Publié le 20 Mar 2013 - 22:05
FRANÇOIS MOSCONI, MEMBRE DE L'ASSEMBLÉE DE CORSE

«Il n'y a pas de mafia en Corse»

François Mosconi, maire divers gauche de Conca, un petit village de Corse du sud d'un millier d'habitants,, est aussi membre élu à l'Assemblée de Corse. De passage au Sénégal, cet homme d'affaires a accordé un entretien à EnQuête, dans lequel sont abordées les aventures d'étudiants sénégalais établis dans l'île de Beauté, mais aussi l'image «mafieuse» qui colle à la réputation de ce territoire français assez particulier, terre natale de Napoléon Bonaparte.

 

En deux mots, qui êtes-vous, pour nos lecteurs ?

 

Je m'appelle François Mosconi, on me surnomme Fanfan. Je suis le maire du village de Conca, en Corse. En même temps, je suis élu à l'Assemblée de Corse et je préside la compagnie aérienne Air Corsica.

 

Quel est le motif de votre visite au Sénégal ?

 

Je viens souvent en vacances au Sénégal, sur la Petite Côte, et là, nous venons d'organiser une opération de remise de dons avec quelques uns de mes contacts dans le pays. Ces derniers m'ont demandé de l'aide pour mobiliser les réseaux afin d'avoir le plus de matériel possible. Nous avons rassemblé beaucoup de vêtements et de draps entièrement neufs, des couvertures, des jouets, toutes sortes de matériel pour aider les plus démunis au Sénégal. Nous avons commencé par la pouponnière «Vivre Ensemble» de Mbour. Une autre cérémonie du même genre est prévue à l'Empire des enfants de la Médina.

 

«Il y a 5 ou 6 ans, on retrouvait des Sénégalais à l'université de Corse, mais qu'à un certain moment, ils n'avaient même pas de quoi se nourrir.»

 

Combien avez-vous dépensé pour tous ces dons ?

 

Nous avons déboursé une valeur de 30.000 euros (environ 20 millions FCfa). Une société en corse nous a donné des habits neufs, d'une valeur de 15.000 euros, et d'autres ont complété le reste. Ce n'est qu'une première étape, parce que nous allons poursuivre cette initiative, maintenant que l'affaire est lancée. Je reçois des coups de fils, de toutes parts, de gens qui veulent faire des dons. Nous allons nous organiser un peu mieux, parce que pour une première, nous sommes partis un peu à l'aventure. Cette fois-ci, nous avons décidé de travailler avec les autorités, pour savoir comment aider les plus démunis. Par exemple, j'ai remarqué une chose au Sénégal, tous les gosses n'ont pas de jouets pour Noël, alors que chez nous ils en ont trop !

 

Maire d'une collectivité locale, pensez-vous à un jumelage avec une collectivité locale sénégalaise ?

 

Oui bien sûr ! Ceci n'est qu'une première étape, il y aura d'autres actes qui seront posés, d'autres contacts et des jumelages. J'ai proposé au ministre Abdou Latif Coulibaly de venir en Corse, voir un peu ce qui s'y passe. Ce que les gens ignorent, c'est qu'en Corse, il y a beaucoup de Sénégalais mais ils sont un peu isolés. Il n'y a pas d'organisation pour les conseiller. Ils viennent souvent me voir par l'intermédiaire d'un ami sénégalais. J'ai dit au ministre que, il y a 5 ou 6 ans, on retrouvait des Sénégalais à l'université de Corse, mais qu'à un certain moment, ils n'avaient même pas de quoi se nourrir. Donc j'ai organisé, avec le maire du village de Forté, une rencontre avec eux et, finalement, ils avaient été pris en charge par le maire de Forté qui est un de mes vieux amis.

 

«Il y a 5 ou 6 ans, on retrouvait des Sénégalais à l'université de Corse, mais qu'à un certain moment, ils n'avaient même pas de quoi se nourrir.»

 

Ici comme ailleurs, la Corse renvoie à mafia, extorsions de fonds, crimes crapuleux...

 

Il ne faut pas regarder la Corse à travers les médias qui en donnent une très mauvaise image. La Corse n'a rien à voir avec cela car les Corses sont généreux, solidaires, honnêtes et travailleurs. Mais en Corse, il y a des meurtres, ce sont des règlements de comptes, avec le de bandes qui font des hold-up ensemble et dont le partage du butin se passe mal. En outre, ce ne sont ni des visiteurs, ni des gens honnêtes qu'on tue . Il faut savoir qu'il n'y a pas de mafia en Corse, parce que la Mafia c'est une organisation. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problèmes, des histoires de drogue ou autres. Ce serait mentir car ce phénomène existe partout dans le monde. Nous pensions que la Corse y échapperait, mais cela arrive aussi chez nous comme je suppose que c'est le cas ici ou à Marseille. Vous savez, dès qu'il se passe quelque chose en Corse, on le grossit, on veut nous faire passer pour de mauvaises gens. Il faut interroger les Sénégalais qui y sont, ils sont tranquilles, il n'y a absolument aucun problème de racisme, n'y rien du genre. Le Corse n'est pas raciste, mais il est vrai tout autant que notre population est de nature nationaliste et veut même l'indépendance ; même si elle s'est calmée maintenant. Nous vivons tranquillement, sans peur.

 

 

 

On voit aussi que les clubs de football comme Ajaccio et Bastia parlent souvent d'injustice à leur encontre.

 

Sur tous les stades de France, du Sénégal ou du monde, il y a des supporters. Il ne se passe rien d'exceptionnel en Corse, c'est vrai qu'on nous a collé une mauvaise image. C'étaient deux clubs corses, Ajaccio et Bastia, qui se battaient sur le terrain ce jour-là, mais il n'y avait que deux Corses, sur les 27 joueurs. Ce sont des gens du continent (venus d'autres régions de France ou d'autres pays) qui se battaient, pas les Corses. À la fin du match, il y a eu quelques échauffourées entre supporters. Les joueurs fautifs ont été sanctionnés, ce qui est tout à fait normal parce qu'ils se sont battus entre eux alors qu'ils sont payés pour jouer au football. Le problème, c'est que lorsqu'il s'agit de la Corse, on s'en donne à cœur joie. Il y a des bombes dans d'autres stades du monde, les gens n'en parlent pas ou si peu, mais quand une bombe agricole explose en dehors du stade de Bastia, tout de suite on tombe à bras raccourcis sur les Corses. Quand ça se passe en Corse, c'est tout de suite monté en épingle !

 

«Quand vous voulez vendre des journaux en France, il faut mettre un gros titre sur la Corse. L'hebdomadaire «Le Point» le fait, de même que «l'Express». Dès qu'ils titrent sur la Corse, ils vendent plus de journaux.»

 

Et pourquoi cela ?

 

Vous savez, quand vous voulez vendre des journaux en France, il faut mettre un gros titre sur la Corse. L'hebdomadaire «Le Point» le fait, de même que «l'Express». Dès qu'ils titrent sur la Corse, ils vendent plus de journaux, alors que dans leurs articles il ne figure rien d'extraordinaire. Cela n'empêche pas qu'il y a 2,5 millions de touristes qui viennent tous les ans en Corse. Encore une fois, il y a eu des problèmes, comme ce jeune qui s'est fait tuer récemment par un gars qui surveillait une discothèque... Moi, je suis un élu mais je ne me promène jamais avec une arme, parce que je ne me sens pas menacé. Il y a eu un autre mort cette nuit (NDLR : l'entretien s'est déroulé le 11 mars 2013), mais c'est une histoire de vengeance. Je ne sais pas si, chez vous, il y a des vengeances, mais connaissant les Sénégalais, je suppose qu'ils ne supportent pas qu'on tue quelqu'un des leurs, surtout quand il n'a rien fait. J'estime que c'est une réaction normale.

 

La Corse, une région normale alors ?

 

La Corse est un pays d'accueil. C'est un pays normal, un très beau pays. Et j'ai proposé au ministre Abdou Latif Coulibaly de venir nous rendre visite. Saviez-vous que le prestigieux Tour de France, démarre en Corse cette année ? En plus, c'est la centième édition ! Vous pensez que l'organisation du Tour de France serait venue en Corse s'il y avait un danger pour les coureurs cyclistes ? Il n'y aura que des champions et toute la caravane passera par là. Il faut se départir ces clichés là, il n'y a pas de mafia en Corse. Ces dons que nous venons faire au Sénégal, c'est une manière de redorer le blason de la Corse, qui est galvaudé par certains médias français, pas tous, mais par les plus lus et les plus écoutés. Vous savez, le Sénégal et la Corse, c'est une longue histoire, des Tirailleurs sénégalais ont participé à la libération de la Corse, ils ont versé leur sang et beaucoup de Corses ont occupé des postes ici au Sénégal, avant l'indépendance. Et ce sont des hommes de mon village qui ont créé le siège de la Corse qui se trouve sur la Corniche-Est et qui existe depuis 60 ans (NDLR : «Club des Corses»). Il faut que notre image soit valorisée ! Un cliché

 

PAR KHADY FAYE

 

 

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