Publié le 29 Nov 2019 - 00:39
HABIB NDIAYE, PSYCHOLOGUE CONSEILLER, TRAVAILLEUR SOCIAL

‘’Un sentiment teinté à la fois de colère et de dégoût’’

 

Lesconséquences des brimades infligéesaux jeunes enfants talibés passent par pertes et profits,
aux yeux de beaucoup de personnes, notamment lesadeptes de cette forme d’éducation. Dans
cet entretien, le Psychologue Conseiller, Abib Ndiaye, décrypte les effets de cette violence surces
âmes sensibles.
 
 
Vous avez suivi l’actualité et avez sûrement vu ces enfants talibés enchainés par leur marabout. Que vous inspire cette situation ?

C’est un sentiment teinté à la fois de colère et de dégoût que m’ont inspiré les photos des enfants victimes des atrocités relatées dans la presse. Aucun projet éducatif ne peut justifier de telles pratiques qui constituent une négation flagrante de la dignité de l’être humain. Pour rappel, les mêmes fers ont servi, quelques siècles auparavant, à enchaîner des esclaves. Aurions-nous autant régressé !?

Certains plaident en faveur du marabout et des parents. Ils trouvent même normal ces sévices et défendent que c’est grâce à cela que l’enfant ne sera pas un délinquant plus tard. En tant que psychologue, est-il vrai qu’un enfant brimé peut être sauvé de la délinquance ?

La violence envers un enfant est un aveu d’impuissance de l’adulte. Un enfant brimé est un adulte à fort potentiel de comportement violent qui est susceptible de reproduire les mêmes actes violents, ou pire, lorsqu’il sera investi de pouvoir ou d’autorité sur autrui. De nombreux facteurs facilitent ce passage à l’acte violent : les stigmates laissés par les actes violents dans l’inconscient de l’enfant, mais aussi sur son corps ; la représentation que cet enfant, devenu adulte, s’est faite de l’autorité et de la puissance tout au long de sa vie ; un environnement non protecteur, voire complice, situation qui conforte l’enfant dans sa condition de laissé-pour-compte, à la merci de l’adulte tout puissant ; une absence de prise en charge sociale précoce et continue pour corriger les schémas cognitifs (façons de penser le monde et les choses) qui promeuvent la violence comme mode de réponse à certaines situations…

Ce n’est pas en brimant l’enfant, en lui faisant subir des sévices, que l’on pourra le sauver de la délinquance. Il faut plutôt s’attaquer aux facteurs et situations qui sécrètent les germes de la délinquance : la maltraitance, la négligence, la faim, l’absence d’un contrôle social respectueux de la dignité de la personne humaine qu’est l’enfant, le défaut de valorisation de la personne de l’enfant… On peut brimer, forcer l’enfant par la contrainte à adopter des attitudes ou comportements. Mais, à la première occasion, les schémas cognitifs à l’origine des comportements réprimés seront reproduits, souvent en signe d’affirmation, de prise d’autonomie, de décision ou de rébellion face à l’autorité de l’adulte qui agresse, qui ne donne pas de la valence positive et constructive, qui ne fait pas preuve de bienveillance. 

Lorsque les pratiques ne sont pas en phase avec les règles de la vie en société, il convient de les bannir ou, à défaut, les adapter. Sans quoi, on tombe dans la marginalité. Et c’est ce qui s’est passé avec les pratiques d’un autre âge perpétrées sur ces enfants.

Quelles sont concrètement les répercussions que des sévices corporels peuvent avoir sur la santé mentale, le développement psychologique d’un enfant ?

Comme je le disais tantôt, les stigmates laissés sur l’inconscient et le corps de l’enfant restent profondément inscrits en lui. Cela est souvent à l’origine d’un mal-être profond qui se cache derrière des comportements addictifs (consommation de tabac, d’alcool, de drogue, pratiques sexuelles dangereuses, etc.), une sociabilité sujette à caution, et dans de très rares cas, une absence quasi-totale de signes de perturbation psychique ou comportementale qui serait liée à une grande capacité de résilience. En brimant un enfant, on travaille à produire un brimé, un être cassé dans sa chair, donc une personne de valoir moindre. Et si, par un concours de circonstances, la vie l’expose à des facteurs suggestifs (puissance financière solide, force physique, ascendant mental sur une autre personne), la porte est ouverte pour la reproduction des comportements violents. Ce qui est dommageable pour lui, son entourage proche et la société.

Quelle est la meilleure manière de remettre un enfant sur le chemin que les parents jugent droit ?

 Remettre un enfant sur le chemin que les parents jugent droit ? Nous devons d’abord nous interroger sur les ferments ayant permis à la délinquance de germer et de se développer chez l’enfant. De l’amour inconditionnel, du respect, de la valence positive (dire des choses aimables et non dévalorisantes, accorder de la valeur à ce que fait l’enfant, lui faire des feed-back constructifs qui n’agressent pas son Moi…). Voilà ce dont a besoin un enfant pour que l’on puisse espérer le voir cheminer en parfaite intelligence avec son entourage familial. De l’amour, il en faut tous les jours, à chaque instant, du respect aussi, de la bienveillance…

Voilà quelques-uns des ingrédients pour un enfant sain d’esprit et équilibré qui devra bénéficier d’un environnement aimant et protecteur, non traumatisant. Prenons le temps de répéter, de faire et refaire les actes à valence positive que nous souhaitons voir reproduits par nos enfants. Prenons le temps d’apprendre aux enfants à apprendre sans violence, car la violence est un aveu d’impuissance à établir une relation humaine mutuellement valorisante. 

Par Bigué BOB

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