Publié le 25 Jun 2025 - 16:35
CONFLIT IRAN-ISRAËL

Trêve fragile

 

Alors que la trêve entre Israël et l’Iran s’effrite, le président américain Donald Trump s’invite un peu plus dans la crise en dénonçant la poursuite des bombardements israéliens et en revendiquant la destruction des sites nucléaires iraniens par les États-Unis. Sur fond de confusion diplomatique, de financements controversés à Gaza et de tensions régionales, le conflit prend une tournure de plus en plus trouble, mêlant affrontements militaires, opérations humanitaires douteuses et jeu d’influence à haut risque.

 

La guerre éclair entre l’Iran et Israël, déclenchée le 13 juin, semble avoir franchi un nouveau palier, mêlant ripostes armées, diplomatie brouillonne et révélations embarrassantes. Alors que la communauté internationale peine à obtenir un cessez-le-feu durable, le président américain Donald Trump s’est imposé au cœur du dossier en multipliant les déclarations tonitruantes.

Dans un contexte de trêve fragile, Trump a dénoncé la poursuite des bombardements israéliens : ‘’Je suis vraiment mécontent d’Israël. Ramenez vos pilotes à la maison maintenant !’’

Trump, qui revendique la destruction des installations nucléaires iraniennes par les États-Unis comme un ‘’grand honneur’’, se targue également d’avoir mis un terme à une guerre qu’il impute clairement à Israël. Cette rhétorique marque une inflexion inédite de la part d’un responsable américain, d’autant plus que le président prend ses distances avec l’attitude offensive de Tel-Aviv tout en adoptant une posture de faiseur de paix.

Dans les coulisses, les États-Unis ont discrètement transféré 30 millions de dollars à la fondation humanitaire de Gaza (GHF), un groupe controversé accusé de complicité dans des embuscades orchestrées par l’armée israélienne. Le GHF, créé en février, aurait détourné des convois humanitaires pour attirer des civils vers des zones de distribution ensuite bombardées par les forces israéliennes. Ces faits ont été dénoncés par la rapporteuse spéciale de l’ONU, Francesca Albanese, qui parle de ‘’camouflage humanitaire’’ et de ‘’tactique essentielle de ce génocide’’.

L'implication américaine dans le financement du GHF, en dépit de ces accusations, suscite une onde de choc dans les milieux diplomatiques et humanitaires. Selon Reuters, Washington a confié à des entreprises militaires et logistiques privées la mission d’acheminer l’aide, semant la confusion entre actions humanitaires et opérations militaires. Cette collusion entre diplomatie, philanthropie armée et opérations de terrain fragilise encore davantage la crédibilité des États-Unis au Proche-Orient.

Sur le terrain diplomatique, Trump continue de capitaliser sur sa posture de décideur unique. Il a publié sur Truth Social un message reçu de Mark Rutte, secrétaire général de l’Otan, saluant son ‘’action décisive’’ contre l’Iran : ‘’Cela nous rend tous plus sûrs’’, aurait écrit Rutte, selon la capture d’écran partagée. Une manœuvre habile de communication qui le place en figure centrale de la désescalade.

Pendant ce temps, le Conseil de coopération du Golfe (CCG) a durci le ton. Il a fermement condamné l’attaque iranienne contre la base aérienne d’Al Udeid au Qatar, où sont stationnées des troupes américaines. Selon le CCG, cet acte constitue une ‘’violation dangereuse’’ des normes internationales.

Dans la même veine, le bloc a également exigé un cessez-le-feu immédiat à Gaza, accusant Israël de ‘’massacres de civils’’ et d’entrave à l’acheminement de l’aide.

Dans un communiqué qui sonne comme un appel à la realpolitik, le CCG a tout de même salué les efforts de Trump pour faire cesser le feu entre l’Iran et Israël. Le paradoxe n’échappe à personne : les mêmes pays qui dénoncent l’attaque iranienne contre une base américaine encouragent l’action diplomatique d’un Trump qui, quelques jours plus tôt, se félicitait d’avoir ordonné la destruction de sites nucléaires iraniens.

Gaza, théâtre d’une aide humanitaire sous surveillance et d’accusations croisées

La situation à Gaza reste désastreuse. Les bombardements israéliens, malgré les appels à la retenue, continuent. Les hôpitaux sont saturés, l’aide peine à entrer, et les civils sont pris en étau entre la violence armée et l’instrumentalisation de l’humanitaire. Le financement de la GHF par les États-Unis, au lieu de renforcer l’aide aux populations, soulève des interrogations sur l’agenda réel de l’Administration américaine, voire sur une stratégie de guerre hybride qui ne dit pas son nom.

Enfin, la région reste sous tension extrême. L’Iran, qui revendique encore sa capacité de riposte, garde un œil sur les mouvements israéliens et américains dans le Golfe. Israël, isolé diplomatiquement depuis la prise de distance de Washington, tente de convaincre ses alliés européens de maintenir la pression sur Téhéran. Mais la fracture entre les partenaires historiques est bien là. Et l’offensive diplomatique de Trump, mêlant blâmes et louanges, pourrait à terme rebattre les cartes d’un conflit qui, depuis trop longtemps, échappe à toute logique de paix durable.

Dans cette guerre où les lignes de front sont aussi brouillées que les postures diplomatiques, la parole semble parfois plus lourde de conséquences qu’un missile. Tandis que les populations civiles paient le prix fort, les puissances rivalisent de calculs stratégiques, entre accusations croisées, initiatives unilatérales et hypocrisie diplomatique. La paix, elle, reste introuvable — prise en otage entre les ambitions, les égos et le vacarme des bombes.

AMADOU CAMARA GUEYE

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