Publié le 18 Dec 2012 - 05:45
FOOTBALL

Entre Drogba et la Fifa, la guerre du droit n’aura pas lieu

 

Didier Drogba interdit de transfert vers l’Europe en cette fin d’année 2012, c’est une occasion manquée de mettre un coup de pied dans la fourmilière des règles du football. C’est aussi la preuve que l’intérêt des compétitions peut encore primer. Dix-sept ans après l’arrêt Bosman, il n’y aura pas d’arrêt Drogba…

 

Le 22 novembre dernier, la Fifa refusait à Didier Drogba la dérogation qu'il avait demandée pour être prêté à un club européen par le Shanghai Shenhua avant l’ouverture du prochain mercato. L'attaquant ivoirien souhaitait revenir jouer en Europe, le championnat de Chine étant terminé, pour peaufiner sa préparation avant la Coupe d'Afrique des nations qui débute le 19 janvier. Mais la fédération internationale a rejeté sa requête en s’appuyant sur l’article 6.1 du statut et du transfert des joueurs qui stipule qu’ « un joueur ne peut être enregistré qu’au cours de l’une des deux périodes d’enregistrement annuelles fixées à cette fin par l’association [continentale] concernée ». Didier Drogba ne pouvait donc revenir en Europe que lors du mercato d’hiver, soit à partir du 1er janvier 2013.

 

Sagement, le joueur s’est plié à la décision de la Fifa, qu’il voit comme une réponse « logique » à une demande « spéciale ». Mais cette logique est surtout celle des autorités du football (Fifa, UEFA, etc.), des organismes privés qui édictent leurs propres règles, parfois au mépris du droit qui régit dans le reste de la société les rapports entre employeurs et salariés. On se souvient qu’en 1995, le Belge Jean-Marc Bosman avait mis à terre toutes les règles de l’UEFA concernant les quotas de joueurs étrangers ressortissants de l'Union européenne dans un club. La Cour de justice des Communautés européennes avait alors estimé que la libre circulation des travailleurs primait sur les règles de l’UEFA.

 

Le précédent Gravelaine

 

Didier Drogba n’a pas souhaité engager de bras de fer avec les autorités du football. Pourtant, son cas était plaidable. En 2003, les avocats marseillais Michel et Serge Pautot avaient défendu avec succès Xavier Gravelaine. Laissé libre par l’AC Ajaccio, l’attaquant aux dix-sept transferts avait souhaité s’engager avec Istres au cours de la même saison, ce que la Fédération française de football avait alors refusé en s’appuyant sur son propre règlement. L’affaire avait été portée devant la Fifa. En mettant en avant « une atteinte au droit du travail », les avocats marseillais avaient finalement obtenu gain de cause de la part de l’instance internationale.

 

« Pour Didier Drogba, il y avait une faille dans laquelle on pouvait s’engouffrer à la suite du précédent Xavier Gravelaine », estime Michel Pautot. Egalement conseil de footballeurs professionnels, l’avocat parisien Olivier Khatchikian pense que « l’on pourrait obtenir une exception d’illégalité du règlement Fifa. En démontrant par exemple que le salaire de Didier Drogba n’était pas versé [ce qui a bien failli être le cas en début de saison, ndlr], il est évident que l’interdiction de transfert n’aurait pas tenu ».

 

Le système des transferts est une construction purement sportive qui enfreint de nombreuses lois. Si les règles de la Fifa ou de l’UEFA semblent légitimes au regard de l’équité des compétitions, le droit international, ou tout du moins communautaire, devrait leur reconnaître une spécificité. A défaut, un séisme tout aussi important que le fut l’arrêt Bosman pourrait à n’importe quel moment rebattre les cartes du football international. Pour l’heure, si Didier Drogba n’entend pas être le nouveau Bosman, il a toutefois adressé un message fort à l’intention des clubs européens : il s’ennuie en Chine dans un championnat trop faible et se verrait bien regagner le Vieux Continent.

 

 

RFI

 

 

Section: