Ces congressmen qui veulent punir le Sénégal
Suite à l'adoption d'une résolution des Nations unies contre les colonies israéliennes dans les territoires palestiniens occupés, certains membres du Congrès ont présenté une série de projets de loi visant à montrer leur soutien à Israël. L'un de ces projets de loi a pour but d’empêcher le Sénégal de bénéficier de l'aide au développement américaine, pendant deux ans. Ainsi, cette aide sera redirigée vers le Rwanda et l'Ouganda, conséquence directe de la brouille entre Israël et le Sénégal qui a coparrainé la résolution 2334 des Nations unies.
On sait désormais que le projet de loi qui a été soumis au Congrès par Mark Meadows, un Républicain du Congrès de la Caroline du Nord, a tout l'air d'un retour de politesse à des parrains politiques israéliens. Lors de sa campagne, Mark Meadows a en effet reçu beaucoup de fonds de groupes pro-israéliens. D’ailleurs, le congressman fait plus que de l'activisme débordant en faveur d'Israël. Il coparraine actuellement un projet de loi de Ted Budd, un autre Républicain du Congrès de Caroline du Nord, pour couper l'aide américaine destinée aux territoires palestiniens afin de la redonner à l'armée israélienne.
C'est pourquoi beaucoup d'observateurs croient que le projet de loi est plus un message en direction des autorités sénégalaises qu'autre chose. Car, bien qu'il n'ait reçu pratiquement aucune couverture dans les médias en langue anglaise, il a obtenu l'attention des publications sénégalaises qui ont vite fait le lien entre la position pro-israélienne de Meadows et la résolution onusienne coparrainée par le Sénégal. D'autre part, une série de projets de loi présentés au Congrès sous l'administration Trump ont de fortes chances de ne jamais être adoptées, à cause de l'agenda politique très soutenu sur les questions d'intérêts domestiques.
"Il est peu probable que cette loi passe’’
Miriam Frost, une expatriée américaine travaillant dans le développement communautaire au Sénégal, s’en offusque. "A première vue, c'est vraiment choquant. Beaucoup de gens sont assez surpris et craignent d'être touchés", dit-elle. Selon Mme Frost, "il est peu probable que cette loi passe. Mais, c'est inquiétant, dénonce-t-elle, qu'une idée de punir un pays soit mise en avant, parce que ce pays a simplement exercé sa liberté de parole pour dire ce qu'il pense. C'est donc incompréhensible qu'on en arrive à devoir lui retirer l'aide au développement".
Aux Etats-Unis, certains restent persuadés qu'une telle stratégie de harcèlement peut s'avérer contre-productive. C'est le point de vue que partage Ann Vaughn, directrice des politiques et du plaidoyer à Mercy Corps, une organisation non gouvernementale humanitaire américaine, présente dans les crises liées à des catastrophes naturelles, aux crises économiques ou à des conflits. "Lorsque ces projets de loi sont axés sur une seule question triviale, ils minent nos enjeux les plus importants en matière de stratégie de sécurité nationale", déclare Mme Vaughn. "Cela signifie que nous devons un peu plus éduquer nos législateurs, à tous les niveaux, sur les avantages et les besoins les plus pressants du développement et de l'aide humanitaire."
Et mieux, explique Ann Vaughn, étant donné qu'un tel projet de loi est loin de devenir une réalité, il n'y a aucune raison de s'alarmer à ce stade. "Un projet de loi de cette nature aurait dû être l'objet d'une discussion avec le Département d'État, l'ambassade du Sénégal à Washington et l'Agence américaine pour le développement international afin de se faire une idée de la nature du travail déjà effectué dans le pays", explique-t-elle. Or, on sait que Meadow n'a sollicité aucun conseil au Département d'Etat, à l'USAID ou à l'ambassade du Sénégal à Washington D.C, ajoute-t-elle.
C'est pourquoi, indique Miriam Frost, l'acte même consistant à proposer une loi pour couper l'aide au Sénégal envoie des frissons dans le monde du développement communautaire. "Il y a, en plus, beaucoup d'indignation sur le fait que l'aide dont on parle, il n'en est rien’’, souligne Frost. Selon qui, "l'aide véritable n'est pas utilisée à des fins politiques, ni pour récompenser ou punir certains pays."