Non ! Le lait en poudre vendu au Sénégal est différent de celui commercialisé en Europe
‘’Les produits laitiers qui sont vendus en Europe sont exactement les mêmes que ceux qui sont commercialisés au Sénégal. La qualité de nos produits demeure la même quel que soit l’endroit où nous produisons, que ce soit en Afrique, en Europe ou en Amérique’’, a affirmé l’administrateur général de Nestlé Sénégal Issa Sanogo. Mais, cette allégation est fausse.
La polémique autour de la qualité du lait en poudre commercialisé au Sénégal prend de l’ampleur. Selon, l’administrateur général de Nestlé Sénégal Issa Sanogo, la qualité du lait vendu en Europe correspond à celle que l’on trouve sur le marché sénégalais. ‘’Les produits laitiers qui sont vendus en Europe sont exactement les mêmes que ceux qui sont commercialisés au Sénégal. La qualité de nos produits demeure la même, quel que soit l’endroit où nous produisons, que ce soit en Afrique, en Europe ou en Amérique’’, a-t-il déclaré en marge d’un colloque sur la sécurité sanitaire des aliments, estimant que ‘’qualité ne rime pas avec uniformité d’ingrédients’’.
Mais un rapport du Réseau Action Climat, Oxfam France et Greenpeace intitulé ‘’Dans les coulisses de l’élevage d’exportation bas de gamme’’ démontre le contraire de ce qu’a affirmé l’administrateur général de Nestlé Sénégal. Les ONG y dénoncent une méthode consistant à ‘’exporter à bas coût, dans des pays tiers des produits de faible qualité dont les consommateurs européens ne veulent pas’’. En effet, pour elles, ce modèle alimentaire consiste à produire de manière intensive pour ‘’exporter massivement et non pour nourrir localement sa population’’: https://www.oxfamfrance.org/wp-content/uploads/2022/10/Les-coulisses-de-...
De plus, d’autres spécialistes, comme la Nutritionniste-diététicienne Bintou Cheikh Seck, attestent que le lait Nido que l’on trouve dans les magasins sénégalais est différent de celui vendu en Europe. Une étude sur un échantillon de 500 g de lait Nido a été réalisée à l’Institut de technologie alimentaire. Après avoir consulté les résultats que lui a présentés AJ+ français, elle relève que le citoyen français consomme du lait entier contrairement au consommateur sénégalais. ‘’Le lait vendu en Europe et en Amérique, c’est du vrai lait. Mais ce qu’on retrouve ici c’est un produit de remplacement. On ne peut pas appeler ça du lait’’, a-t-elle soutenu. https://www.youtube.com/watch?v=NU9IYduw0RE
D’ailleurs, en Europe, il y a la mention ‘’lait entier’’ sur le sachet de conservation du produit que l’on trouve dans les grandes distributions. Et Bintou Cheikh Seck note que le lait Nido vendu au Sénégal ne figure pas sur la liste officielle des produits laitiers de l’Union européenne. En d’autres termes, ‘’l’Union européenne ne considère pas ce produit là comme du lait’’, dit-elle. N’ayant pas à sa disposition la liste des marques de lait autorisées à vendre leur produit en Europe, ‘’EnQuête’’ a recueilli les témoignages de Sénégalais qui résident en Occident.
Alioune Ndoye vit en Italie, depuis plusieurs années, avec sa famille. Il confie : ‘’Il n’y a plus de lait en poudre dans les magasins ou supermarchés italiens. On peut en trouver en Italie certes, mais, seulement dans les boutiques africaines ou asiatiques. Auparavant, les Italiens utilisaient le lait en poudre uniquement pour les nourrissons, ce n’est plus le cas. On ne peut pas comparer le lait entier et celui en poudre. Il n’y a pas photo’’. La sénégalaise Ndèye Binta Dia est en France dans le cadre de ses études universitaires. Elle témoigne que le lait en poudre est utilisé par les Français, mais, ce produit diffère de celui que l’on trouve au Sénégal. Photos à l’appui, elle a montré la composition du lait en poudre de la marque Nido (Code barre : 871500099830).
En effet, le lait entier en poudre Nido de la marque Nestlé distribué avec une quantité de 2.5kg sur le marché européen est composé, entre autres, de 28.2 g de matières grasses, de 25.7 g de protéines, de 0 % de noix et huiles de colza: Code-barres: 8715000931842 (EAN / EAN-13/). Pour ce qui est de la société Régilait, le lait en poudre est réalisé à partir de lait liquide. 90% d’eau ont été enlevés pour qu’il ne reste que l’essentiel du lait. Ainsi, il est composé de 2067 kJ / 494 Kcal, de 26 g de matières grasses (dont 16.5 g acides gras saturés), de 39 g sucres, de 26 g de protéines, et de 0.8 g de sel.
Or, le lait commercialisé en Afrique de l’Ouest est du lait de vache rengraissé à l’huile de palme. Ce produit est fait à base de lait écrémé, donc, du lait dont on a retiré la crème et qu’on a ensuite ré-engraissé avec de l’huile de palme, une huile végétale bon marché très accessible. Ainsi, dans les 500 g (petite quantité) du lait Nido analysé plus de 30% sont des lipides (graisses). En plus de l’huile de palme, il y a du sucre à ajouter dans le Nido, alors que le lait de vache est très riche en lactose (sucre naturel). Ce qui porte le chiffre total du glucide à 41,49% sur 500 g. ‘’C’est problématique, parce que ça augmente la quantité de sucre raffiné que les consommateurs absorbent’’, regrette la nutritionniste.
Cette idée est réconfortée par l’analyse chimique faite par Pr. Yvan Larondelle (UC Louvain), bio ingénieur spécialisé en qualité nutritionnelle des matières grasses alimentaires, sur la demande de SOS Faim. Les succédanés de lait aux matières grasses végétales (MGV) provenant de 13 marques différentes (Gloria, Mixwell, Dano, Ndeki, Laclait, Rose, Vitalait, Vivalait, Halibna, Bonilait et Étoile) ont ainsi été analysés et comparés à ceux d’échantillons de poudres de lait entier ‘’classiques’’ sans MGV. Selon l’étude, la composition chimique des poudres varie fortement d’une marque à l’autre.
Affirmer que le ré engraissage à l’huile de palme ne change rien au niveau de la santé des consommateurs sur base du simple fait que les teneurs en acides gras saturés sont comparables dans le produit de base et dans le produit rengraissé constitue donc un raccourci choquant pour le professeur Larondelle (https://www.sosfaim.be/wp-content/uploads/2019/09/defis_sud_faux_lait.pdf). Sur le plan toxicologique, le professeur de biochimie à la faculté des Bio ingénieurs de l’UC Louvain rassure qu’il n’y a pas de risque global, mais, il attire l’attention sur les marques Vivalait et Vitalait, respectivement commercialisées au Mali et au Sénégal.
Compte tenu de tout cela, dire que la qualité du lait en poudre qui est commercialisé au Sénégal correspond à celle que l’on trouve sur le marché européen est faux.
BABACAR SY SEYE ET MOR AMAR