''L'album qui m'a valu la consécration...''
Artiste, auteur et compositeur, Moustapha Naham est également assistant administratif à l’université Alioune Diop de Bambey. Il est le lauréat 2013 du prix visa création de l’institut français, catégorie musique du monde. Son premier album ‘’Guidélam’’ lui a valu cette consécration. Dans cet entretien, il parle de sa musique, de son ‘’campus tour’’ et ce que lui a valu ce premier prix.
Vous êtes le lauréat 2013 du prix visa création de l’institut français, comment avez-vous accueilli la nouvelle ?
Avec plaisir et avec une surprise énorme. J’en suis très honoré. Mais, vu mon cursus, je me suis rendu compte qu’en un laps de temps, énormément de choses se sont passées. Cela me permet de dire à mes amis artistes, à mes frères et sœurs que seul le travail paie.
Parlez nous de ce cursus que vous évoquez.
C’est celui de ce jeune homme qui ne vivait que de musique. Ce qui m’a permis d’être en contact avec énormément d’artistes, aussi bien d’ici que de l’étranger. Ce, en tant que passionné et en tant que mélomane surtout. Même si en coulisse, je me permettais de travailler musicalement, sans penser qu’un jour je ferais carrière dans ce sens. Dès que je l’ai entamée, les choses sont allées vite. C’est le public qui a adopté, en plus des ouvertures qui se font au jour le jour, même s’il y a un travail sérieux qui se fait derrière.
Un premier album, un premier prix. Vous y vous attendiez ?
Non, même si on fait de la musique ou simplement de l’art dans son ensemble. On se rend compte qu’on le fait, en ayant des projets, l’envie de bien faire. Les consécrations et autres viennent naturellement. On ne s’y attend pas toujours. Ce qui est important, c’est de faire du mieux qu'on peut, ce qu’on a à faire.
Que vous a valu ce prix ?
Je suis le lauréat de la rubrique musique du monde. Quand on est lauréat du prix visa création, on a la possibilité de résider à la cité internationale des arts à Paris, dans un coin assez huppé où on est dans de très bonnes conditions pour la création. On y rencontre toutes les entités de l’art dans son ensemble. Ce sont des partages, des ateliers, des performances, etc. C’est monté par l’institut français. Une fois à Paris, c’est l’IF qui définit le planning à suivre.
En outre, il y a la carrière que l’IF suit. Il y a le fait qu’aujourd’hui, j’ai entamé des featuring avec des artistes que je ne pensais voir qu’à la télé. Je travaille avec Youssoupha (ndlr rappeur français), avec William Baldé (ndlr disque de platine en France), Inna Modja. Adama Paris m’a aussi ouvert des portes. C’est grâce à elle que j’ai été invité au black fashion week de Paris. Également, on pense faire une tournée de toutes les universités francophones.
Dans les projets figurent une tournée africaine que compte soutenir l’institut français de Paris. L’IF de Dakar va soutenir une tournée régionale qui se fera au mois de mai. Je dois retourner probablement à Paris en mars, mais je serais de retour pour cette tournée.
Si l’on tient compte du fait que vous êtes également un administratif, comment faites vous pour allier les deux?
Très bonne question. Il y a une politique gouvernementale, avec l’assiduité et la restructuration budgétaire. Je devais faire ma résidence artistique au mois d’avril. Mais, j’ai demandé à la faire à partir de juillet. On sera en vacances. Et pour octobre et novembre, j’ai demandé une disponibilité et je n’ai pas recouvré mes salaires. Je ne pose pas de problèmes à l’administration sénégalaise. Si je dois à nouveau partir, je referais la même chose.
Au Sénégal, généralement ce sont ceux qui ont échoué à l’école qui se tournent vers la musique. Vous qui êtes déjà fonctionnaire, qu’est qui vous a amené dans ce monde ?
Mon premier texte, je l’ai écrit à la fin des années 1980. J’étais encore très jeune. J’avoue que mes parents n’ont jamais voulu me laisser faire de la musique. J’ai compris par la suite le pourquoi on me l’interdisait.
Et pourquoi ?
Aujourd’hui, je me rends compte que j’arrive à m’exprimer comme je le souhaite aussi bien en anglais qu’en français. Si je n’étais pas allé à l’école, tel ne serait certainement pas le cas. Même s’il y a d’autres voies pour y arriver. Il n’y a qu’au Sénégal qu’on pense que la musique n’est que l’affaire d’une frange de la population. Si on n’est pas griot, on ne doit pas faire de la musique. Si on n’a pas fait d’études poussées on peut se permettre de faire du football ou de la musique. Alors qu’en Europe ou ailleurs en Afrique, ce n’est pas le cas.
Quand je rencontre des artistes, ils me parlent de leurs moments où ils travaillaient étant à la faculté. Cela veut dire qu’ils ont eu le bac et plus. Quand je pense à Blick Bassy (ndlr chanteur camerounais) qui me parle de son master. Quand je rencontre Caress Fotso (ndlr chanteur camerounaise) ou des Ivoiriens, ils ne pensent pas au fait qu’ils ont fait des études. Du coup, je ne vois pas le fait d'être fonctionnaire comme une chose extraordinaire, même si c’est une exception chez nous.
Parlez nous de cet album qui vous a valu cette consécration
L’album s’intitule ‘’Guidélam’’. Il est sorti au Sénégal le 10 mai 2013. Il va sortir cette année en France sous le sceau du label ‘’les enchanteurs’’ avec qui j’ai signé, il n’y a pas longtemps. C’est un album qui a été adopté, dès sa sortie ici. Je peux même dire que c’est bien avant sa sortie qu’il a été adopté. Les vidéos étaient bien accueillies et on demandait souvent à quand la sortie du produit. Dès que le produit a été mis sur le marché, le premier tirage s’est écoulé très vite. Je rends juste grâce à Dieu. Il a fallu faire un autre tirage. Je peux juste dire que c’est un coup de cœur pour les gens et pour moi-même de voir que l'album a été adopté par le public.
Mais vous restez malgré tout anonyme pour un large public. Votre aura ne s’arrête-t-elle pas à un public très sélect et élitiste ?
Voir Moustapha Naham jouer au stade Demba Diop, par exemple, ne serait pas chose évidente. Cela je le reconnais. Et c’est dû au fait qu’il existe une musique d’écoute et une musique populaire. On a tendance à penser que la musique d’écoute est allouée à une frange de la population. Mais on se rend compte, qu’année après année, les gens commencent à adopter ce style musical. Et cette musique, on ne la joue généralement que là où les gens sont assis, même si cela fait se trémousser un peu.
Vous avez initié une tournée dénommée ‘’campus tour’’, elle consiste en quoi ?
Étant administratif dans une université, j’ai eu à rencontrer des bacheliers qui avaient du mal à être orientés dans des universités. Au lieu de toujours penser aider quelqu’un que je ne connais pas mais qui pense avoir ce besoin d’être orienté, je me suis dit que je dois chercher où jouer assez souvent. Je cherchais à jouer assez souvent et de faire en sorte que cela soit utile. C’est pourquoi j’ai initié le campus tour.
Il m’arrive de faire chaque année, avec le soutien de l’institut français que remercie au passage, le tour des universités de ce pays. Aujourd’hui, des universités privées demandent à ce que je me produise chez elles. Cela me permet de discuter avec les étudiants sur les difficultés qu’ils rencontrent. On joue et à la pause, on fait parler le recteur de l’université, les étudiants ainsi que les invités. Ils échangent tous sur les difficultés de l’enseignement supérieur, des étudiants et des professeurs.
C’est pourquoi d’ailleurs, j’ai été invité à la concertation sur l’avenir de l’enseignement supérieur dirigée par le Pr Souleymane Bachir Diagne. Année après année, ce projet se développe. Et arrivera un moment où tout le peuple sénégalais saura le travail qu’on est en train de faire-là, sans tambours, ni trompettes.
BIGUE BOB