Les marchands ruminent leur colère et indexent le maire du Plateau
Après l’incendie du samedi, de nouvelles échauffourées ont eu lieu hier à Petersen, entre les marchands tabliers et les volontaires de la ville de Dakar. Il y a eu des blessés du côté des marchands. Deux d’entre eux sont dans un état grave.
Des policiers en stationnement ; d’incessants va-et-vient ; çà et là de petits groupes de badauds ou de commerçants tabliers. Partout les vestiges d’une bataille rangée. A l’odeur du brûlé, s’ajoute un spectacle désolant : des cantines brulées, du bois cassé, des tas de cendre forment le décor à Petersen. Outre, le désordre, la tristesse se lit sur la plupart des visages. Il s’agit en majorité de jeunes commerçants qui n’ont que leurs yeux rougis pour constater les dégâts causés par l’incendie de la veille. D’aucuns assis en petit groupe sur des pierres près de la rangée des cantines brûlées commentent les événements qui se sont déroulés sous leurs yeux. Ils déversent leur colère sur la mairie de leur localité, et de manière globale sur les autorités.
Habillé de culotte noire, tee-shirt de même couleur, Baba Diop souligne que toute sa marchandise a été emportée par le feu. ‘’Je vends des chaussures, mais, je n’ai rien récupéré, depuis hier (samedi). J’ai tout perdu. L’incendie s’est produit ce même jour, vers 09h’’, répète-t-il comme une litanie. Il est déboussolé. La valeur de ses marchandises est évaluée à 3 millions de F CFA. Il n’est pas imaginable, selon lui, que l’Etat qui veut réduire le taux de chômage des jeunes demande à ce que l’on chasse les jeunes qui gagnent leur vie honnêtement. Il se demande dans quel Sénégal nous sommes. Sur l’incendie, il déclare sans ambages qu’il est le fait des agents venus les déguerpir. ‘’Celui qui a causé le désordre est dans leur groupe. Les volontaires sont venus nous dire de quitter les lieux. Avant qu’on ne termine de ranger nos affaires, ils ont brulé le marché. J’ai vu de mes propres yeux l’un d’entre eux verser de l’essence et allumer une cantine. Personne ne me l’a raconté’’, déclare-t-il.
Plus loin, Aliou Touré est lui plus affirmatif et avance le nom ‘’Papa’’. Il assure qu’il est à l’origine de l’incendie. Il raconte la même scène. Debout devant ses camarades, Aliou ajoute que les « nervis » étaient armés jusqu’aux dents. ‘’J’ai vu des armes : machettes, couteaux dans leur véhicule. La télévision a montré des balles perdues. J’ai eu de la chance, je me suis sauvé, car ils m’ont visé. Une pierre m’a blessée au mon doigt’’. Il montre son doigt.
‘’Nous avons reçu une sommation, après le Magal de Kazou Rajab’’
A côté de lui, Cheikh Diop poursuit : ‘’Balein C’est après le Magal de Kazou Rajab qu’ils nous ont remis une sommation, nous notifiant que nous avions trois jours pour quitter. Mais, les marchands ambulants se sont passés l’information et ont déserté les lieux. Un agent est venu nous dire que nous pouvions continuer à vendre, nous qui avons des tables. Que ce n’est plus la peine de quitter’’. Le marchand de confier que si ces ‘’nervis’’ (il insiste et explique que parmi les gens venus les déguerpir, certains n’étaient pas en tenue) ont eu l’audace d’incendier le marché, c’est parce qu’ils ont reçu des consignes du maire.
Maintenant que le mal est fait, ils comptent trouver un financement pour continuer à gagner leur vie. En attendant, ils réclament des dédommagements pour les dégâts causés par les volontaires de la ville de Dakar et réfutent les accusations du maire du Plateau Alioune Ndoye qui a déclaré devant la presse que ce sont les marchands eux-mêmes qui ont mis le feu pour saboter l’opération de déguerpissement.
‘’ Deux blessés graves notés’’
Hier dimanche, les volontaires sont revenus et il y a eu des échauffourées qui ont fait deux blessés graves parmi les marchands. L’un est admis à l’hôpital Fann. Le second reçoit des soins au centre de santé Dakar plateau. Il s’agit de Baye Modou Diagne que nous avons rencontré. Il a été blessé à l’arme blanche. Le vendeur de ceintures loge à Keur Serigne Bi. Alors que nous étions là, le médecin a confirmé qu’il a reçu des coups de couteau au pied et sur le dos. L’autre blessé, Dame Badiane, est leur délégué de marché. L’hôpital Fann, expliquent les marchands, lui réclame 900 000 F CFA pour les soins dont il a besoin.
Revenant sur l’incendie, Lamine Gaye signale qu’aucune autorité, à part le préfet, le commissaire central et celui de Rebeuss, ne s’est déplacée. Il en appelle au bon sens des autorités et leur demande d’aider les jeunes à améliorer leurs conditions de vie. Car, les marchands ne comptent pas se laisser faire. Ils attendent de pied ferme les volontaires.
AIDA DIENE