Publié le 30 Mar 2017 - 21:16
ERWAN DAVOUX CANDIDAT LR-LÉGISLATIVES (FRANCE)

‘‘Je trouve la visite de Marine Le Pen au Tchad choquant’’

 

Erwan Davoux est le candidat de Les Républicains (LR, droite française) aux Législatives françaises de juin prochain, dans la 9e circonscription des Français de l’étranger (Maghreb et Afrique de l’Ouest). En campagne à Dakar, EnQuête l’a accroché pour un entretien en perspective de la présidentielle.

 

Marine Le Pen s’est rendue récemment au Tchad qui est un pays important pour le dispositif sécuritaire contre le djihadisme. On sent le candidat de LR très timide en Afrique. S’avouerait-il déjà vaincu ?

Ce n’est pas ça. Nous avons une campagne très particulière polluée par les affaires. Donc il n’y a pas eu de déplacements autant que nous l’aurions souhaité. Mais les personnalités politiques de LR se sont régulièrement rendues dans la zone comme Alain Juppé. Jean Pierre Raffarin aussi qui est en même temps un grand défenseur de la francophonie. Je suis sûr que si François Fillon est élu, il réservera l’un de ses premiers déplacements à l’Afrique. Il ne faut pas sur-interpréter ces faits de campagne. Des affaires sont apparues dans la presse et François Fillon est mis en cause. Je ne fais aucun jugement mais il y a un calendrier judiciaire et un timing particuliers dans cette affaire. Quant à la visite de Marine Le Pen au Tchad, je trouve choquant qu’une candidate qui dit tant de mal des Africains ait besoin de se rendre en Afrique. On ne peut pas prétendre avoir des relations avec les chefs d’Etat africain et mépriser les Africains eux-mêmes. Cela m’a un peu surpris.

Comment expliquez-vous cette poussée de l’extrême droite en France ?

De plus en plus de Français considèrent que le système politique ne fonctionne pas normalement. Qu’ils sont perdants, qu’ils n’ont pas d’espoir. Marine le Pen représente pour beaucoup l’espoir de casser le système. Peut-être le dernier. Le dégoût des Français pour la politique, ou le rejet, est largement justifié. En revanche, je pense que l’exprimer en portant son choix sur la candidate du FN est une erreur. Le système sera peut-être cassé, mais la France se trouvera dans une situation plus préoccupante qu’elle ne l’est actuellement.

Aux hommes politiques de redonner aux français un cap, de l’espoir. Ils doivent le faire en évitant de reprendre les thèmes du Front national dans les débats. C’est en vulgarisant qu’on les rend légitimes. Parlons de croissance, de sa perte d’influence en Europe et dans le monde. Arrêtons de parler immigration et sécurité, sinon ça va finir par faire croire que le FN avait raison. Il faut un programme économique et social que porte François Fillon pour redémarrer. La France est décrochée en Europe par rapport à l’Allemagne et la Grande Bretagne. Il y a des  réformes que nous avons sans cesse différées. Le pays a besoin d’alternance. L’Extrême droite n’a pas changé. Ne comptez pas sur moi pour faire la moindre concession au Front national. L’extrême droite est mon  ennemie, la gauche mon adversaire.

Donald Trump a été élu aux USA ; Gert Wilders battu aux Pays-Bas ; la Grande Bretagne quitte l’Europe. A quoi devrait-on s’attendre en France pour la présidentielle d’avril ?

Il y a une tentation populiste un peu partout qui est due aux crises économiques et identitaires. Mais le rôle des hommes politiques ne doit pas être d’entretenir cette peur. Ils doivent se dire : ‘‘Voilà ce que je souhaite pour mon pays dans dix ans et voilà comment je vais vous y conduire !’’ Il faut être visionnaire comme le Général De Gaulle et ne pas jeter de l’huile de feu auprès des populations qui sont parfois inquiètes à juste titre. Pour la France, il y a le chômage de masse que ce quinquennat n’a pas permis de résoudre. Ils sont inquiets, mais c’est aux hommes politiques de fixer le cap et d’arrêter de jouer sur les peurs, les appréhensions. Quand on joue sur les inquiétudes et les instincts, on cause des extrémismes.

Comment instaurer une nouvelle politique africaine de la France sans qu’on ne pense à la Françafrique ?

On doit totalement dépasser ce paternalisme, cette ‘‘Françafrique’’. Les classes moyennes émergent. Il y a un rapport d’égalité. Je souhaite que le lien entre l’Afrique et la France ne se distende pas. Ce serait une erreur. C’est réciproque, toutes deux ont besoin l’une de l’autre. Nous devons le faire sur de nouvelles bases. La Françafrique reposait sur un système où la France décidait de ce qui devait se passer en Afrique. Ça, c’est terminé ! Nous ne sommes plus à l’ère postcoloniale, nous sommes à une autre époque. Nous avons des intérêts communs en revanche : la défense d’une langue, des intérêts économiques, des enjeux sécuritaires. Construisons un partenariat d’égal à égal en diversifiant les acteurs. Il y a la jeunesse, les Ong, la société civile qui ont vocation à être intégrées dans cette  relation à construire.

Que dites-vous aux Français de   la 9e circonscription ?

Je leur dis : vous avez été maltraités par le pouvoir socialiste qui vous a fait beaucoup de promesses qu’il n’a pas tenues. Les gens qui sont en difficulté d’un point de vue social le sont toujours. Les binationaux qui votent traditionnellement à gauche ont cru que la gauche allait leur donner plus de droits mais elle a essayé de leur imposer la déchéance de nationalité. Il faut tourner cette page. Je les invite à me suivre pour construire le projet d’une France forte qui rayonne dans le monde et qui est ouverte sur le monde. Si elle ne l’est pas, elle ne comptera plus dans le concert des nations.

OUSMANE LAYE DIOP

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