque d’une montée du djihadisme dans le Nord-Est
Aujourd’hui, le gouvernement de transition semble vouloir faire la guerre au CSP pour lui reprendre le contrôle de l’ensemble du Nord-Mali. Néanmoins, cette stratégie de ‘’reconquête’’ de l’armée malienne des bastions touaregs peut s’avérer, à terme, contreproductive, dans la mesure où il semble ouvrir la voie au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) qui encercle quasi entièrement les villes de Tombouctou.
Par ailleurs, cet effort conséquent de l’armée malienne vers le Nord-Mali semble aussi ouvrir la voie à l’État islamique au Sahel (EIS) dans la région de Ménaka et vers la région des trois frontières Burkina Faso, Mali et Niger. Depuis leurs bases, les djihadistes pourraient aussi profiter du vide sécuritaire pour se déployer dans le centre du pays.
Le Mali a adhéré à la nouvelle Alliance des États du Sahel (AES) en compagnie du Burkina Faso et du Niger, le 16 septembre dernier. Ce nouveau cadre doit assurer à l’armée malienne une structure capable de coordonner les actions antiterroristes des armées du Sahel.
Mais Bakary Sambe, Directeur du Timbuktu Institute, semble sceptique sur l’efficacité de cette offensive de l’armée malienne. D’après le chercheur, cette offensive militaire doit surtout permettre aux autorités de transition de justifier leur maintien au pouvoir. ‘’Les autorités ont besoin de galvaniser le sentiment national, le discours militaro-populiste, pour dire à la population malienne que si elles s'engagent dans cette guerre au Nord, c'est bien pour la libération du pays et que cet impératif de sécurité serait prioritaire par rapport au calendrier électoral et au calendrier de la transition négocié avec la CEDEAO’’, indique-t-il.
Amadou Fall
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