Publié le 23 Dec 2024 - 18:29
CYCLONE DÉVASTATEUR À MAYOTTE

Le cri du cœur de nos 400 compatriotes

 

Le Pr. Serigne Khadimou Rassoul Thiam et le président de l'Association des Sénégalais de Mayotte, Yacouba Diakité, racontent l’horreur et lancent un appel à l’État. Ils sont plus de 400 Sénégalais vivant à Mayotte, dont le Pr. Serigne Khadimou Rassoul Thiam qui a décrit la situation catastrophique avant de faire appel aux autorités.

 

‘’Nous vous tenons informés de cette situation apocalyptique, presque de fin du monde, à Mayotte, avec un cyclone dévastateur jamais vu sur terre, des vents dépassant 326 km/h, plus rapides que la vitesse d'un pistolet. Plus de 90 % des maisons sont à terre, les toits en tôles volaient dans le ciel comme des avions de guerre, les grues de BTP tombaient comme des cocotiers morts et les baobabs déracinés roulaient comme des fûts vides’’. Ces détails dignes d’un film catastrophe sont ceux du Pr. Serigne Khadimou Rassoul Thiam, un compatriote parmi les 400 autres Sénégalais vivant à Mayotte.

En état de choc, il raconte que le cyclone hurlait comme des démons surpris dans un espace vide. Une ambiance de désolation et de panique règne. Depuis lors, ils vivent sans électricité ni eau courante et moyens de communication, ce qui constitue un manque criant de logistique de secours et de survie.

‘’Aucun avion ne peut venir nous aider ; l'aéroport est impraticable, sans tour de contrôle ni personnel au sol. C'est-à-dire que c'est chaque homme pour soi, les plus vulnérables feront un lourd poids dans le bilan des morts. Effectivement, cette réalité est vraie puisque j'étais à l'hôpital. Un médecin m'a montré, sur son portable, les dégâts énormes subis par tous les patients branchés aux machines. Pas un seul survivant, ils sont tous morts. Le manque d'eau risque de pénaliser ceux qui font des dialyses et des traitements dépendant des circuits d'eau. Il est impossible de connaître le chiffre exact de morts dans cette catastrophe du siècle. Rien ne fonctionne normalement dans cette île et les secours tardent à venir. L'île de la Réunion est à quatre heures de vol avec les avions militaires’’, témoigne-t-il.

Il ajoute : ‘’Les médias comme Mayotte Première ont pu reprendre leurs diffusions, la seule télé nationale qui émet actuellement. On peut dire que les élus sont dépassés par l'ampleur des dégâts et le personnel est quasi inexistant. La police est absente des rues, seules la gendarmerie et la Légion étrangère sont en action. Malheureusement, ils sont épuisés par leurs multiples efforts. Vraiment, bravo à eux. Par ailleurs, Macron a promis d’envoyer 1 500 hommes, dont 800 gendarmes et 700 militaires pour un renfort. Mais le plus important, c'est de revenir à nos moutons, c'est-à-dire la communauté sénégalaise. La majorité a des papiers et travaille, souvent dans l'administration territoriale, la santé ou l'éducation nationale. Ce sont des compatriotes très sérieux qui participent, comme tous les ressortissants de la diaspora, à la solidarité nationale, en grande majorité des électeurs du nouveau système.’’

À la question de savoir si les 400 Sénégalais sont en contact avec l’État sénégalais, le Pr. Thiam est estomaqué : ‘’Ce serait dommage que les nouvelles autorités s'occupent plus de Barthélemy Dias et laissent sous silence cette situation morbide que vivent la majorité des Sénégalais à Mayotte. Il est urgent que le président Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko fassent un geste de grandeur pour sauver l'ensemble des Sénégalais souhaitant rentrer au Sénégal. Ce geste noble et responsable serait apprécié par eux, par le peuple sénégalais et par les autorités françaises qui font face à leur survie. Historiquement, le Sénégal est une grande démocratie, alors sauvez vos compatriotes sans oublier de soutenir et d'aider les Mahorais qui vivent cette situation de fin du monde’’, tonne-t-il.

À l’endroit du chef de l’État, il lance ce message : ‘’Son Excellence, c'est le professeur Serigne Khadimou Rassoul Thiam qui vous informe de la situation apocalyptique que nous vivons depuis huit jours à Mayotte. Nous sommes une population de 400 Sénégalais rescapés du cyclone. La situation est dramatique, nous vous demandons de l'aide pour sortir tous les Sénégalais de cette situation.’’

Il se dit quelque peu réconforté par la dernière déclaration du Premier ministre qui a annoncé en Gambie qu’il n’abandonnerait jamais les Sénégalais vivant à l’étranger. Le Pr. Thiam renseigne que le seul soutien qu’ils ont reçu est celui de l'homme d'affaires sénégalais Babacar Ngom de la Sedima, qui lui a envoyé une aide de 1 000 € (656 000 F CFA).

Yacouba Diakité : “Il y a le risque de pénuries alimentaires.”

Yacouba Diakité, président de l'Association des Sénégalais de Mayotte, décrit une situation insoutenable. ‘’Bien évidemment, j'ai été touché par le cyclone. Je n'en ai pas été épargné comme la majorité de nos compatriotes. Beaucoup d'entre nous ont quitté leur logement, devenu inhabitable aujourd'hui’’, explique l'homme de 49 ans.

Selon M. Diakité, la situation est apocalyptique. ‘’J'ai ma toiture qui s'est envolée, les faux plafonds sont gorgés d'eau et menacent de tomber sur moi à tout moment. Il y a des infiltrations d'eau dans toute la maison. Pas d'eau, pas d'électricité et il y a le risque de pénurie alimentaire, de cambriolages, de pillages, d'atteintes à notre intégrité physique et de maladies telles que le choléra’’.

Cet agent de la Fonction publique précise que ‘’la majorité des Sénégalais ici sont des enseignants ; le reste occupe des postes dans la Fonction publique (police, armée, impôts, médecins, infirmiers, génie civil, marine marchande, etc.)’’.

Sur Mayotte depuis 2017, il nous apprend qu'aucune perte humaine n’a été dénombrée parmi les compatriotes sénégalais.

Dans sa description, il revient sur la question de la solidarité. À l'instar de son compatriote M. Thiam, il lance un SOS pour que les autorités sénégalaises organisent rapidement l'assistance. Car, pour le moment, ils n’ont reçu ‘’aucune assistance de l'État du Sénégal’’.

Toutefois, Yacouba Diakité ne désespère pas. ‘’Nous gardons malgré tout espoir qu'il se manifeste le plus rapidement possible et pas le mois prochain, mais maintenant. J'attends un retour de la part des autorités sénégalaises pour un soutien, une écoute et un déplacement d'émissaires officiels en vue du rapatriement des Sénégalais sinistrés vers notre pays, le SÉNÉGAL’’.

En attendant l'intervention du pouvoir, ces Sénégalais établis dans ce territoire des DOM-TOM posent des actes à leur niveau. ‘’Nous avons pris contact avec le consulat du Sénégal à Paris, qui est chargé de notre circonscription de Mayotte. Cependant, pour l'heure, le consul n'a toujours pas été nommé’’. Il renchérit : ‘’C'est Mme Sawaré, chargée des affaires internes au consulat du Sénégal à Paris, que j'ai eue au téléphone et qui m'a assuré qu'elle allait porter, par mon intermédiaire, la voix des Sénégalais auprès du secrétaire d’État chargé des Sénégalais de l'extérieur et du ministre des Affaires étrangères pour alerter Monsieur le Président de la République du Sénégal.’’

Les précisions de l'Adha

Action pour les droits humains et l’amitié (Adha) a réagi aux déclarations du chargé de communication du Secrétariat d’État aux Sénégalais de l’extérieur, publiées dans le journal ‘’EnQuête’’ ce weekend. Celui-ci a affirmé que les autorités sénégalaises n’auraient pas été informées de la situation des Sénégalais à Mayotte, touchés par le passage du cyclone Chido. "Malgré ses moyens limités, Adha a recueilli des témoignages directs confirmant que près de 400 Sénégalais à Mayotte vivent une détresse aiguë : pertes de logements, absence de secours et précarité extrême. En effet, Adha signale, par exemple, le professeur de classe exceptionnelle Serigne Khadimou Rassoul Thiam, résident sénégalais à Mayotte, qui peut fournir des informations précises. Ce dernier a eu un échange physique avec le président de la République Emmanuel Macron, le 18 décembre à l’hôpital de Mayotte’’, peut-on lire dans le communiqué parvenu à ‘’EnQuête’’.

‘’Pour le rôle et les devoirs de l’État sénégalais, il est regrettable qu’Adha, une organisation modeste, ait accédé à ces informations pendant qu’un secrétariat d’État, doté de ressources importantes, n’a pas été proactif. Adha rappelle que l’article 8 de la Constitution sénégalaise garantit la protection des citoyens, la Convention de Vienne de 1963 impose aux représentations diplomatiques de veiller sur leurs ressortissants et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques engage les États à prévenir et répondre aux crises touchant leurs citoyens. Attendre une saisine officielle, dans un tel contexte, traduit une grave défaillance du devoir de vigilance. Adha exhorte les autorités sénégalaises à initier une démarche proactive et invite également le président de la République du Sénégal à exprimer compassion et solidarité envers ces compatriotes dans le besoin’’, souligne le Bureau exécutif de l’Action pour les droits humains et l’amitié.

CHEIKH THIAM ET MAMADOU DIOP

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