Lorsque se vacciner devient un devoir civique
Le but visé par toute vaccination est de favoriser la production d'anticorps et de cellules aptes à attaquer et détruire un virus. Pour atteindre cet objectif, de grandes firmes et fondations biopharmaceutiques se sont lancées dans une course effrénée pour la découverte du premier vaccin anti-Covid. Ce qui explique que cette « compétition mondiale » est à la fois de l’ordre de la quête de notoriété et de souveraineté des États, mais aussi d’un besoin certain d’accumulation de capitaux. Ainsi, dès le début du mois de décembre 2020, 11 vaccins avaient atteint la phase 3, c’est-à-dire, l’étape d'expérimentation précédant la mise en marché.
Un classement scientifique a permis de les regrouper en quatre grands types de vaccins : les vaccins à ARN messager avec les laboratoires Pfizer/BioNTech (Etats-Unis/Allemagne) et Moderna/Niaid (États-Unis) ; les virus modifiés ou recombinants intéressant les laboratoires Johnson et Johnson (États-Unis), AstraZeneca (Royaume-Uni) et Spoutnik V (Russie) ; les virus inactivés avec Sinopharm/Sinovac (Chine) ; et enfin les protéines recombinantes avec les firmes Novavax (États-Unis) et Sanofi GSK (France, Royaume-Uni).
Toutes ces découvertes et les fruits attendus de leur commercialisation sont en train de redessiner la géopolitique mondiale. Il s’ensuit une compétition alimentée par une intense campagne d’information et de désinformation d’un niveau rarement atteint et jamais soupçonné, créant une large brèche où se sont engouffrés les mouvements anti-vaccins et les complotistes en tous genres. Aussi, le monde s’est-il divisé en deux camps : les pro-vaccins et les anti-vaccins. Mais, cette méfiance ressentie au niveau des populations est-elle vraiment justifiée ? Y a-t-il moins de risques en optant pour l’inoculation qu’en la rejetant ?
Les Sénégalais sont informés certes, mais pour la plupart du temps, la diversité et la crédibilité des canaux d’information expliquent le retard dans la réaction ou l’absence même d’adhésion à certaines décisions des autorités. C’est bien l’effet d’annonce obtenu bien avant la déclaration du Chef de l’État faisant état d’une imminente acquisition de vaccins par le Sénégal. C’est la raison pour laquelle le Président Macky SALL a instruit les différents ministres concernés par la lutte contre la propagation de la pandémie, de mettre en place dans les meilleurs délais, une stratégie nationale de vaccination aux fins de procéder aux choix entre les types de vaccins proposés par les géants pharmaceutiques en concurrence. En prenant cette décision, le Président de la République a bien voulu faire appel à notre responsabilité solidaire, dans un climat de confiance et de transparence.
Gouverner c’est véritablement prévoir ce qui va arriver aux fins de recommander toute conduite à tenir. Les types de vaccins proposés n’ont pas les mêmes caractéristiques. L’État du Sénégal devra choisir un ou des vaccins selon le type, sur la base de leur facilité de stockage, de la conservation (-80° au moins), de la tranche d’âge pour laquelle ils s’avèrent efficaces, de leur accessibilité, etc.
Au même moment, les militants anti-vaccin tentent tous les jours de développer des stratégies tendant à saper la dynamique d’une bonne campagne de vaccination. Des vidéos et des témoignages, à dormir debout, souvent complétement décontextualisés, surgissent de nulle part, pour corroborer cette thèse. Toutefois, les sénégalais savent que sur un rapport dangerosité et efficacité, ils en tireront le plus grand bénéfice sanitaire de se faire vacciner. Ils sont sans ignorer que l’inoculation d’un vaccin avait permis par le passé, de supprimer carrément certaines maladies, et d’en maîtriser beaucoup d’autres. Des noms comme Edouard Jenner, Louis Pasteur, Albert Calmette et Camille Guérin, sonneront ainsi comme des sauveurs de l’humanité. Aujourd’hui, lorsqu’on pense à la variole, la diphtérie, la poliomyélite, la rougeole, la tuberculose et bien d’autres, on se rend compte que « l’histoire de la vaccination est jalonnée de réussites ». Les sénégalais ne peuvent pas fermer les yeux sur ces conquêtes sanitaires. C’est grâce à la vaccination que l’humanité a pu venir à bout de beaucoup de maladies.
Ces murmures anti-vaccin qui continuent de s’enfler, et qui s’amplifient ces derniers jours dans notre pays, projettent d’inhiber les efforts du gouvernement à contrer la propagation du virus SARS COV 2. D’ailleurs, même si ce parfum de méfiance est compréhensible compte tenu de l’histoire de la vaccination en général, nous ne saurons le cautionner. On le sait que trop bien, c’est parce que l’histoire des vaccins a suscité beaucoup trop de « pourquoi » et pas assez de « parce que ». Cette même histoire nous enseigne qu’en 1925 en France, le lancement des premiers vaccins contre la Diphtérie n’avait pas réussi à ralentir sa vitesse de propagation. On ignore encore pourquoi, mais pour la variole comme pour la diphtérie, les autorités des différents pays avaient donné l’impression d’avoir caché sciemment les différentes informations liées à la prolifération de ces maladies au moment où la logique voudrait qu’elles reculent.
Dans la même veine, à la fin de Première Guerre Mondiale aux Philippines, les mois qui ont suivi les vaccinations de masses contre la variole ont été émaillés de flambées des cas de contamination. Plus proche de nous en temps et en lieu, l’Afrique de l’Ouest a vécu une épidémie de méningite entre 2009 et 2010. Quatorze pays ont été touchés et, pourtant, malgré les campagnes de vaccination, une recrudescence des cas a été enregistrée sous une coupable omerta des autorités concernées.
Toutefois, dans les cas précités, y avait-il une relation de cause à effet entre l’inoculation préventive et les infections relevées ? Fallait-il incriminer la façon dont les vaccins avaient été administrés ? Quel était le niveau de fiabilité des instances de validation de l’innocuité de ces vaccins ? Autant de questions qui recommandent légitimement de doubler d’attention face à ce problème.
En tous les cas, le constat est là. La confusion persiste. Mais, « la vérité sort plus facilement de l’erreur que de la confusion », a-t-on l’habitude de dire. Les populations sont dès lors en droit de se poser les mêmes questions qu’avant. Partout dans le monde, la peur corrélée à la méfiance généralisée continue d’alimenter les accusations de concussion entre les autorités étatiques et les laboratoires biopharmaceutiques, parce que souvent ces dernières s’intéresseraient plus à la mercatique qu’au bien-être. Mais, qu’elles soient toutes cotées en bourse ne nous empêche en rien de nous poser les bonnes questions.
Du reste, nous notons comme avec les « maladies vaincues », que les mêmes erreurs de communication et hésitations dans les prises de décisions continuent d’émailler la gestion de la Covid-19 : la disponibilité des masques de protection, l’efficacité avérée ou pas de certains médicaments, la multiplicité des remèdes à l’efficacité douteuse proposés ça et là. C’est dans ce flou que s’invitent les complotistes et les militants anti-vaccins, mais aussi d’éventuelles fausses études.
La Science reste sourde et poursuit ses efforts de recherche et son acharnement à toujours aller plus loin. Il est d’ailleurs heureux de constater la fusion d’entreprises de renommée mondiale comme GlaxoSmithKline/ CureVac, preuve sans conteste qu’au-delà d’un bénéfice certain qui sera tiré de la commercialisation, se trouve le pas de géant effectué par la Science, une énième victoire de la connaissance sur l’ignorance. Rappelons que le géant britannique GlaxoSmithKline (GSK) vient de lancer une aventure avec la firme allemande pour revenir dans la course au vaccin. Cette alliance GSK/ CureVac est en train de produire un vaccin qui serait efficace contre plusieurs variants à la fois. Le défi pour la Science n’est-il pas aussi aujourd’hui d’apporter une réponse forte à la lutte contre une diversité de variants en même temps ?
En dernière analyse, nous estimons que le vaccin contre le Coronavirus, quel que puisse être le type, est l’épée qui pourrait nous débarrasser de ce virus assassin qui continue de nous narguer avec tant de violence. Notre plaisir est d’autant plus grand et fort qu’une lueur de confiance et d’espoir est en train de raviver notre moral, notre bien-être. Renait aussi l’espoir de pouvoir honorer nos morts, nos naissances, et même notre façon de souffler sur nos gâteaux d’anniversaires. Nous le savons bien, aucun vaccin n’a jamais été efficace à 100%. Ainsi, l’irruption du coronavirus aura poussé les chercheurs à se lancer aux trousses de tous ces virus à ARN (acide ribonucléique) tels que ceux de la dengue, du chikungunya, du coronavirus ou de la rougeole, qui ont hanté le sommeil des populations africaines. Il est donc temps de nous poser la question suivante : y a-t-il plus de danger à se faire vacciner qu’à vivre sans vaccin ? Le moment venu, nous pensons que la majorité des sénégalais sauront choisir entre l’immunité et la vulnérabilité.
Lamine Aysa FALL
– Thiès nord -