Le rap galsen en quête de nouveau sens
Entre marasme commercial et activisme politique, les acteurs du mouvement hip hop sénégalais ont fait le point sur leur art, lors des ‘’mercredis de l’Isac’’ à l’Ifan.
Les acteurs du Hip hop sénégalais se sont réunis mercredi des implications sociopolitiques de leur art et des stratégies de commercialisation. Sur la question de savoir si le public sénégalais n’en a pas marre de voir les rappeurs sénégalais dans le champ politique, Keyti répond par l’affirmative. ‘’Qu’on veuille le reconnaître ou pas, je dis qu’il faut faire attention. Les gens commencent à en avoir marre. Ils disent que nous intervenons dans un domaine qui n’est pas le nôtre‘’, dit-il.
Toutefois il faut, selon lui, que les Sénégalais comprennent que même l’artiste qui n’est pas engagé sur le plan politique est sollicité dans son quartier donc, en un moment aussi, il représente quelque chose dans sa localité sur le plan social. ‘’Il faut aussi savoir reconnaître ce rôle-là aux rappeurs. Maintenant le choix, c’est : est-ce que j’en parle par la contestation ou alors j’essaie de collaborer avec les décideurs qui sont là pour régler tel problème. L’engagement se trouve à plusieurs niveaux‘’, soutient-il.
Selon le rappeur Fou Malade qui a pris part à cette conférence, le hip hop a une implication sociale et politique très intéressante en ce sens qu’il joue un rôle et l’assume pleinement à travers ses acteurs. ‘’Les graffeurs, selon les événements, prennent clairement position et c’est dans le souci de préserver des acquis, d’améliorer les conditions de vie des populations. Sur le plan économique, c’est une alternative au chômage, à l’emploi des jeunes puisque le Hip Hop permet maintenant d’absorber un taux de jeunes chômeurs et de les canaliser’’, dit-il.
Outre cet aspect, il s’agit, selon le rappeur Matador, de voir comment commercialiser le hip hop sénégalais à une échelle plus large. ‘’On n’a rien trouvé en termes d’infrastructures ; pendant 15 ans on a fait du hip hop sans structure. Mais nous devons créer cette industrie pour pouvoir parler de commercialisation et d’économie’’, lâche-t-il. C’est d’ailleurs, dit-il, pour une commercialisation sur le marché continental que sa structure Africulturaban a été mise sur pied. Le but est de former des jeunes dans plusieurs disciplines pour que la culture urbaine tourne. ‘’On est en train de créer cela et les générations à venir vont trouver des instruments et des structures solides qui pourront développer l’aspect économique de la culture hip hop tout en gardant les racines’’, souligne-t-il.
Ce progrès a été analysé par le rappeur Keyti, co-présentateur du Jt rappé et conférencier du jour, mais en abordant la trajectoire politique du Hip hop au Sénégal. Ainsi il s’agit, selon lui, d’une première vague qui arrive à la fin des années 80 notamment Pbs, Pee Froiss, Daara –J. Ces pionniers ont plus mis l’accent sur le panafricanisme, sur l’unité de l’Afrique, l’histoire des noirs, entre autres. Il s’ensuivra d’autres générations avec chacune son approche propre. Mais cette trajectoire est, selon lui, ce qui donne la particularité au rap sénégalais. ‘’Parler des dysfonctionnements, proposer des alternatives, c’est ce que fait depuis le début le rap sénégalais. Donc il joue son rôle’’, tonne-t-il.
Keyti n’est toutefois pas d’accord sur le fait que d’aucuns pensent que cet engagement constitue un frein pour le développement économique du rap sénégalais. ‘’Il y a des problèmes d’organisation qui sont inhérents à la musique sénégalaise en général et auquel il faudrait que le rap sénégalais s’adresse’’, invite-t-il.
AMINATA FAYE