Une journée pour ‘’dissiper les malentendus’’
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Pour le Comité national pour le salut du peuple et le mouvement M5-RFP de l’imam Mahmoud Dicko, la journée du samedi a permis de remettre les pendules à l’heure, après que la coalition qui a mené la contestation contre l’ex-président a été exclue des concertations sur la transition.
Rien ne s’est passé comme prévu, durant le weekend, pour le Comité national pour le salut du peuple (CNSP). L’organisation regroupant les militaires qui ont reversé le président Ibrahima Boubacar Keïta avait annoncé tenir, le samedi 29 août, des discussions avec les membres de l’opposition et de la société civile sur la transition à mettre en place pour diriger le pays. A la place, c’est une délégation du M5-RFP, mouvement à l’origine des contestations qui ont secoué le pays jusqu’à l’affirmation du coup d’Etat, qu’il a reçue. Une rencontre organisée dans l’urgence, après que le M5-RFP a reproché aux putschistes de ne pas suffisamment les associer dans l’organisation de la transition politique à venir.
Ce sont donc les plans des militaires qui ont été chamboulés par les partisans de l’imam Mahmoud Dicko. En effet, après le sommet extraordinaire de la CEDEAO, organisé vendredi dernier, par lequel les chefs d’Etat des pays membres de l’organisation sous-régionale exigeaient la nomination d’un président de la transition, d’un Premier ministre et d’un gouvernement, le Comité national pour le salut du peuple voulait organiser des concertations ‘’populaires’’.
Par un communiqué, le président du CNSP avait invité les représentants de la société civile, des partis politiques et les responsables de l’Accord d’Alger à participer à des échanges sur l’organisation de la transition. Mais le Mouvement du 5-Juin RPF en était initialement exclu.
La mise à l'écart de cette coalition de chefs religieux, de membres de l'opposition et de la société civile a provoqué la colère des leaders du mouvement, qui ont accusé la junte de chercher à ‘’confisquer’’ le changement.
Le Comité national pour le salut du peuple a donc annoncé, à la dernière minute, le report de la rencontre, invoquant ‘’des raisons d'ordre organisationnel’’.
Il faut dire que dans ses déclarations, l’imam Dicko ne s’est pas caché, en estimant qu’il fallait que ‘’tout le monde sache que personne n’aurait pas un chèque en blanc pour n’en faire qu’à sa tête et faire ce qu’il veut. C’est pour les civils et les militaires, c’est pour tout le monde. On doit désormais prendre ça en compte, que le peuple ne va pas croiser les bras et regarder les gens faire. On a trop duré dans des crises interminables et il faut trouver une solution pour en sortir’’.
Toutefois, dans la soirée du samedi, une dizaine de représentants du M5-RFP a rencontré, au camp militaire de Kati, la junte au pouvoir. Une heure et demie de discussions a permis de dissiper ‘’le malentendu’’, selon les mots Issa Kaou Djim du mouvement de l’imam Mahmoud Dicko, qui a ajouté : ‘’Nous allons avancer dans l’intérêt du peuple malien. En essayant d’avoir des concertations, de montrer que c’est l’armée du peuple, qu’elle a un caractère inclusif. C’était bon de créer un cadre de concertation.’’
Si les membres de la CNSP ne se sont pas encore prononcés sur le contenu des discussions, leurs interlocuteurs ont, eux, communiqué. Et selon les propos révélés par RFI, ils demandent à la junte militaire d’accepter que la transition soit dirigée par un président civil. ‘’Si nous voulons la démocratie, si nous voulons éviter toute déviation, il faut un président civil’’, répond à ce média l’un des membres du M5 qui a participé à la rencontre. Ce dernier estime aussi que la coalition, plus ouverte en ce qui concerne le poste de Premier ministre, est même d’accord pour que le chef du gouvernement de transition soit un militaire.
Jusqu’ici, le CNSP considère son leader, le colonel Assimi Goïta, comme le chef de l'Etat du Mali.
Quant à la durée de la transition, ils ont, là aussi, exprimé une position plus proche de celle de la junte que des exigences de la CEDEAO. Les militaires veulent une période longue de deux à trois années, alors que la CEDEAO exige une année maximum. Le M5-RFP propose un compromis : un an et demi à deux ans, un délai jugé ‘’raisonnable’’, en dépit des exigences des chefs d'État de la sous-région qui, selon un cadre du M5, ‘’ne peuvent pas imposer leur volonté contre le peuple malien’’.
Dans un entretien accordé à la ‘’Radio mondiale’’, l’influent imam Mahmoud Dicko adoptait les mêmes positions concernant les déclarations des chefs d’Etat de l’organisation sous-régionale ouest-africaine. Il rappelait : ‘’Je crois qu’il faut faire une concertation de toutes les forces vives de la nation pour dégager quelque chose qui va certainement faciliter la mise en œuvre de l’État qui est, depuis très longtemps, arrêté. Maintenant, ce que la CEDEAO a dit, c’est à voir. Il ne sert à rien, vraiment, de s’éterniser dans une transition. Il faut quand même qu’on trouve un moyen pour sortir de cette situation vite. De mon point de vue, trois ans, c’est trop. Moi, je voyais ça peut-être... dix-huit mois, quelque chose de raisonnable ou sinon moins. Mais trois ans, c’est trop, de mon point de vue. Je crois que vu les circonstances, vu le contexte dans lequel nous sommes, je pense qu’il faut donner ça à un civil consensuel.’’
S’il semble évident que la CEDEAO peine à faire respecter ses décisions sur le Mali, la rencontre de samedi soir a permis, selon la délégation du M5-RFP, de ‘’lever les malentendus’’.
La coalition d’opposition, en effet, s’envisage comme un ‘’partenaire naturel’’ de la junte qui a pris le pouvoir, ‘’parachevant’’ trois mois de contestation. Une contestation menée dans les rues du Mali par le M5-RFP. Pour ses membres, le Comité national pour le salut du peuple, dont ils ont besoin, a compris leur démarche.
Toutefois, un membre de la délégation a soutenu à RFI que les militaires ‘’n’ont pas intérêt à s’opposer à la coalition d’opposition, car ‘’ils ont besoin d’une base sociale comme la nôtre’’.
Lamine Diouf