Un discours qui reconnait les faiblesses de l’économie sénégalaise et se soucie de la cohésion sociale
L’impopularité progressive de la déclaration de politique générale
La déclaration de politique générale est devenue une tradition pour tout chef de gouvernement qui prend fonction (…) La fonction de la DPG d’un premier ministre est purement sociale. Il s’agit d’une communication solennelle qui a pour objectif de densifier ou de consolider le contrat de confiance entre gouvernant et gouvernés. De ce point de vue, il est impératif de ne pas accentuer l’élitistime que revêt déjà la DPG mais d’impliquer, par les techniques de la communication, tous les Sénégalais sans oublier les quelques députés qui peuvent souffrir de somnolence en pleine assemblée.
La DPG se désolidarise le mieux du principe de base de la communication qui est la concision et l’efficacité du message. C’est à corriger. Le souci de l’exhaustivité qui est bien légitime pour les gouvernants empêche d’accéder à cette exigence. En revanche, il est toujours constaté un déficit énorme de mobilisation chez les Sénégalais au point de s’interroger sur ceux qui auraient écouté et compris la DPG.
Et l’expérience sénégalaise face aux OMD sur la touche ?
Il s’est agi du dernier discours de déclaration de politique générale du gouvernement avant la fin des objectifs de développement du millénaire (OMD) prévu en 2015 à défaut de voir souffler à nouveau le «vent politique» bien sénégalais balayeur de PM. D’emblée, doit-on regretter dans l’allocution du 11 novembre 2014 l’absence de la mention de l’expérience du Sénégal dans ce programme des Nations Unies ? Mahammed Abdallah Dionne a mis la préférence sur une approche technico-politique qui prend pour point de départ l’avènement de Macky Sall pour lister les réalisations et acquis - qu’il débute par la maitrise du déficit budgétaire, l’assainissement des finances publiques, le soutien au pouvoir d’achat, les performances dans l’agriculture, le redressement du BTP et l’amélioration du climat des affaires entre autres - avant de s’attarder sur les faiblesses de l’économie sénégalaise. Faire mention de la cohésion sociale est une preuve du souci logé dans les préoccupations de la présidence et de la primature.
A la suite de cette unité sociale et nationale préoccupante, la DPG révèle l’ambition de changement de paradigme et de vision du gouvernement qui découle du «choix de ne plus vivre les aléas climatiques comme une fatalité, mais de les transformer en opportunités, pour construire une résilience face aux chocs, en stimulant le développement des potentialités agropastorales de nos terroirs et en valorisant nos diverses ressources (…) de promouvoir le talent et le génie sénégalais dans tous les domaines et de soutenir les initiatives créatrices et l’esprit entrepreneurial». La vison de la politique va porter les trois défis cruciaux mentionnés, à savoir : la croissance économique et sociale, le revenu des ménage et l’emploi pour les jeunes et les femmes.
La cohésion sociale par la croissance, le revenu des ménages et l’emploi : zone franche industrielle oubliée, économie informelle non maitrisée, économie culturelle inexistante et un secteur financier décentralisé peu performant dans la lutte contre la pauvreté, attention !
L’agriculture et l’agroalimentaire vont servir de fondement pour créer des richesses et des emplois viables. De très belles idées ont été avancées pour renforcer la transformation locale de la production des ressources naturelles destinées à l’exportation et doper en même temps le potentiel de création d’emploi de l’économie. En revanche, l’implication de l’Etat pour une meilleure intégration à la filière industrielle par son rôle de régulateur, de facilitateur d’appui-conseil gagnerait, à notre avis, à renforcer l’installation de la zone franche industrielle et la multiplier en fonction de la politique de territorialisation nationale. A moins, peut-être, que les pôles agro-industriels soient prévus pour porter le rôle de cette orientation de politique industrielle destinée à mieux insérer l’économie dans les chaines de valeur mondiales (CVM).
La volonté de redressement industriel est à saluer surtout lorsqu’il prévoit de restructurer et de soutenir les entreprises qualifiées pour la politique industrielle. Toutefois, nous disons que les fonds distribués pour le bureau de «mise à niveau» de même que le nombre de bénéficiaires méritent d’être revus à la hausse. Aussi, la privatisation de la Sodexka devrait privilégier le promoteur local. Et enfin, nous pensons que le système décentralisé devrait être redressé pour mieux servir les faibles revenus et éliminer la pauvreté parce qu’il y a longtemps, en observant la plupart de ses institutions, qu’il sort de sa fonction initiale.
L’accroissement du taux de bancarisation ne se fera pas sans l’implication objective des institutions financières décentralisées auprès des populations à faible revenu. Par ailleurs, l’économie informelle et l’économie culturelle évoquée par la DPG ont plus besoin d’innovation que de modernisation. Si les intellectuels et le gouvernement doivent mieux comprendre le phénomène de l’informalité afin de l’exploiter au mieux, l’économie culturelle a besoin d’abord, quant à elle, d’être installée voir d’exister au Sénégal. Beaucoup de choses restent à faire dans les deux domaines précités nonobstant la volonté des uns et des autres de résoudre les difficultés qui en ressortent.
Il faut saluer l’ambition du gouvernement de partager plus équitablement les richesses dans le secteur minier avec la révision du code minier effective au plus tard au 1er semestre 2015. L’implication des chercheurs pour porter le développement industriel est une clé de réussite à ne pas négliger. Il faut féliciter le Premier ministre pour cette démarche. Cela requiert une attention particulière, par ailleurs, pour la formation des compétences par une éducation de qualité et une prise en charge sanitaire des Sénégalais dont la DPG a fait mention. Mais que prévoit-il pour renforcer l’école et la famille qu’il cite dans l’encadrement de la jeunesse ? Il faut néanmoins saluer la volonté de lutter contre les disparités territoriales, d’impliquer la diaspora dans le développement local et national. La délicate question de l’énergie, celle des infrastructures et du numérique, ont été prises en compte de manière rassurante dans le but de créer un Sénégal émergent.
A nous donc citoyens d’attendre de voir l’évolution du secteur de l’énergie et d’applaudir au constat d’une performance. Il n’est point inutile de confirmer l’idée d’un Sénégal plein de potentiels pour être une destination touristique de référence et un hub de services pour la croissance économique et l’emploi. Au passage, décongestionner Dakar, restructurer les quartiers inondables ou spontanés, développer des opérations d’assainissement aussi bien en eaux usées que pluviales, assurer un approvisionnement correct en eau potable en portant un programme de renouveau urbain et d’habitat, demeurent très objectif même si la demande et les griefs sur la question de l’habitat restent encore une préoccupation.
Dr. Pascal OUDIANE
Sociologue spécialiste des faits économiques et des organisations