''Macky Sall ne peut pas réaliser le Yoonu Yokkute en 5 ans''
Lat Diop n’a pas mis de temps pour rejoindre l’Apr comme l’y a invité Macky Sall, dans un processus qui, à ses yeux, n'aurait rien à voir avec la transhumance... Dans cet entretien, l'ex-leader du Front pour l’émergence et la prospérité (FEP), explique pourquoi il sera difficile au chef de l’État de réaliser les ambitions du Yoonu Yokkute avec un mandat de cinq ans.
Quel commentaire faites-vous sur la brouille entre Rewmi et l’APR ?
Je pense que la rupture est inéluctable dans la mesure où il (Idrissa Seck) ne peut pas, dit-il, appartenir à la mouvance présidentielle et en même temps tirer sur le gouvernement. Dans ce cas, il doit prendre ses responsabilités et sortir du gouvernement. Maintenant Oumar Guèye et Pape Diouf ne sont pas mariés à Idrissa Seck, ils ont leur carrière politique à gérer. S’ils veulent rester dans la mouvance présidentielle, ils sont toujours les bienvenus, compte tenu de leur expérience et de leur poids politique au niveau de leurs localités respectives. Lui, Idrissa Seck, son job, c’est de parler !
Il n'a fait qu'exprimer un point de vue sur la situation du pays.
Il faut essayer de remettre les choses dans leur contexte normal. Macky Sall n’a fait qu’un an à la tête de l’État et c’est très peu pour faire des réalisations. Vous ne pouvez pas semer une graine et en récolter les fruits en une seule journée.
En tant que technicien au ministère de l’Économie et des Finances, quelle est la situation réelle du pays à votre niveau ?
L’économie bouge ! Nous sommes dans une logique de remettre les choses à l’endroit et de repartir sur des bases nouvelles et sereines. Pour ce faire, il faut rétablir les grands agrégats macroéconomiques et assainir les finances publiques. C’est le travail quotidien du ministre du Budget et du ministre de l’Économie. Vous ne pouvez pas construire une croissance sur quelque chose de faux ou d’irréaliste. Il faut que les responsables politiques disent la vérité et que les Sénégalais soient patients. Un pays, ce n’est pas une maison où on peut aller acheter les matériaux aujourd’hui et la construire demain.
Le chômage des jeunes reste le casse-tête principal pour le gouvernement.
Le chômage n’a pas commencé avec Macky Sall, et il ne se réglera pas totalement avec lui. Dans tous les pays du monde, les jeunes chôment. Notre objectif est de réduire le chômage, et pour cela le Président et les bailleurs qui l’accompagnent sont en train de voir comment impulser une dynamique de résorption du chômage.
N'est-il pas chimérique d'avoir promis 500 000 emplois aux jeunes ?
Ce n’est pas chimérique. Le levier sur lequel le Président compte s’appuyer pour faire travailler les jeunes, c’est d’abord l’initiative privée. La vocation d’un État n’est pas de créer des emplois, mais de sécuriser le cadre dans lequel tout opérateur devra se mouvoir pour créer des emplois.
Macky Sall a bien promis de créer 100 000 emplois par an !
Cela va se faire avec la promotion du secteur privé et avec les facilitations que nous accordons ici et ailleurs. Nous allons, dans la limite du possible, essayer de trouver des solutions. Le réflexe qu’on a au Sénégal, c’est que dès qu’un jeune a son diplôme, il va chercher un salaire. Le management des jeunes n’est pas très encouragé, il faut y mettre un terme. Il faut aider les jeunes à devenir des employeurs.
La réduction du mandat du président suscite toujours le débat. Pourquoi Macky Sall tarde-t-il à s’acquitter de cet engagement ?
Il respectera sa parole car c'est un homme qui respecte les Sénégalais, c’est mon intime conviction. J’ai suivi un peu Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall que je connais plus ou moins. Jamais le Sénégal n’a eu un Président qui respecte autant ses compatriotes. Seulement, il y a un problème !
Lequel ?
La réduction de son mandat ne dépend pas de lui.
Cela dépend de qui ou de quoi ?
Du peuple. Au niveau de la coalition Macky 2012, nous avions investi le candidat Macky Sall pour un mandat de 7 ans. S’il juge, pour des considérations qui lui sont propres, qu’il doit ramener son mandat à 5 ans, il doit s’en référer au peuple. C’est-à-dire recourir au référendum.
Vous n'êtes apparemment pas content de ce retour au quinquennat ?
Ma conviction est qu’en cinq ans, Macky Sall ne peut pas réaliser le programme pour lequel il a été élu. Nous sommes dans un pays sous-développé à construire, alors que les États-Unis ou la France sont des pays à gérer, où les gens peuvent se permettre des mandats de quatre ou cinq ans. Il ne faut pas que l’Occident nous transpose ses réalités différentes des nôtres.
C’est un engagement fort qu’il avait pris devant les Sénégalais.
Je ne m’oppose pas à cette décision. Mon idée est que le président de la République ne peut pas, compte tenu de la situation actuelle du Sénégal, mettre en œuvre son programme Yoonu Yokkute en cinq ans.
Le président Macky vous a invité à rejoindre l’Apr. Avez-vous accepté ?
Oui, j’ai accepté ! Ce qui est important, pour moi, c’est de travailler pour le président de la République conformément à sa vision. Et je ne peux le faire qu’en étant à l’Apr. Il ne reste qu’à l’officialiser. Je rappelle que mon compagnonnage avec le président Macky Sall ne date pas d’aujourd’hui et il est sincère !
On constate que le phénomène de la transhumance est toujours là. Or, Macky Sall avait promis une gouvernance vertueuse.
Pour moi, la première valeur, c’est l’amour pour la patrie et être disposé à travailler pour l’intérêt des populations. Sous cet angle, il ne faut pas mettre en quarantaine des citoyens qui peuvent apporter quelque chose au président de la République. Du point de vue purement politique, l’Apr doit s’ouvrir qualitativement et quantitativement.
À moins d'un an des élections locales, l’Apr ne s’est pas encore déterminée sur la formule à adopter.
Pour ces élections, on ne peut pas retenir de formule passe-partout qui viendrait de la direction du parti. Les configurations varient d’une localité à une autre. C’est aux responsables locaux de déterminer la formule appropriée, mais je sais que l’Apr n’a pas intérêt à aller aux locales avec Benno Bokk Yaakaar.
Pourquoi ?
Si nous y allons avec Bby, les alliés vont nous mettre en minorité dans toutes les collectivités. Prenez le cas de Guédiawaye, l’Apr l’a remporté aux dernières élections. Comment voulez-vous que nous nous allions avec avec l’Afp ou le Ps, et qu’elles créent des problèmes ?
DAOUDA GBAYA
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