Publié le 11 Sep 2019 - 21:41
INONDATIONS A RUFISQUE

Le cri de désespoir

 

Après le sale temps vécu, suite à la belle pluie de lundi dernier, Rufisque rumine encore sa colère contre les ingénieurs ‘’nuls’’ du train express régional, les autorités locales, plus soucieuses de leur plan de carrière que du devenir de la cité, sans oublier le gouvernement qui, estiment les Rufisquois, ne pense à la vieille ville que pendant les joutes électorales.

 

La détresse et l’amertume se lisent sur le visage des voyageurs et riverains désespérés. La ville de Mame Coumba Lamb a rarement été si mal-en-point. Après la pluie d’avant-hier matin, c’était le chaos presque partout. Des véhicules stationnés le long de la chaussée. Des passagers désemparés. Des chauffeurs dans tous leurs états. L’ambiance, sur cet axe qui rallie la route nationale à l’autoroute à péage, est simplement électrique. Et comme pour raviver les braises déjà étincelantes, voilà un groupe de jeunes sortis de nulle part, de manière spontanée, pour exprimer leur courroux sous un ciel encore nuageux.

‘’On en a marre ! Pourquoi n’ont-ils (les constructeurs du train express régional) pas érigé un pont ici, comme c’est le cas ailleurs ? Les autorités ne respectent pas les Rufisquois. C’est écœurant’’, crie Moussa Ndiaye, la voix enragée.

En un laps de temps, Ndar Gou Ndaw, quartier situé à quelques encablures de la gare routière de Rufisque, sur la route qui mène vers le stade Ngalandou Diouf, baigne dans une fumée noire. Des pneus brûlés par-ci, de grosses pierres posées par-là, il s’en est fallu de peu pour que les choses tournent au vinaigre. Mais, très vite, l’ordre a été rétabli par quelques éléments des forces de défense et de sécurité. Le quartier abrite l’unique passage à niveau dans toute la ville de Rufisque, scindée en deux par les rails. Avant les travaux du train express régional, la ville en comptait au minimum quatre. Du coup, les embouteillages, Adn de la vieille ville, sont davantage exacerbés depuis des semaines, voire des mois. Ibra Guèye, au volant de sa rutilante 4x4, raconte le calvaire : ‘’Nous avons fait plus d’une heure entre Sonadis et ici, pour une distance qui fait à peine 1 km. Vous trouvez ça normal ? Tout ça à cause de ce foutu rond-point. Je me demande comment un professionnel digne de ce nom peut réaliser un tel ouvrage. C’est très mal fait. L’ingénieur qui l’a réalisé devrait être mis en prison.’’

Pendant ce temps, au niveau du centre-ville, devant le jardin public, il fallait mettre la main à la pâte pour traverser ce qu’il est convenu d’appeler une ‘’mer’’, rapporte Ahmeth Diop dans son blouson aux couleurs du ciel. En fait, c’est la route secondaire qui longe la devanture du jardin qui a été totalement enseveli sous les eaux. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, un charretier et un conducteur de pousse-pousse s’improvisent transporteurs de passagers. Leur mission, faire traverser les piétons sur une distance d’à peine deux mètres, moyennant 100 F Cfa, selon le témoignage de M. Diop. Qui peste : ‘’L’image est indigne d’une grande ville comme Rufisque.’’ Et cela se passe en face de l’hôtel de ville qui n’a pas été épargné par la furie des eaux.

Le Ter, ce bourreau des populations

Loin de là, à hauteur du passage à niveau de Ndar Gou Ndaw que certains appellent ‘’tunnel’’, d’autres ironiquement ‘’mbourgueul’’ (grand trou), la situation revient peu à peu à la normale. L’eau étant évacuée à l’aide d’une motopompe installée sur les lieux depuis le début de l’hivernage. L’infrastructure étant dépourvue d’un plan d’évacuation des eaux, du moins pour le moment. De ce fait, toutes les eaux qui viennent de Rufisque-Nord se déversent dans la cuvette qui a ainsi fait couler beaucoup de moteurs de véhicules.

Souleymane Ba, 32 ans, fait partie des victimes. Stoïque, il revient sur sa mésaventure. ‘’A l’aller, je suis passé par ici, mais il n’avait pas encore plu. Au retour, j’ai certes vu que le tunnel était rempli d’eau, mais j’ai forcé, parce que c’est l’unique voie ici à Rufisque. Aussi, je ne pouvais imaginer que c’était aussi profond. Dès que je suis entré dedans, la voiture s’est éteinte, car elle a pris beaucoup d’eau. Depuis lors, je suis là, bloqué, je ne sais que faire. Je vais devoir changer beaucoup de pièces, peut-être même de moteur.’’

Pris au piège par les eaux pluviales aux alentours de 11 h, lui et beaucoup de ses camarades d’infortune n’ont pu se faire dépanner jusqu’aux environs de 19 h. Exténué, affligé, très en colère, M. Soumaré est tout furax contre le maitre d’œuvre, tout comme contre les autorités qui peinent à achever les travaux du Ter ‘’déjà inauguré’’, rappelle-t-il. Il dénonce : ‘’Les gens doivent être plus sérieux quand ils construisent des ouvrages. Ça, c’est un travail bâclé. Ce n’est pas du tout sérieux.’’ Pour sa part, le jeune Souleymane Ba invoque la volonté divine : ‘’On ne peut rien attendre du gouvernement. On s’en remet juste au bon Dieu. Le moteur est complètement à l’arrêt. Le mécanicien que j’ai appelé a essayé de le redémarrer en utilisant trois batteries que j’ai louées. Mais jusqu’à présent, rien. Je me demande si cela pourrait encore servir.’’

Ainsi, les dégâts matériels de la pluie d’avant-hier sont incommensurables, vu le nombre de véhicules endommagés, d’édifices publics rendus inaccessibles. Partout, dans la vieille ville, on ne parle que de ça. Vingt-quatre heures après, l’indignation reste généralisée. Et les stigmates d’une journée cauchemardesque d’inondation sont encore bien visibles. Trouvé devant la mairie hier, vers les coups de 15 h, Pape Fall, habitant de Champ de courses, en veut terriblement aux autorités politiques locales, toutes obédiences confondues.

Il fulmine : ‘’Elles ne nous servent à rien. Il est temps que les choses bougent et c’est à nous, population rufisquoise, de les faire bouger. La situation de cette ville pleine d’histoires est simplement honteuse et doit faire mal à tous les enfants de Rufisque.’’ Assis sur le même banc, son ami Hamsa Guèye revient sur quelques images qui le pourchassent encore. Un de ses voisins, dans le quartier Santhia Ba, a vu le toit de sa maison s’effondrer sous le poids de la pluie. ‘’C’était triste et c’est une famille modeste. Mais Alhamdoulilah, parce que cela aurait pu être pire’’, témoigne-t-il.

Plus loin, en face de la Senelec, le centre de santé de Keuri Kaw est dans un piteux état. Il faut patauger dans la boue pour accéder à l’établissement, plus malade même que ses patients. Sur place, plusieurs personnes sont internées. Invité à se prononcer sur le triste décor, le médecin de garde, Doudou Pathé Laye, gentiment, avec un léger sourire, décline : ‘’Je suis désolé, mais comme vous le voyez je suis débordé. J’ai beaucoup de patients. Il faut passer un autre jour.’’

A l’image des patients de Dr Laye, la vieille ville est ainsi plongée dans un coma profond, malgré son passé glorieux. ‘’Rufisque est envoyée à terre par le Ter’’, chante-t-on partout dans la ville de Maurice Guèye (député-maire avant les indépendances).   

MOR AMAR

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