Publié le 28 May 2014 - 18:07
DESOEUVREMENT, DROGUE, HOMOSEXUALITÉ

Un ouvrage pour  décortiquer le mal... des familles sénégalaises

 

Comment aider les jeunes à triompher contre les maux qui gangrènent la société sénégalaise ? C’est à cette question que tente de répondre un groupe d’auteurs conduit par le professeur Oumar Ndoye, psychologue et maître assistant à l’Institut de recherche et d’enseignement en psychopathologie à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar dans l’ouvrage intitulé ‘’la jeunesse africaine, mal être, drogue et homosexualité’’.

 

L' ouvrage ‘’La jeunesse africaine, mal être, drogue et homosexualité’’, réalisé par des auteurs, issus du collectif Grappaf, plongent les lecteurs dans l’univers de ces adolescents désorientés en exposant les symptômes que des parents ont souvent du mal à déceler. Il est un condensé de témoignages tout aussi frappants avec des analyses pointues des différents cas de figure qui sont présentés.

Cette publication de 184 pages, avec un style assez digeste, montre comment des enfants, envahis de rage, de colère, de haine envers leurs parents ou la société, en arrivent à développer des comportements déviants. Dans ce lot, des jeunes perturbés par une absence de modèle identificatoire ou des pesanteurs socio-culturelles qui poussent, par exemple, des enfants nés hors mariage à la marginalisation. Ils sont issus aussi bien des quartiers chics que de zones ‘’très démunies''.

Dans l’ouvrage, les psychothérapeutes tiennent à rappeler que ‘’la notion d’adolescence est mal cernée en Afrique de l'Ouest. Or, il est important de porter une plus grande attention aux adolescents du fait de leur poids démographique, mais aussi en raison de leur spécificité''. L’adolescence, une étape charnière, étant très critique.

Le livre porte la signature des psychiatres tels que le professeur Mamadou Habib Thiam, le Dr Idrissa Ba, le Dr Lamine Fall, le Dr Momar Camara, le Dr Lamine Faye, le Dr Ibrahima Ndiaye, le Dr Abou Sy, Dr Sokhna Seck et le Dr Ahmet Diakhaté. Il propose des ‘’approches thérapeutiques qui réunissent les concepts de la psychanalyse et l’approche des pratiques''.

CAS PRATIQUES

Marième est une jeune sénégalaise de 20 ans qui a eu à suivre des séances de psychothérapie. Elle ne veut pas que  sa maman, à qui elle reproche de vouloir contrôler sa vie, soit au courant de ‘’ses bêtises’’. En fait, Marième et son groupe de copains tirent du plaisir à jouer au plus malin. Leur jeu consiste ‘’à voler le chéquier d’un parent d’un membre du groupe, à imiter sa signature et à y inscrire le montant voulu, avec la complicité d’un employé de la banque si ça ne passait pas.

Les sommes soutirées sont de 2 à 8 millions et sont dépensées lors de virées mondaines pour faire la fête (sortie, boîtes de nuit, alcool, drogue, location d’appartement et initiation à la sexualité)’’, lit-on dans l’un des chapitres de l’ouvrage qui traite du malaise adolescent. Marième qui ne s'entend pas avec sa maman, a aussi été affectée par le fait que ‘’les épisodes d’infidélité du père étaient mis sur la table par la mère pour démystifier ce géniteur présenté comme attentionné et compréhensif''. Ce cas clinique est un cas parmi d'autres soulevés dans l’ouvrage.

Adolescence et divorce

On y découvre aussi le cas d’Aïcha, 14 ans, qui prétend en avoir 16. Son dada : voler les bijoux en or de sa mère et faire des fugues. Cette fille unique issue d’un couple divorcé n'apprécie pas que sa maman se mêle de sa vie. Elle se vante de fréquenter des jeunes issus ‘’de familles aisées d’autorités politiques et étatiques bien connues dont l’un d’entre eux a réalisé un ‘’coup’’ fortement médiatisé’’. Selon les psychologues auteurs de l'ouvrage, Aïcha, Marième et d’autres font partie de ces jeunes qui ‘’cherchent une appartenance pour renforcer une estime de soi parce que marqués par des expériences de vie familiale ou scolaire peu valorisantes. Ils ont l’impression qu’ils comptent vraiment quelque part.’’

''Je fumais plus de cannabis au daara''

Benté, 24 ans, a eu à séjourner en prison sur demande de son père. Celui-ci tenait à ce qu’il sache ‘’qu’il y a des règles à ne pas transgresser’’, après qu’il a intervenu à maintes reprises à la police pour le tirer d’affaire. Ce garçon qui vit ‘’dans un quartier huppé de Dakar venait d’établir un chèque sans provision. Il avait aussi provoqué un incendie sur la terrasse du domicile de ses parents. Benté avait mis un terme à ses études, pour dormir, boire du thé et fumer en cachette du cannabis.

‘’Il y a deux ans, mon père m’avait confié à un marabout dans un internat où j’ai passé un an, en vue d’arrêter de fumer du cannabis. Mais j’avoue que c’est là que j’en ai le plus consommé de toute ma vie. Je n’avais même pas besoin de l’acheter‘’, témoigne-t-il. S’il y a quelque chose qui lui serre le cœur, c’est ''le refus de sa maman de lui donner un emploi dans son entreprise, pour lui permettre de gagner de l’argent et lui démontrer sa volonté de changement.’’

Son cas n’est pas singulier, l’ouvrage montre comment des parents ont vu tout ce qu’ils avaient construit s'effondrer comme château de cartes. Une des causes : ‘’la disparition progressive des rituels de passage et le modernisme qui ne semble guère faciliter les choses aux adolescents, aux familles et aussi aux professionnels.’’

''Je suis née hors mariage''

Bineta est une adolescente de 16 ans, suivie depuis 2009, ''pour des troubles de comportement avec agressivité, fugues, mises en danger et une énurésie nocturne''. Elle souffre, selon les auteurs, d’une crise d’adolescence révélatrice d’un conflit mère-fille enkystée. ‘’Elle fugue, fréquente les garçons de manière intempestive.’’ La particularité, elle est née hors mariage.

Ce n’est qu’après sa naissance que ses parents se sont mariés.  Explication des auteurs : ‘’sa mère qui était élève au moment de sa conception a dû interrompre ses études, ses parents s’étant fâchés contre elle et l’ayant rejetée. L’enfance de Bineta a été très difficile, elle a tenté de se suicider. Sa maman et elle sont stigmatisées dans la maison conjugale…. Comme d’autres, Bineta a trébuché durant l’adolescence. Une situation qui a réveillé des souffrances vécues par la dyade mère-bébé.’’

Matel BOCOUM

 

 

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