La Commission des délégations, un grand fantôme
Chargée de l'exécution des lois votées par l'Assemblée nationale, la Commission des délégations poursuit sa somnolence entamée sous les Libéraux et se moque de la rupture décrétée par le nouveau pouvoir, malgré la bonne volonté d'une présidente qui a «envie de travailler».
Parmi les 11 commissions que compte l'Assemblée nationale, la Commission des délégations se distingue des autres par son manque d'activité depuis l'installation de la douzième législature il y a huit mois. Cette commission qui, en temps normal, doit se charger de l'évaluation et du contrôle de l'exécution des lois votées par l'Assemblée nationale, demeure inopérante malgré l'élection de ces 20 membres et la mise à leur disposition de tous les avantages y afférents.
Selon Awa Diagne, sa présidente, ''cette commission n'a jamais été fonctionnelle durant toutes les législatures passées''. ''En réalité, elle ne s'est jamais réunie durant la précédente législature'', confirme l'ancien député libéral et ancien membre de cette commission, Gallo Ndiaye. Ce qui signifie qu'il n'y a eu aucun travail d'évaluation et de suivi de l'exécution des différentes lois votées par le Parlement.
Aujourd'hui, en dépit du discours ambiant sur la «rupture», le laxisme persiste à ce niveau malgré la volonté de la députée de Tamba. «Quand je suis venue demander s'il y avait des documents sur lesquels je pourrais me baser pour travailler, on m'a dit qu'il n'y en avait aucun, car la commission n'a jamais siégé», se plaint-elle. Néanmoins, Awa Diagne affirme avoir tenu deux réunions. Pour la première, Djibril War, Thierno Bocoum, Moustapha Diakhaté, Khady Diédhiou, Mouhamed Tété Diédhiou, entre autres, n'ont pas répondu à l'appel. Pour la deuxième, consacrée à l'élaboration d'un «plan d'actions», seuls Moustapha Diakhaté, Oulèye Diao, Mbayang Gaye Dione, Diya Kanté, Marième Kane et Lucie Cissé (en tant que bonne volonté), ont daigné venir. Néanmoins, un rapport a été produit et déposé sur la table du président de l'Assemblée nationale. «Il n'a pas encore réagi», dit-elle.
Aujourd'hui, la Commission de délégation ne dispose d'aucune feuille de route pour exécuter sa mission. Pourtant, l'article 27 du Règlement intérieur de l'Assemblée nationale mentionne que cette commission «(...) prend des délibérations sur les affaires qui lui sont renvoyées par l'Assemblée nationale, dans les limites de la délégation qui lui est donnée conformément aux dispositions de l'article 65 de la Constitution». Puis, l'article 28 stipule qu'elle «(...) se réunit sur convocation de son président, chaque fois que l'Assemblée nationale lui donne délégation et que cette délégation prend la forme d'une résolution dont le président de la République est immédiatement informé».
Dans la pratique, la réalité est tout autre. ''L'Assemblée nationale ne joue pas pleinement son rôle car c'est elle qui doit nous transférer des lois d'après le règlement intérieur», fulmine la député Awa Diagne. Qui informe avoir rencontré le ministre de la Fonction publique et des Relations avec les institutions pour qu'il saisisse les différents départements ministériels concernés. L'objectif est de voir comment mettre en vigueur les cinq lois déjà votées par l'Assemblée nationale et qui attendent d'être appliquées. «Nous voulons que l'Assemblée nous délègue le travail que nous avons à faire», insiste-t-elle non sans préciser : «Moi, j'ai envie de travailler.»
Selon le Pr Babacar Guèye, agrégé de droit constitutionnel, «l'activité de cette commission aurait permis de faire appliquer les cinq lois déjà votées par l'Assemblée nationale'', dit-il, en rappelant qu'«il y a des lois qui ont été votées et qui n'ont jamais fait l'objet d'application».
ASSANE MBAYE