Le palais en mode déménagement
C’est dans une atmosphère de fin des classes que le gouvernement du Sénégal a démissionné, hier, au Palais de la République. Un régime chassant un autre, voilà l’image à retenir puisqu’aussi applicable au ballet de déménageurs qui, les uns après les autres, s’affairaient à plier bagages pour Wade & Co.
La démission du gouvernement sénégalais, hier, n’était en elle-même pas si riche en rebondissements puisque, de ce qu’on a pu en voir, il s’agissait plus de formalités que d’autre chose. Cela fait, Wade et son gouvernement ont quitté la salle du banquet vers 12h pour rejoindre, à pied, les portes du Palais, devant lesquelles une dernière photo de famille a été prise.
Jusque là, R.A.S… à part, peut-être, de remarquer que malgré ses 85 ans (officiels) le ''vieux'' Président trottait à une allure impressionnante. Flanqué de son fils, encore super ministre quelques minutes plus tôt, il a allègrement dépassé certains de ses collaborateurs qui, par excès d’embonpoint, de salamalecs ou de coquetterie (en particulier, Nafy Diouf Ngom, perchée sur pas moins de 12 cm de talons aiguille), se sont vite laissé distancer. Mais c’est tout à l’image du personnage, on peut dire, puisqu’il a, sa carrière durant, eu une longueur d’avance sur son monde…
L’air fatigué mais le visage presque empreint de soulagement, le Pape du Sopi a ensuite remercié ses anciens ministres. C’est-à-dire laborieusement serré la main d’une procession de personnes si interminable qu’on avait presque envie de se rassurer, auprès de son voisin, sur le nombre de membres du gouvernement (histoire de se convaincre de n’être pas en train de voir double).
Le moment n’en était pas moins historique et les (tout juste) ex-ministres en avaient bien conscience puisqu’ils ont chacun pris le temps de se faire photographier par la Presse avec leur ancien patron… chose qui a causé pas mal d’embouteillages, ralentissant la cérémonie de manière certaine, bien qu’on le leur pardonne vu le mal qu’ils ont pris à tous être tirés à quatre épingles. Le vainqueur de la palme en «sapologie» étant sans conteste Me Madické Niang, ex-ministre des Affaires étrangères, qui a poussé le sens du détail jusqu’à copier le foulard de poche en soie rouge d’Abdoulaye Wade.
Malgré certains journalistes qui ont juré, en direct à la radio, voir certains pleurer à chaudes larmes, l’atmosphère était plutôt légère, les gens échangeant sourires et autres tapes dans le dos. Les dernières déclarations faites (et photo prises), on eut l’impression que personne ne voulait vraiment s’attarder sur place. De peur de rater le train du renouveau, peut-être ? Ou alors d’être sur le chemin de la foule de déménageurs qui, pareils à une colonie de fourmis ouvrières, chargeaient les possessions de la famille Wade dans d’immenses camions ?
Une hétéroclite collection privée, à n'en pas douter, puisqu’on a même aperçu des matelas en mousse pas chers dans le lot. En félicitant Macky Sall, Wade sauve donc les meubles et c’est tant mieux, du moment qu’il reste le Palais et ses portes gardées par deux lions en bronze à son successeur… bien que rien ne garantisse qu’on n’ait pas essayé, eux aussi, de les déboulonner pour les faire emporter par les déménageurs.
Sophiane Bengeloun