La guerre s’intensifie

Nit Doff et Fata ont toujours eu une relation tendue. L’un défend un rap engagé, hardcore et respectueux des codes du hip-hop, tandis que l’autre se plaît à insérer des instruments traditionnels tels que le tam-tam, abordant souvent des sujets qui se détachent de l’actualité politique. Le clash a encore éclaté entre ces deux rappeurs autour de l’engagement politique et social des artistes. Chacun traite son vis-à-vis de lèche-bottes.
Une vive altercation a éclaté entre le rappeur Fata, dit El Presidente, et Nit Doff, de son vrai nom Mor Talla Gueye. Invité par une chaîne sur YouTube, Fata a été interpellé lors de l’émission au sujet de la nomination de Kilifeu, de son vrai nom Landing Mbissane Seck, et de Nit Doff, respectivement Président du Conseil d’Administration (PCA) du Grand Théâtre Doudou Ndiaye Coumba Rose et Président du Conseil d’Administration du Fonds de Développement des Cultures Urbaines (FDCU) au ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Culture. Après avoir indiqué qu’il n’attendait rien d’eux, il déclare :
« Kilifeu a de meilleurs rapports que Nit Doff. Ce dernier, je lui ai rendu visite lorsqu’il était en prison. Mais à sa sortie, il a eu un comportement inapproprié, comme s'il cherchait à se faire valoir. Il a tendance à exhiber son côté excentrique, fou. Or, moi, j’apprécie les personnes qui expriment leur humanité », a répondu Fata.
« Aujourd'hui, il est PCA, mais il a toujours dénigré la gestion. Dieu a fait qu’il est là maintenant, attendons de voir si les autres rappeurs ne seront pas mécontents de sa gestion. Dieu fait bien les choses. Il peut prendre des discours pour se défendre aujourd'hui, mais il ne peut pas faire en sorte que tout le monde soit d’accord à l'unanimité. Sa conception de la gestion du fonds posera toujours des polémiques », a-t-il ajouté, sans mâcher ses mots.
Lorsque l'ancien président Macky Sall avait reçu, à la Présidence, des rappeurs dans le cadre du show Taaru Rap Galsen (TRG), Nit Doff avait traité de « cons » tous ceux qui s’y étaient rendus, car pour lui, Macky Sall faisait de la récupération politique. Fata El Presidente a réfuté ces accusations, soutenant qu’ils étaient dans une autre logique. « Il y avait beaucoup de difficultés dans le pays (avec les manifestations), et nous sommes allés le voir pour lui parler de notre vision des choses. Donc, si Nit Doff a parlé ainsi, c’est par manque d’écoute et de respect », a expliqué Fata.
« Ce que nous avons dit à Macky, aujourd'hui, si nous voyons Diomaye Faye, nous lui dirons la même chose sans rien changer dans le discours. La situation a changé, mais les mots peuvent rester intacts. Ça, c’est la neutralité. Mais lui, il nous a peints comme des vampires. Or, c’est grâce à ce rendez-vous que ces fonds qu’il gère sont à 1 milliard. Donc, dans la vie, il faut positiver », a ajouté celui qui se définit comme le conservateur du rap sénégalais avec des instruments traditionnels. Il note qu’il y avait dans les discussions aussi le sujet de la libération de certaines personnes qui étaient en prison, comme Karim Xrum Xax.
« Nit Doff ne m'a jamais raté », affirme Fata.
En effet, lorsque l’enfant de Louga est revenu de France, Fata a été la première personne qu’il a attaquée. Par la suite, Nit Doff a eu des problèmes avec plusieurs rappeurs, dont Xuman. Talentueux et engagé, il a imposé sa vision, son style de rap, et même certains thèmes à aborder : hardcore, rap engagé, sujets abordant les problèmes de la société, dénonciation, etc. Il a gagné la sympathie de nombreux jeunes mélomanes, notamment dans des zones comme Parcelles, Pikine, Guédiawaye et dans la région de Louga.
« Il a poussé Canabass alors qu’il était sur scène. Il a insulté la gestion d'Awadi, mal parlé de Ngaaka, critiqué Akhlou Brick. Il a insulté tout le monde. Aujourd'hui, il espère avoir une vision généraliste, regrouper des personnes. Mais ce sont les mêmes artistes qui sont là », a souligné El Presidente. Qui dit : « Il disait que je suis un fake, mais c’est lui qui a quand même prostitué le game (le rap). Il a invité les gens dans le vrai hip-hop mais a vendu ses valeurs pour de la politique et un poste de PCA. C’est lui le fake. On a compris la démarche. »
À l’en croire, la personne en soi ne le dérange pas, mais sa démarche depuis qu’il est venu dans le hip-hop. Aujourd'hui, il y a déjà une polémique sur le Fonds de Développement des Cultures Urbaines.
Emprisonnement des insulteurs
Fata s’est également prononcé sur l’actualité politique du pays concernant l’arrestation de ce qu’on appelle les insulteurs. Il souligne que dans les grandes démocraties, telles que les États-Unis, les présidents se font insulter par les citoyens sans que cela ne crée de problème. Tout en ne cautionnant pas les insultes, il soutient que les gouvernants sénégalais doivent accepter les pires critiques, même avec des gros mots, venant des citoyens. « Le gouvernement précédent a fait face à de pires insulteurs. C'est à travers les critiques qu'il a perdu le pouvoir. Les gens n'étaient choqués par les insultes que lorsqu'on parlait de leur guide religieux », a rappelé Fata.
« Si on laisse les gens dire ce qu'ils veulent, ils auront plus de liberté et la parole aura moins d'impact. Mais dès l'instant où l'on arrête les gens pour leur opinion, on crée d'autres insulteurs. Cela peut inspirer d'autres personnes frustrées. Emprisonner n'est pas une bonne démarche. Il faut libérer les gens et leur laisser dire ce qu'ils veulent. Toute personne qui se met au-devant est exposée à la critique », a-t-il ajouté, soutenant que beaucoup de choses ne leur seront pas pardonnées parce que les populations ont énormément d'espoir pour eux.
Le old school note que ce n'est pas parce qu’il y a changement de régime que toutes les personnes qui étaient frustrées avant l'arrivée de ce gouvernement vont se taire. « Ce n'est pas possible. Les gens vont s'exprimer de diverses manières. Ils veulent préserver leur électorat, c’est pour cela qu’ils emprisonnent les gens », peste Fata.
Réplique sanglante de Nit Doff
La réplique de Nit Doff ne s’est pas faite attendre. Revenant sur ce qui s’est passé lors de la visite de Fata en prison, il a révélé : « Fata, même quand tu es venu en prison, tu as tenu un discours faux comme d'habitude, en me demandant de penser à ma famille, que je dois arrêter ce combat, comme pour dire que les Sénégalais n'en valent pas la peine. Tu m’as dit : ‘Ce que j’endure en prison, si le combat était noble, tous les Sénégalais seraient là’ », a réagi le PCA du FDCU sur sa page Facebook (Meta).
« Ce combat, je le fais pour mes enfants et pour mon pays, et je n'ai aucun regret. Le fait de venir là-bas c'était juste pour ton image, pour te donner une bonne conscience et te faire passer pour un bon aux yeux de l'opinion. Si tu m'avais demandé mon avis, j'aurais refusé, parce que ‘I don't play fake games’. Aujourd'hui, tu dis sur les plateaux que je n’ai pas appelé à ma sortie de prison, parce que je suis fou et que je manque d’humanisme. D’accord, je suis fou, mais je ne suis pas faux comme toi », a-t-il poursuivi.
BABACAR SY SEYE