L’importance de la diplomatie culturelle
On mise beaucoup sur l’économie pour faire développer le pays. Le président de la République voyage souvent avec des acteurs économiques, jamais ou presque jamais avec des acteurs culturels. Pourtant, la diplomatie culturelle pourrait contribuer au rayonnement du pays et attirer les investisseurs.
Il fut un temps où on connaissait plus, à travers le monde, le poète Léopold Sédar Senghor que le Sénégal. ‘’Quand on nous demandait de quel pays on venait, on disait : Sénégal. Cela ne disait pas grand-chose à nos interlocuteurs mais dès qu’on leur disait le pays de Senghor, ils nous disaient qu’ils le connaissaient’’, s’est souvenu l’ancien Ambassadeur Fadilou Kane. Il était l’hôte des ateliers de discussion du Musée Théodore Monod.
‘’Le Sénégal a été un pionnier dans le monde de la diplomatie culturelle. En 1960, quand nous avons eu notre indépendance, on avait des hommes de culture, des hommes d’Etat qui ont veillé à la fois à la construction de l’Etat, à l’épanouissement culturel et en tendant la main aux autres peuples. Je pense à Senghor, Alioune Diop, Cheikh Anta Diop, pour ne citer que ceux-là’’, s’est félicité M. Kane. C’est ainsi que le Président poète avait donné une impulsion à cette dernière en organisant la première édition du Festival mondial des arts nègres en 1966.
‘’Le Festival mondial des arts nègres de 1966 a été un déclencheur énorme. Jusqu’à ce jour, nous en récoltons les effets positifs’’, selon Pr Kane. En effet, c’est après cet évènement que, tel que l’a rappelé hier l’enseignant chercheur à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, Ibrahima Wane, le Sénégal a créé un ministère des Affaires culturelles. Il n’y en avait presque pas en Afrique à l’époque et peu dans le monde. C’est également dans le sillage de ce 1er Festival qu’a vu le jour le Musée dynamique et bien d’autres choses importantes au développement de la Culture. Seulement, comme l’a dit le Pr Wane, c’est la continuité qui a posé problème avec notamment les ajustements structurels qui ont conduit à l’élimination ou restriction de certains budgets. Celui du Commissariat aux expositions internationales en faisait partie. Ce qui a eu pas mal de conséquences.
Senghor donc misait beaucoup sur la Culture. C’est pourquoi d’ailleurs quand le Brésil a donné un hectare à divers pays pour qu’ils construisent sur ses terres des édifices, le premier président sénégalais s’était inspiré de l’architecture de la mosquée de Tombouctou pour l’architecture du bâtiment. Une belle marque était ainsi imprimée. Aussi, dans ses recherches, le Pr Wane est un jour tombé sur un article du ‘’Soleil’’ dans une édition de 1979 annonçant le retour du Ballet la Linguère à Dakar, après deux ans de tournée. C’est dire qu’il tournait tellement qu’il était plus présent à l’étranger qu’à Dakar. Aujourd’hui, rester deux ans sans sortir du Sénégal, c’est peu dire concernant cette formation.
Pourtant, les gouvernants tournent encore, participent à des sommets internationaux, des rencontres importantes à travers le monde. Mais ils ne pensent pas toujours aux acteurs culturels. Pourtant, selon l’ambassadeur Kane, ‘’le ministère de la Culture a les atouts, le Sénégal a les ressources ; si chaque année nous interrogeons notre patrimoine culturel, de région en région, on aura un catalogue qui nous permettra de dire : si le chef d’Etat va quelque part, on peut envoyer telle troupe, comme on le faisait dans le passé’’.
Une question qui pourrait être réglée par le Festival national des arts et de la culture (Fesnac) qui se tient annuellement. Il serait possible, propose M. Kane, à défaut d’amener toute une troupe, de voyager au moins avec un joueur de kora. ‘’Nous voulons que la culture continue d’être un patrimoine important pour nous. Voir un joueur de kora pourrait montrer que le Sénégal est un pays culturel, que la paix y règne. Cela pourrait convaincre les investisseurs’’, a-t-il indiqué.
BIGUE BOB