Publié le 4 Sep 2020 - 01:34
ÉLECTIONS LOCALES

À qui profite le statu quo ?

 

Pendant que certains acteurs politiques mobilisent leurs énergies pour se positionner comme chef de l’opposition et capter les éventuels avantages, c’est le statu quo en ce qui concerne l’organisation des élections locales, en passe d’être reportées pour une énième fois.

 

A quelques mois des élections locales fixées au plus tard en mars 2021, rien ne semble bouger dans les différents états-majors politiques. Du moins officiellement ! Sous le couvert de la crise sanitaire, les responsables, comme s’ils se sont passé le mot, refusent de décliner leurs ambitions, parfois même de parler élections. A qui profite le silence ? L’enseignant à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, Moussa Diaw, analyse : ‘’Il faut savoir que les partis veillent aussi à leur image. Et parler d’élections dans ce contexte de pandémie peut être mal vu. C’est une situation qui arrange bien évidemment la majorité qui contrôle déjà beaucoup de collectivités territoriales et qui fait face à une situation peu favorable.’’

Pendant ce temps, à l’intérieur du pays, la majorité semble seul maitre à bord. Profitant non seulement des actions du gouvernement, mais aussi de celles de ses élus au niveau décentralisé, elle continue de dérouler pour regagner la confiance de son électorat. Et les milliards de francs CFA injectés dans la gestion de la pandémie constituent, pour eux, une belle opportunité. Professeur Moussa Diaw : ‘’Par exemple, la distribution des vivres a pu leur permettre de reprendre la main dans certaines localités, parce qu’ils sont seuls sur le terrain. Pendant ce temps, l’opposition est quasi absente de l’espace public. Sur le terrain, on ne les sent même pas.’’

Dialogue et pandémie, ces faux prétextes

Initialement prévues en juin, puis en décembre 2019, ces élections ont finalement été reportées, sous le prétexte du dialogue national. Adoptée le 20 novembre 2019 par l’Assemblée nationale, le projet de loi prévoyait une organisation des joutes électorales au plus tard le 28 mars 2021, c’est-à-dire dans 6 mois maximum. Pour se justifier, rassurer l’opinion et les acteurs politiques, le ministre de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, disait à l’époque : ‘’On doit auditer tout le processus.  Et tenir les élections au plus tard le 28 mars 2021, signifie que ces échéances peuvent se tenir à tout moment. Rien n’exclut qu’on puisse les organiser en 2020.’’

Aujourd’hui encore, des responsables de la majorité se cachent derrière ce dialogue pour justifier la non fixation de la date des élections. Un faux prétexte, selon Me Aldouma Sow, responsable à Pastef Les Patriotes. Qui peste : ‘’Le dialogue ne peut pas être un obstacle, dans la mesure où il y avait des points d’accord. Ces accords ont porté notamment sur deux points essentiels : l’évaluation du processus électoral de 2016 au 24 février 2019 et l’audit du fichier électoral. Au moment où l’on parle, rien ne s’oppose à un début d’exécution de ces deux points.’’

A en croire le responsable des élections au parti d’Ousmane Sonko, la pire des décisions que peut prendre le gouvernement, c’est de reporter à nouveau les élections. Il ajoute : ‘’Nous pensons que le président de la République doit donc prendre ce décret pour que les acteurs politiques puissent se préparer en conséquence. Le fait qu’il ne l’ait pas encore pris est inconcevable.’’

Quand Pastef bouscule la hiérarchie

Malgré ces requêtes, la tenue des élections en mars semble sérieusement hypothéquée. Un flou artistique qui ne semble préoccuper que quelques rares acteurs politiques. Alors que la majorité ne pose aucun jalon significatif allant dans ce sens, les grands partis traditionnels de l’opposition ont, eux, disparu de la scène. Ils n’ont pu reparaitre au-devant de la scène que pour parler privilèges avec le statut du chef de l’opposition. Un consensus déchiré par Pastef qui a engagé la bataille des collectivités territoriales.

Si l’on en croit le professeur Moussa Diaw, c’est à se demander si les partis sont prêts. ‘’Certes, la situation est défavorable pour la majorité. Mais pour moi, l’opposition n’est guère mieux lotie. Si les élections se déroulent à date échue, je pense que cette opposition sera laminée. Matériellement, il sera difficile d’organiser ces élections à date. Il y a beaucoup de préalables, en sus de la pandémie. Je pense que les Locales seront encore renvoyées aux calendes grecques’’.

Pour les patriotes, ce serait contradictoire, dans un contexte où toutes les activités sont reprises et que le gouvernement continue de dérouler son programme, d’invoquer la pandémie pour un report des élections. Aussi, signale-t-il, ‘’même dans les pays supposés être plus touchés, les élections vont se tenir. C’est le cas en France ; les Etats-Unis vont également organiser leur Présidentielle en novembre. A côté de chez nous, la Côte d’ivoire va organiser ses élections présidentielles en novembre. Le Mali aussi a eu à tenir des élections et vit l’une de ses crises politiques les plus graves. Au Sénégal, on ne peut justifier un report à cause de cette pandémie’’.

Pour lui, le problème fondamental, c’est le manque de volonté du gouvernement qui serait en position de faiblesse. ‘’Le gouvernement, dit-il, sait qu’il ne contrôle plus le pays réel avec sa gestion catastrophique de la pandémie. S’y ajoute la situation économique, sociale et sanitaire très difficile pour les populations. Voilà pourquoi ils ne veulent pas programmer les élections et je pense qu’il revient aux populations de l’exiger’’. 

ELECTIONS LOCALES

Une bataille capitale

A Dakar, la mère des batailles, les candidats se font encore désirer. Chez les khalifistes, en l’absence du général considéré par certains comme étant disqualifié, les lieutenants, pour ce qu’il en reste, préfèrent faire le mort. Ni Barthélémy Dias (maire de Mermoz Sacré-Cœur) ni Madiop Diop (maire de Grand-Yoff) encore moins Bamba Fall de la Médina n’ont voulu se prononcer sur la question de l’organisation des élections locales et la succession de leur mentor. C’est à croire qu’ils se satisfont du statu quo qui leur garantit encore leur siège. Personne ne répond ni aux appels téléphoniques ni aux messages de relance.

Mais, à en croire le conseiller politique de l’ex-maire de Dakar, Moussa Taye, il ne faudrait surtout pas brûler les étapes. ‘’A l’heure actuelle, souligne-t-il, le seul débat qui vaille, c’est celui qui consiste à fixer définitivement la date des élections. On ne peut parler de candidats dans des élections dont on ne connait même pas la date. Il est temps que les autorités définissent le calendrier des élections. Après, on pourra aborder les autres sujets’’.

En attendant, certains profils, même s’ils refusent d’aborder la question ouvertement, semblent avoir ces joutes en ligne de mire. A Barthélémy Dias, certains observateurs ont d’ailleurs prêté l’intention d’utiliser la question du littoral pour préparer la future bataille de Dakar, se présenter comme le candidat idéal pour la succession de Khalifa Ababacar Sall. Les mêmes intentions sont prêtées au ministre Abdou Karim Fofana qui disposerait d’un trésor de guerre, dans le cadre de cette bataille de Dakar. Dans les deux camps, plusieurs autres noms sont mentionnés, dans le cadre de ce combat qui s’annonce épique.

Mais pour l’heure, ces deux forces majeures semblent se satisfaire du statu quo, plutôt que de risquer des élections à l’issue très incertaine.

Interpellé sur l’héritage de Khalifa Ababacar Sall à l’intérieur de son camp, Moussa Diaw explique : ‘’Apparemment, cette coalition s’est beaucoup affaiblie. Le groupe s’est disloqué. Il ne reste plus que quelques responsables dont Barthélémy Dias et Bamba Fall. Khalifa aura du mal à reconstituer la coalition qui lui avait permis de conquérir la capitale.’’

Du côté de la majorité, estime-t-il, on ne semble pas souffrir d’un manque de profils, mais plutôt d’un lourd passif. ‘’Certains potentiels candidats trainent beaucoup de casseroles. En plus, la situation économique et sociale n’est pas du tout à leur avantage, avec le chômage…’’.  D’après le politologue, cette situation pourrait plus profiter aux mouvements citoyens qui vont émerger.

Jeune formation très ambitieuse, Pastef d’Ousmane Sonko, pour sa part, ne met pas de gants pour exiger l’organisation des élections locales, au plus tard en mars 2021, comme cela a été prévu par les textes. Le chargé des élections, Maitre Aldiouma Sow, affirme : ‘’Dans une démocratie représentative, il y a une tenue régulière des élections. Je pense que cette question du respect du calendrier électoral est une question trans-partisane. Il appartient aux populations de la défendre.’’

MOR AMAR  

 

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