Publié le 21 Apr 2017 - 22:29
JOURNEE NATIONALE DU TALIBE

Le combat contre la mendicité stagne

 

Malgré la résolution des autorités d’éradiquer la mendicité à laquelle se livrent les talibés, le mal persiste. Un état stationnaire dû aux problèmes de financements, selon le directeur de la protection de l’Enfance, Niokhobaye Diouf.

 

Les faits sont têtus. L’errance des talibés dans la rue aussi. Malgré les efforts des autorités pour contrer le phénomène, les artères principales, rues, ruelles de Dakar accueillent toujours ces petits enfants censés fréquenter les écoles coraniques. La Direction des droits de la protection de l’enfant et de groupes vulnérables (Ddpegv) n’arrive toujours pas à résoudre le phénomène, malgré un budget consistant de 11 milliards dont les 2 sont consacrés à la capitale, et la fermeté de son directeur, Niokhobaye Diouf. Depuis le 22 juin 2016, date de la décision prise par le président de la République du Sénégal, en Conseil des ministres, pour combattre le phénomène, les services de M. Diouf n’ont pas chômé.

En moins d’une année, a-t-il fait savoir hier sur les ondes de la Rfm, ses services ont mené ‘‘66 opérations de terrain pour un total de 1 547 enfants retirés de la rue. 21 d’entre eux ont été renvoyés en Guinée Bissau et 60 familles ont été enrôlées dans le programme des bourses de sécurité familiale’’. Mais le directeur avoue que les moyens ne suivent pas et constituent un réel écueil à la réussite du programme. ‘‘Nous avons élaboré un projet d’éradication de la mendicité à Dakar pour 2 milliards 692, mais nous avons un souci de financement pour régler ce problème. C’est à l’issue de son obtention que nous parviendrons de manière résolue à éradiquer ce phénomène’’, poursuit-il.

Aumône  

Un chiffre minime certes, mais qui ne prend pas en compte les enfants rentrés dans leurs localités ou dans leurs pays, depuis le déclenchement de l’affaire, analyse le directeur de la protection de l’enfance. ‘‘L’opération a été dissuasive et a permis une certaine embellie dans certaines zones de la capitale’’, avance-t-il. Aussi, l’Etat a déployé des mesures d’accompagnement pour appuyer les familles et les maîtres coraniques concernés par cette mesure. D’ailleurs, c’est dans ce sens que des idées de projets d’autonomisation ont été développées dans des secteurs tels que le commerce, le transport, l’aviculture etc. ‘‘Il va nous permettre de mettre l’accent sur la communication pour le changement de comportements et de coordonner nos actions. Actuellement, nous avons décaissé 25 millions de F Cfa pour soutenir les familles, les marabouts. En moyenne, c’est presque six millions par mois’’, avançait-il en septembre 2016 dans nos colonnes juste après le lancement du programme de retrait, tout en admettant que des difficultés existent dans le cadre de cette lutte.

Malgré les mesures coercitives, une amende de 500 000 à 2 millions de F CFA et d’un emprisonnement de deux à cinq ans, les enfants sont toujours dans la rue à l’instigation de leurs maîtres coraniques pour la plupart. Le sociologue et coordonnateur de la plate-forme pour la promotion des droits humains, Mamadou Wane, attribue le phénomène au fait que la pratique amalgamée de l’aumône sociale sénégalaise à celle de l’aumône légale musulmane pose problème. Dans un entretien qu’il a accordé à EnQuête, il avait dénoncé le fait que  ‘‘les donneurs d’aumône amplifient la mendicité’’, avant de s’en prendre au manque de vision des autorités qui semblent ne cibler que la capitale dans cette entreprise. ‘‘Qu’un Premier ministre puisse dire, à un moment donné, que cette pratique s’arrête à Dakar. Et on ne peut pas le déplorer ici, et l’accepter à Thiès, Tambacounda, etc. C’est inacceptable. Soit on est dans un gouvernement cohérent, un Etat dans le sens de la modernité. Quand le président de la République donne une directive, tout l’appareil d’Etat doit se mobiliser’’.

Modernisation daara

L’avant-projet de loi sur la modernisation des daara semble être la seule panacée crédible pour éradiquer, ou à tout le moins, réduire sensiblement le phénomène. Le  conseil supérieur des maîtres coraniques, récemment porté sur les fonts baptismaux, a repris à son compte la relance de cet avant-projet qui avait précédemment échoué à cause du rejet de certains  maîtres coraniques.  Ahmed Tidiane Tall, député et président de l’association,  promet une législation imminente, de concert avec les autorités. Mais pour la brûlante problématique des enfants mendiants, il s’est défaussé sur l’autorité parentale. ‘‘Les maîtres coraniques qui envoient les enfants mendier ne le font pas de gaieté de cœur. Nous travaillons à trouver des solutions à cet état de fait. C’est un problème qui est né de la démission des parents. Nous allons travailler avec l’Etat pour légiférer sur le statut des talibés et les inviter à leur prise en charge’’, avait-il déclaré lors de la mise en place de leur bureau, en fustigeant l’absence des financements des projets d’écoles coraniques au même titre que ceux de la société civiles.

L’Unesco, quant à elle, malgré toutes les dispositions prises par l’Etat du Sénégal, appelle à ‘‘l’accélération de la mise en œuvre de ces initiatives pour la protection des enfants talibés, et le retrait définitif des enfants de la rue et leur réinsertion dans leurs familles’’, dans un communiqué publié lors de cette journée nationale du talibé. ‘‘Chacun d’entre nous est responsable pour mettre fin à cette situation’’, estime l’Unicef, invitant l’Etat à ‘‘prendre des mesures de prévention sur le long terme, et donner les ressources nécessaires pour l’assistance aux victimes et la répression contre les auteurs’’. 

 

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