Un héritage de Baye Niass en plein désert mauritanien

Boubacar, une cité religieuse localisée dans le désert mauritanien, sera dans quelques jours le point de ralliement de milliers de fidèles et disciples de Baye Niass. Ce hameau devenu par la force du temps une ville au cœur des dunes de sable, a été fondé par un descendant du Prophète (PSL) nommé Cheikh Ould Khairy, en 1978. Selon les enseignements de Cheikh Al islam, le 20 avril de chaque année, y est commémoré l’anniversaire de la naissance du bien-aimé d’Allah, Mouhamed. Plusieurs des fils de Baye Niass et des petits-fils de Cheikh Ahmed Tidiane Cherif, fondateur de la tarikha tidiane (voie soufie), ont foulé cette terre sainte située à 3 heures de Rosso. Découverte d’une cité cachée dans le Sahara qui vit au rythme de la Fayda…
Bien connue des musulmans, la naissance du sceau des prophètes est célébrée chaque 12e jour du mois de Rabioul Awal, le troisième du calendrier musulman. Une date qui correspond au 20 avril, selon le calendrier grégorien. Celle-ci, par contre, est peu connue du grand public musulman.
En effet, cette date du 20 avril marqua une nouvelle ère de pureté, car ayant vu naître le summum de la prophétie dont les louanges ont été chantées par de grands soufis (érudits) dont le grand connaisseur, bien éclairé, répondant au nom de Béddi Ould Siidina qui, dans l’un de ses écrits élogieux les plus célèbres sur le Prophète a entériné le mois d’avril comme le mois de naissance du Prophète Mouhamad (PSL). D’ailleurs, Cheikh Al islam commémorait cette date à Dieuppeul, à Dakar, avec ses disciples à qui il avait donné injonction de célébrer le Gamou (célébration de la naissance du Prophète), chaque 20 avril. Jusqu’à nos jours, cette tradition est perpétuée par les inconditionnels de Sahiboul Fayda à Dakar. Compte tenu de sa dimension internationale, Baye Niass a vu cette coutume immortalisée par un de ses fidèles, singulier de par son dévouement envers lui, du nom de Cheikh Ould Khairy, un descendant du Prophète, fondateur de la cité bénie de Boubacar, nichée en plein désert mauritanien. Une contrée très excentrée des mondanités, des souillures de ce bas monde et dont la grâce éblouit les entendements.
Quand Baye Niass le couvrit de son turban et le baptisa
Fils de Sidi Abdallahi Ould Khairy surnommé dit Dy et de Fatimata Zahra dite ‘’Daahiya’’, cet homonyme du dépositaire de la Fayda a repris le flambeau de cette tradition dans ce hameau, sa terre d’accueil, après son exil en 1978, de la cité religieuse de Maata Moulaana, à 9 km de Boubacar. Cheikh Ould Khairy, de son vrai nom Cheikh Ibrahima Ould Khairy, a été baptisé par Baye Niass qui lui donna son propre prénom après l’avoir couvert de son majestueux turban blanc, selon de nombreux témoignages très répandus, dont celui d’Ould Nahwi, premier disciple maure à faire allégeance au guide suprême de la ville sainte de Médina Baye.
La scène était si frappante au regard de l’étendue spirituelle de Baye qu’on raconte que ce grand érudit, témoin de cet événement et qui a vécu une centaine d’années avant de tirer sa révérence n’avait de cesse de prier pour que Dieu lui accorde une longévité afin de découvrir ce qui se cache derrière ce geste distinctif de Cheikh Ibrahima Niass. Il vécut plus de 100 ans et témoigna que ‘’si Cheikh Ould Khairy n’est pas disciple de Baye personne ne l’est’’. Ould Nahwi fut l’une des figures ayant levé le voile sur le caractère mystérieux et mystique du grand maître de la cité de Boubacar. Une manière de dire que ce Cheikh d'une beauté éclatante, qui se perd dans une boule de lumière a hérité de la sagesse de son maître. Parmi, les événements révélateurs de la singularité de Cheikh Ould Khairy figure un de très particulier. Étant jeune, il a été le seul en dehors de Mouhamadoul Michri, son initiateur spirituel, a rencontré Baye Niass au salon d’honneur de l’aéroport international de Dakar, en 1975, avant son départ vers Londres où il rendit son dernier souffle. Sur le chemin du retour, alors que l’aéronef qui transportait Cheikh Al Islam transperçait les airs, le véhicule qui conduisait Cheikh Ould Khairy et Michri fit un tonneau sur la route de Rosso. Michri rendit l’âme sur le coup, 21 jours avant le décès de Baye à Londres, qui s'y était rendu pour des soins médicaux.
La dernière rencontre de Baye et du maître de Boubacar au salon d’honneur de l’aéroport de Dakar
À bord du véhicule, le sage de Boubacar (jeune à l'époque) s’en est sorti avec une blessure à l'épaule. Ainsi, après la disparition de Baye et de Michri, le meilleur de tous ses disciples comme l’a si bien dit son maître, les fidèles notamment ceux de l’école spirituelle du défunt Michri se tournèrent vers l’érudit de Boubacar et lui firent allégeance. Un événement marquant, au regard de son jeune âge puisque dans les rangs des talibés, figuraient ses pères, sa mère, ses oncles, frères et sœurs et des érudits maures, compagnons de Baye ayant vécu avec lui (Baye) pendant 40 ans dont les très connus, Mouhamad Al Moukhtaar Al Hiddi, Oustaz Ould Adda et Mouhamed Yahya. Ce pacte avec le marabout de la cité du désert a été perçu par les avisés, comme une preuve irréfutable de l’héritage spirituel du dépositaire de la Fayda, incarné par le fils de Dy Ould Khairy. C’est la cause de son exil vers Boubacar, puisque le Cheikh vivait à Maatamoulaana, la cité de son maître Mouhamadoul Michri.
Depuis lors, des milliers de fidèles de toutes races et de tous horizons ont convergé vers l’illuminé de la Mauritanie. À l’image de son maître, l’étoile de la lignée des ‘’Khairy’’ compte des milliers de disciples à travers le monde. Deux rendez-vous phares sont célébrés dans cette cité. Il s’agit du Gamouwaat (une semaine après la célébration du Mawlid à Médina Baye, autorisé par Cheikh Al islam de son vivant), et le Gamou du 20 avril.
Le 20 avril, une nuit du Prophète de l’islam, à Boubacar
La nuit du samedi 19 au dimanche 20 avril 2025, Boubacar aura donc, comme chaque année, depuis 1998, vibré au rythme des poèmes exaltants, scandés par les disciples mauritaniens comme d’autres fidèles aux races et ethnies diverses. Une identité que la cité de Boubacar a héritée de Cheikh Al islam, dont l'une des identités est la diversité des races qui répondirent à son appel, dès la proclamation de la Fayda en 1929, alors qu’il n’avait que 29 ans. Cette célébration remonte à 1978, même si elle se faisait chaque 30 avril.
Cependant, au vu de son amour pour le Prophète et son attachement aux enseignements de Baye Niass, Cheikh Ould Khairy a décidé de commémorer cet événement spirituel à la date du 20 avril, correspondant à l’anniversaire de la naissance de l’aimé de Dieu Mouhamed. Ainsi cette année, sous des tentes bien aménagées à la mauritanienne, des invocations d’Allah (Zikr) vont encore retentir sous diverses intonations.
Un maître spirituel de la lignée des ‘’Khairy’’
Dans ces ‘’Xaîma’’ (tentes) résonneront toute la nuit, les voix enivrantes qui bercent le cœur des croyants et les embarquent dans des univers célestes. On aura droit également à des discours en arabe, en hassaniya (langue traditionnelle maure), en wolof, en français, en anglais, etc., à cette fête annuelle, resplendissante en présence du Cheikh enturbanné au milieu de ses disciples. Un érudit, de la lignée des ‘’Khairy’’, dont la luminosité du visage ressemble si bien à celle de la pleine lune. Dans une atmosphère spirituellement très chargée, on se souvient une année, de la senteur aux allures du musc se répandant à travers l’air, comme pour annoncer le discours de Cheikh Ould khairy qui exhortait les fidèles à la crainte de Dieu et à s’agripper aux enseignements de cheikh Al islam.
Dans cette cité de Boubacar où vivent des Alawis (descendance du Prophète dont les Tandaxii, les Lahlan, les Woulad Daymaan, les Choumassit, les Ahloul Kairy), une grande communauté de fidèles issue du Sénégal, du Mali, du Nigeria, et autres s’est formée. Un peuplement identique à celui de Médina Baye où des disciples étrangers de Baye ont conquis cette cité née aussi d’un exil du grand saint de Médina Baye.
À l’image de Boubacar, Médina Baye n’était pas plus qu’une vaste étendue de forêt dense sans aucune commodité, quand son fondateur s’y exilait après avoir quitté Léona Niassène où il vivait avec sa famille et les disciples de son père El Hadj Abdallahi Niass. Une histoire qui s'est répétée dans la cité du désert qui a désormais grandi, atteignant la taille d'une ville avec des écoles publiques, des écoles coraniques, structures de santé, eau et électricité sans compter les belles constructions en dur et autres commodités. Quelle ressemblance avec la cité de Baye Niass ! Pourtant, il fut un temps, ce n’était qu’un hameau dépourvu de tout confort, méconnu de presque tous. Le miracle de la cité de Cheikh Ould Khairy est que, grâce à la bénédiction de Baye Niass, a raconté le Cheikh lui-même, la récompense de la ‘’Khidma’’ (œuvrer pour Dieu) s’est répandue sur cette terre de connaisseurs de Dieu.
Alioune Badara Diallo Kane