La recette du chef d’État-major de l’armée de l’air
Pour faire face aux nouvelles formes de violences en tout genre en Afrique, il urge d’avoir une approche collaborative de toutes les forces, selon le chef d’État-major de l’armée de l’air du Sénégal, le général de brigade aérienne Papa Souleymane Sarr.
Venu présider la cérémonie d’ouverture de la 2e édition du forum Africa Air Force, le chef d’État-major de l’armée de l’air du Sénégal a confié que le continent africain fait l’objet de plusieurs menaces complexes et tenaces depuis des décennies. De nombreuses régions de l’Afrique orientale, subsaharienne et centrale, d’après le général de brigade aérienne Papa Souleymane Sarr, sont soumises à la violence meurtrière et sans distinction du fondamentalisme religieux, dont le djihadisme demeure le stade suprême de son parachèvement.
‘’Ce fléau, dit-il, est alimenté par la déliquescence d’une jeunesse désœuvrée en perte de repères et de modèles, qui nourrit un ressentiment profond de désespoir vis-à-vis d’une société mercantilisée et des politiques publiques peu efficaces au vu des enjeux du moment. En effet, face à un ennemi à l’éthique douteuse, bénéficiant de la démocratisation de la technologie pour déstabiliser notre volonté de vivre en commun, nous avons l’obligation d’adopter une approche collaborative en surmontant nos fractures et nos divergences. La capacitation et la modernisation de nos armées de l’air africaines sont une étape majeure dans ce processus, en évitant toutefois d’être victimes de cette vaine course à la technologie, perdue d’avance pour nos pays en voie de développement’’.
Le général Sarr considère aussi qu’il faut la ferme volonté de mettre en synergie les expériences et les moyens pour développer une interopérabilité et élaborer des stratégies communes d’une utilisation efficiente de l’arme aérienne.
En effet, le chef d’État-major de l’armée de l’air souligne que l’impact du réchauffement climatique sur le continent africain crée une forte tension sur les ressources vivrières et énergétiques, et risque de réveiller les velléités postindépendances en embrasant plusieurs régions dans des conflits de haute intensité. À cela s’ajoutent les activités criminelles transnationales qui profitent de la perméabilité des frontières et des espaces maritimes africains, pour mener des actions subversives à large échelle, menaçant de ce fait leur souveraineté et leur unité en tant que nation.
‘’Ainsi, explique l’officier, l’analyse de cette conflictualité africaine laisse un tableau peu reluisant et dessine un contour incertain de menaces protéiformes qui demande plus d’engagement et d’unité afin d’élaborer ensemble des solutions innovantes, gage de notre survie’’.
Les armées de l’air à l’épreuve des drones
Le général Sarr a ensuite insisté sur la dynamique de partage d’expériences et de connaissances pour pouvoir adapter les capacités des armées aériennes, notamment dans l’emploi des drones dans les conflits modernes.
‘’En effet, le changement de paradigme noté dans l’usage des drones dans des conflits majeurs durant ces trois dernières années a révolutionné les rapports de force dans la troisième dimension. L’utilisation massive d’engins téléguidés, rendue possible par l’accessibilité de la technologie et les coûts dérisoires de sa mise en œuvre, dont certains détournés de leur but civil principal, devient une véritable menace pour toute armée de l’air, aussi moderne qu’elle puisse être. Les bulles de protection des défenses antiaériennes les plus sophistiquées et par conséquent les plus onéreuses se sont révélées d’une relative efficacité face à une horde d’engins téléguidés à l’acquisition très accessible à tout utilisateur étatique ou non’’, alerte-t-il.
Ainsi, à ses yeux, ces engins téléguidés constituent des outils essentiels qui, employés en complémentarité avec les plateformes habitées, permettent d’agir efficacement sur tout le spectre de la conflictualité. ‘’Ainsi, une problématique essentielle s’adresse aux détenteurs régaliens de la puissance aérienne que nous sommes et s’intitule comme suit : comment préserver notre liberté d’action dans l’emploi combiné des plateformes habitées et téléguidées, tout en bridant celle de l’adversaire à inhiber nos actions ?’’.
Cette question existentielle pour l’avenir de nos armées de l’air sera disséquée et analysée sous ses différents aspects, tout au long des panels et présentations qui animeront les deux jours d’échanges. ‘’Fort heureusement, les différentes expériences et expertises capitalisées dans l’emploi de l’arme aérienne sur différents théâtres des opérations seront un atout majeur pour approfondir la réflexion sur ce sujet éminemment important. Nous avons également voulu, à travers ce forum qui nous réunit aujourd’hui, contribuer à l’amélioration des mécanismes sous-régionaux et régionaux de la construction d’une sécurité collective performante et résiliente à travers une démarche inclusive qui a guidé depuis l’aune des indépendances les pères fondateurs de nos différentes nations’’, a laissé entendre le chef d’État-major de l’armée de l’air du Sénégal.
CHEIKH THIAM