Le courrier plie mais ne rompt pas

Entre les Sénégalais et le papier, la rupture complète n’est pas totalement consommée mais le désamour s’en va grandissant. Envoyer ou recevoir des lettres n’était déjà pas la tasse de thé du grand public, et les TIC viennent compliquer une donne assez critique. Mais le papier a encore de l’avenir.
On est au 21ème siècle, l’ère du numérique, et les facteurs sonnent toujours deux fois. Le courrier classique existe toujours. La vague d’innovations techniques et technologiques a certes eu des conséquences sur l’envoi et la réception de lettres, mais le papier tient encore le choc. ‘’Le courrier est encore là. Il fonctionne très bien même’’, fait savoir le responsable du bureau receveur de La Poste de Dakar étoile, M. Sagna. Sur son bureau où s’entassent pêle-mêle calculatrice, main-courante, pile de dossiers et stylos, les documents d’envoi et de réception montrent la vitalité de l’un de ces points de collecte des courriers qui sont plus d’une vingtaine dans la capitale.
Le grésillement de la radio diffuse le jingle de l’édition d’informations de la mi-journée et vient mettre plus d’animation dans une ambiance déjà conviviale. Quelques rares clients viennent déposer des paquets sous l’œil attentif d’une guichetière qui procède au pesage. Un petit tour du service à l’appui, ce responsable explique que les technologies de l’information et de la communication ont certes eu un impact sur le travail. Néanmoins, il estime que le montant brut d’un million 216 mille 250 F CFA pour la vente de timbres du mois de mai, et le million 520 mille de juin sont de bons indicateurs qu’il y a encore de la braise sous la cendre.
‘’Les technologies de l’information et de la communication ont leur limite. L’élément matériel, le papier, a de l’avenir puisqu’on aura toujours besoin d’envoyer l’original d’une copie ou d’un certificat quelconque. Pour cela, on aura toujours recours aux lettres’’, se défend-il. Tout le contraire de ce receveur intérimaire d’un bureau de poste de la capitale Dakar, qui estime : ‘’Depuis qu’internet est présent, nos stocks de timbres ne nous quittent plus.’’ Une pointe de mélancolie dans la voix, elle regrette l’âge d’or du courrier où il y avait beaucoup de correspondances durant les fêtes de fin d’année, la proximité de la base française aidant.
‘’On recevait des timbres à peu près tous les trimestres mais présentement, il nous arrive de rester une année sans en faire la commande’’, regrette-t-il. On pèse la lettre en fonction de sa consistance et de la zone pour déterminer ce qu’il faut payer. Pour le premier échelon de poids par exemple 10 grammes à 450 F CFA pour envoyer vers l’extérieur. Le maximum pour un paquet est fixé à 3000 grammes pour 2740 F CFA pour le Sénégal et un maximum de 24 150 F CFA pour l’étranger (Zone Asie).
Pour les courriers recommandés, il faudra débourser 800 francs de plus, 500 pour un courrier avec accusé de réception, et 750 francs pour un express, c’est-à-dire un traitement en priorité. Quand ces paquets excédent trois kilogrammes (deux pour les Etats-Unis), ils sont considérés comme des colis et varient selon les pays. Ainsi le poids maximum autorisé pour l’Hexagone est de 30 kilogrammes pour 79 mille 360 F CFA alors qu’il est de 46 mille 840 F CFA pour un maximum de 20 kilos avec l’Espagne comme destination et 52 mille 920 pour l’Italie. Les USA (88 mille 248 F CFA) et la Chine (140 mille 480 F CFA), pour 20 kilos sont des destinations chères.
Le courrier recommandé qui ne trouve pas preneur, les services de la poste gardent l’enveloppe pendant 15 jours avant un retour à l’expéditeur. Le distributeur fera deux à trois fois la navette pour un courrier ordinaire avant un retour à l’expéditeur. ‘’A partir de 16 heures 30, le bureau ferme et collecte les lettres, paquets, ou colis reçus pour les transmettre au centre de tri de la poste, près du marché Kermel, qui fait le dispatching’’, explique la responsable des arrières du bureau de poste de Dakar étoile, Michelle Fall. Ses explications ont en un moment bifurqué sur la nécessité d’ouverture d’une ‘’boîte postale pour 9 600 F CFA l’année’’. Une donne facile qui n’empêche pourtant pas le désintéressement du grand public.
Administrations, concours, préinscriptions, les valeurs-refuges
La correspondance peut prendre ‘‘un délai maximum de trois jours partout dans le monde’’, explique M. Sagna. Rien à voir avec l’instantanéité du courrier électronique (courriel), ou des applications d’appel sur les cellulaires, mais il serait aventureux de déclarer que les correspondances classiques sont mortes. S’il y a un point sur lequel tous sont d’accord, c’est que les services et l’école sont en train de sauver la paperasse. L’affluence du courrier se fait par périodes, fait savoir Michelle Fall, la responsable des arrières du bureau de Dakar étoile.
‘’En temps de concours ou de préinscription, on croule sous le poids des courriers. Mais il y a aussi les demandes d’emploi par boîte postale, les actes de notaires, les lettres d’huissiers, les banques et entreprises, les invitations de voyage etc., qui nous font parvenir beaucoup de courriers’’, explique-t-elle. L’administration écrite permet au papier de résister aux coups de boutoir de la technologie. En calculant le coefficient de pénibilité, M. Sagna estime même que dans certains cas, envoyer par la poste est plus bénéfique. ‘’Dans certains cybercafés à l’intérieur du pays, on peut payer jusqu’à 300 F CFA pour une connexion à envoyer un courriel. Alors que c’est moins cher ici’’, lance-t-il.