JEAN MEÏSSA DIOP
Le repos éternel du Guerrier !
‘’Goorgui Père, footolu waayé, wala daagay pass taay ?’’ (NDLR : Où en es-tu ou bien t’as pas de matière aujourd’hui ?), aimait-il me dire avec humour, au bout du fil, lorsqu’il m’appelait tous les soirs – car j’avais décidé, à un moment donné, de me terrer et de ne plus aller à la rédaction pour écrire mes papiers - pour prendre des nouvelles de la banlieue dakaroise par rapport aux faits de société ou plutôt faits-divers aussi croustillants que succulents.
Jean Meïssa Diop, puisqu’il s’agit de lui, directeur de publication du quotidien d’informations générales d’alors ‘’Walf Grand-Place’’, m’avait confié à l’époque la page 2 dudit quotidien que j’animais quotidiennement, et qui était d’ailleurs consacrée exclusivement aux faits-divers qui y occupaient en bonne place, sans oublier les petits textes ou mini-jupes appelés ‘’Bord’Place’’ et les quatre différentes rubriques en encadré dénommées ‘’Moo Nu Soof ; ‘’Moo Nu Saaf’’ ; ‘’C’est Pas Normal’’ et ‘’A Côté de la Plaque’’.
J’ai toujours aimé produire des textes-contributions relatifs à des sujets d’actualité brûlante (politique, sport…), que je faisais parvenir, tout au début, à la rédaction du défunt quotidien d’informations générales ‘’Le Matin’’ devenu ‘’Direct infos’’, grâce à la cession du journal par son propriétaire Baba Tandian à l’homme d’affaires Cheikh Amar ; des contributions qui étaient d’ailleurs publiées à l’époque au lendemain dans les colonnes du journal, mais elles étaient parfois reprises aussi dans le défunt journal ‘’Il est Midi’’ de Ndiogou Wack Seck. Une de mes contributions avait d’ailleurs fait les choux gras ou servi de thème à débat sur les ondes de Walf FM à l’une des émissions ‘’Diiné ak Diamono’’ de feu Sidy Lamine Niasse, qui n’avait pas encore lancé sa télé.
Jean, l’ancien technicien de Walf FM Khadim Ndiaye et mes contributions
J’ai fait la connaissance de Jean Meïssa par le biais d’un voisin de quartier, Khadim Ndiaye, technicien à la RFM de Youssou Ndour. En son temps, il était technicien à Walf FM. Je lui remettais également mes papiers-contribution qu’il donnait, à son tour, à Jean, rédacteur en chef d’alors du quotidien ‘’Walfadjri’’. Celui-ci publiait systématiquement mes textes. Mais, un jour, il interpelle Khadim et tente de lever le voile sur la vraie identité de l’auteur des contributions en question. Khadim lui répond être mon ami habitant le même quartier. Mais Jean doute, sur le ton de la farce, de ses allégations et lui demande de me faire venir à la rédaction, s’il en est vraiment ainsi, pour en avoir le cœur net. Car il pensait que ma signature sous le pseudonyme ‘’Vieux Père Ndiaye’’ au bas de mes contributions cachait mal l’identité d’un ‘’homme d’âge mûr’’.
Khadim Ndiaye organisera alors ma rencontre avec Jean Meïssa Diop dans les locaux de Walfadjri. Après une brève discussion, on échange nos contacts téléphoniques. Jean profitera de l’occasion pour m’exprimer sa joie de lire puis publier mes textes dans les colonnes du journal. Je lui ai aussi fait part de mon ardent désir de travailler avec lui dans la presse. Il prendra bonne note. Ce fut alors la fin de la discussion. Car il était sur la machine pour corriger les articles de ses reporters, mais aussi apprécier la qualité des contributions à publier.
Comment Jean, le féru de faits-divers croustillants, m’a ‘’coincé’’ puis inoculé le virus
On est au début de janvier 2007. De retour d’une course en centre-ville, ma mère m’informe qu’un certain Jean Meïssa Diop a appelé au téléphone et demandé que je le rappelle. ‘’Dites-lui de me rappeler, car c’est urgent !’’, a dit Jean au bout du fil. Ce que j’ai fait dès que je suis rentré à la maison. Jean me demande avec insistance de passer à son bureau à ‘’Walfadjri’’ à Sacré-Cœur 3. Je suis passé le lendemain, un jeudi, à son bureau. Et il me lance ceci : ‘’J’ai vraiment besoin de toi dans ma nouvelle équipe comme fait-diversier.’’ Alors que je peine encore à jauger son offre de collaboration, il s’emploie à me mettre en confiance, histoire de saisir, séance tenante, sa perche. Il enchaîne et déclare diriger maintenant un nouveau journal baptisé ‘’Walf Grand-Place’’. ‘’Vieux Père, dans la vie, il faut toujours commencer par quelque chose ! Et savoir rédiger un fait-divers n’est pas donné à tout le monde. Je te fais confiance’’, me répète-t-il, même si mon choix était porté sur les articles en politique.
Quand j’ai exprimé mon désir de subir d’abord une formation à l’école, il m’a rassuré et confié que les meilleurs journalistes au monde ne sont pas sortis d’une école. ‘’Vieux Père, j’ai fait appel à toi, car je t’ai pratiqué un tant soit peu, à travers tes contributions’’. J’ai aussitôt accepté de plonger avec lui dans sa nouvelle aventure ; faisant mienne l’assertion du défunt secrétaire général du Synpics Alpha Abdallah Sall, qui disait souvent ceci : ‘’La formation à l’école, c’est juste une présomption de compétence.’’ J’ai commencé alors à travailler comme fait-diversier de ‘’Walf Grand-Place’’, qui était chargé de faire le tour des commissariats de police et autres brigades de gendarmerie ou capter les échos dans les quartiers chauds de la banlieue dakaroise.
Les précieux conseils pratiques de Jean qui m’a formaté dans le métier
Jean était d’une grande utilité pour tous ceux qui ont eu à le côtoyer dans le monde de la presse. En particulier pour moi, durant tout mon passage à Walfadjri. Il n’hésitait jamais à me taper sur les doigts ou plutôt me tirer les oreilles en m’appelant chaque fois au téléphone, sur le chemin du retour à la maison, pour me recadrer dans mes papiers. ‘’Vieux Père, en bon français, on n’écrit pas ceci ou cela comme ça ! Sois concis, précis et clair dans tes textes. Tu n’écris pas pour toi-même. N’oublie jamais de donner, d’entrée, l’information dans les attaques de tes papiers ; des attaques musclées communément appelées ‘phrases coup de poing’. Evites aussi de faire preuve de pédanterie ou les commentaires et autres élucubrations. Un article de presse, plus l’auteur est simple dans l’écriture et se limite aux faits, mieux sait…’’. Ce sont les différents types de conseil pratique aussi précieux que Jean n’a eu de cesse de me prodiguer. Il m’a vraiment formaté dans ce moule.
Ses rapports avec ses anciens employés de ‘’Walf Grand-Place’’
Jean a fait de moi ce qui je suis actuellement dans la presse. Il a eu à le faire aussi avec beaucoup d’autres, qui se sont fait finalement une place au soleil dans les médias. Il était également un personnage très humain, discret, respectueux et correct. Il prenait également son propre argent pour rembourser les frais de transport hebdomadaires (du lundi au vendredi) de ses reporters, quand le service commercial du groupe rechignait à le faire. Il se plaisait, à chaque fois qu’il venait à la rédaction de ‘’Walf Grand-Place’’, à lancer ceci à l’endroit de ses employés : ‘’Ass Salamu Alaykum yeen waa Walfadjri.’’ Mais dès qu’il déposait son sac sur son bureau, il ressortait pour venir serrer la main à tout le monde, échangeait quelques salamalecs et se montrait taquin.
Jean aimait me rappelait au téléphone la mésaventure d’un haltérophile
Même lorsque nos chemins se sont perdus dans les labyrinthes de la presse écrite relatifs aux aléas de la vie, Jean et moi continuions à garder d’excellents bons rapports. Il me chambrait souvent au téléphone en me rappelant l’un de mes croustillants faits-divers, dont il raffolait tant, et qui avait fait l’objet d’’’Article du jour’’ à Walf FM avec Pierre Edouard Faye. Jean lâchait : ‘’Goorgui Père, naaka haltérou bi (haltérophilie).’’ Il s’agissait d’un homme qui voulait sauter une dame dans sa chambre conjugale devant ses enfants. Le gus se justifiait sans gêne devant les gendarmes de Keur Massar par le fait que la mère de famille le provoquait en s’habillant transparent pour effectuait ses tâches ménagères, à chaque fois qu’il faisait de l’haltérophilie chez lui. Ce que le pervers ne pouvait souffrir de voir.
Les messages de prières à l’occasion des fêtes de Tabaski et de Korité
Jean m’envoyait des messages de prières durant les fêtes de Tabaski et de Korité. Voici quelques-unes que je garde encore jalousement et reprend textuellement sur le répertoire de mon téléphone portable : ‘’Bonjour, Gorgui Père. Dëwënëty à toi et famille. Puisse Dieu répandre sur vous les grâces de l’Aïd el Fitr.’’ ‘’Mon ‘Avis d’inexpert’ est désormais publié dans ‘Walf’ depuis plus de 4 mois. Tidiane Kassé et moi sommes retournés à ‘Walf’ pour accompagner l’équipe (dimanche 24 mai 2020)’’. ‘’Salut, Goorgui Père. Dëwënëty à toi et famille. Puisse Dieu agréer et rétribuer avec générosité vos actes de dévotion et de charité à l’occasion de l’Aïd el-Adha (vendredi 31 juillet 2020).’’
C’est pour vous dire à quel point il me portait dans son cœur. Je lui rendais également la politesse.
Jean, les cambrioleurs, la méprise de la Dic et son pardon à la police
Quand des malfaiteurs ont visité nuitamment son domicile et emporté quelques matériels, Jean m’a téléphoné le lendemain matin pour m’en informer. Et même lorsque des policiers de la Division des investigations criminelles (Dic) ont confondu la maison de Jean à celle d’un autre confrère recherché, en s’attaquant au petit matin à lui-même jusque dans sa chambre à coucher, terroriser ses enfants et brutaliser son épouse, il a su faire preuve de dépassement et passer l’éponge sur sa plainte. Il a, en effet, pardonné à la police.
Dors sous terre en paix, Jean ! Merci pour TOUT ! Adieu !
Ainsi, après avoir guidé avec brio les premiers pas et fourbi les armes d’autant de générations de jeunes journalistes dans leur carrière professionnelle balbutiante dans les rédactions comme dans les écoles de formation (Cesti et Iseg), tu peux maintenant retourner tranquillement avec tous les honneurs dignes de ton rang, dans la vie et surtout dans la presse, en particulier, et ceci pour l’éternité, auprès de Notre Seigneur-Le Très Haut Miséricordieux. Tout le monde te doit TOUT.
Jean Meïssa Diop, tu mérites vraiment le repos éternel du Guerrier ! Dors en paix sous terre de ton village natal de Ndiaganiao ! Adieu, Jean !
Vieux Père NDIAYE
Journaliste "Les Echos"
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