Le Tchad bascule dans la tourmente
Une attaque audacieuse contre le palais présidentiel de N'Djamena a plongé le pays dans le chaos et mis en lumière la fragilité de son système de sécurité. Alors que les autorités enquêtent sur un "complot contre l'État", les questions se multiplient sur la capacité du Tchad à faire face à la montée de l'insécurité et aux tensions régionales. Cette nouvelle attaque, qui s'inscrit dans un contexte de défiance grandissante envers les partenaires internationaux, interroge sur l'avenir de la stabilité en Afrique centrale.
Au Tchad, des temps troublés marquent l'actualité, alors que le parquet a lancé une enquête sur ce qu'il décrit comme un ‘’complot contre l’État’’. Cette enquête fait suite à une attaque audacieuse menée contre le palais présidentiel de N'Djamena, dans la nuit du 8 au 9 janvier 2025, qui a causé la mort de deux militaires, portant le bilan à 20 victimes, dont 18 assaillants.
Le procureur Oumar Mahamat Kedellaye a confirmé l'ouverture de cette enquête et a annoncé que plusieurs chefs d'accusation, allant de l'assassinat à la tentative d'atteinte aux institutions de l’État, seraient retenus contre les responsables. L'attaque, décrite par le parquet comme un acte de violence prémédité, a été orchestrée par un groupe d'individus armés de machettes et de couteaux, un mode opératoire à la fois surprenant et inquiétant dans la capitale tchadienne.
Le groupe d’assaillants, au nombre de 24, selon le ministre des Affaires étrangères Abderaman Koulamallah, se serait présenté comme étant en détresse, simulant une panne de véhicule avant de se déchaîner sur les gardes du palais. Cette stratégie audacieuse, couplée à des tirs nourris aux alentours de 20 h 45, a plongé N'Djamena dans le chaos, incitant les autorités à déployer rapidement des forces de sécurité et à boucler les routes menant à la présidence.
Réactions gouvernementales
Le gouvernement, par la voix de ses représentants, a tenté de rassurer la population en affirmant que ‘’la situation était sous contrôle’’. Cependant, les scènes de panique parmi les habitants, qui craignaient pour leur sécurité, témoignent d’un climat de tension insoutenable.
Le Tchad, depuis quelques années déjà, fait face à une montée de l’insécurité exacerbée par les actions de groupes djihadistes comme Boko Haram actif dans la région du lac Tchad. Les forces de défense tchadiennes ont engagé des opérations contre ces groupes insurgés, mais les récentes offensives de Boko Haram laissent entrevoir une menace persistante.
L’attaque survient aussi dans un contexte de tensions politiques accrues. En novembre dernier, le Tchad avait annoncé la fin d’un accord militaire séculaire avec la France, exposant ainsi les difficultés croissantes de la coopération sécuritaire avec ses anciens alliés. Cette décision de mettre un terme à l'accord entre N'Djamena et Paris est interprétée par beaucoup comme un signe de désaccord sur la stratégie à adopter face à l'extrémisme violent qui gangrène la région.
Le président Mahamat Idriss Déby, successeur de son père Idriss Déby, tué par des rebelles en 2021, a été investi dans un contexte de transition politique. Les promesses de stabilité et de renforcement de la sécurité nationale semblent remises en question par des événements récents qui soulignent les failles des mécanismes de défense du pays.
En effet, moins de 72 heures avant l'attaque contre le palais présidentiel, les autorités tchadiennes avaient exprimé leur mécontentement face à des déclarations du président français Emmanuel Macron. Ce dernier avait affirmé que les dirigeants africains avaient "oublié de dire merci" à la France pour son soutien dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Ces commentaires ont suscité une vive indignation au Tchad et ont été condamnés par d'autres nations africaines, dont le Sénégal, accentuant ainsi les tensions entre N'Djamena et Paris à un moment critique pour la sécurité de la région.
Défis sécuritaires persistants
Le Tchad a souvent été salué pour son rôle de bouclier contre les attaques djihadistes dans la région. Le pays a effectivement dirigé des opérations militaires majeures contre Boko Haram, notamment l'opération Haskanite lancée en réponse à une attaque meurtrière contre une base militaire qui avait coûté la vie à plusieurs officiers. Toutefois, la riposte en dents de scie des forces gouvernementales face aux incursions répétées des djihadistes souligne la complexité d'un environnement sécuritaire de plus en plus volatile.
Les groupes armés tels que Boko Haram continuent de poser un challenge considérable pour la région et la communauté internationale qui doit également évaluer son rôle dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Le Tchad, à la croisée des chemins, devra naviguer entre le besoin impérieux de stabilité interne et les attentes croissantes de ses partenaires internationaux.
Toutefois, pour certains observateurs, la situation actuelle au Tchad est une opportunité pour le gouvernement de réévaluer son approche vis-à-vis de la sécurité et de l'engagement avec les acteurs régionaux. La nécessité de construire un consensus national autour des questions.
Cette récente attaque contre le palais présidentiel marque un nouveau chapitre dans l'histoire tumultueuse du Tchad. Le pays, confronté à des défis sécuritaires sans précédent, doit désormais repenser sa stratégie de défense et renforcer la cohésion nationale. Cette épreuve pourrait être l'occasion de bâtir un consensus autour d'une nouvelle vision de la sécurité, en s'appuyant sur une coopération régionale renforcée. Mais elle pourrait aussi conduire à une instabilité accrue et à une radicalisation des acteurs politiques.
L'avenir du Tchad reste incertain, mais une chose est sûre : le pays est à la croisée des chemins.
AMADOU CAMARA GUEYE